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Le contrôle des chômeurs est une constante en Europe

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Une note ministérielle révélée par le Canard Enchaîné du 27 décembre 2017 dévoile que le Gouvernement réfléchit à durcir les sanctions contre les chômeurs qui refuseraient une formation ou deux offres d’emploi raisonnables ; de réduire de 50% (contre 20% aujourd’hui) pendant deux mois les indemnités dès le premier refus, puis de les supprimer pour la même période en cas de récidive. Ces sanctions concernent les refus d’offres raisonnables d’emploi, c’est-à-dire qui correspondent au diplôme, au salaire et au lieu de résidence du chômeur. Mais alors, pourquoi durcir ces contrôles et ces sanctions, et surtout quelles sont les pratiques de nos voisins européens ?

Pourquoi le renforcement du contrôle en France ne peut pas être suffisant

Qu’est-ce qu’un contrôle et en quoi consiste-il ? Le contrôle de la recherche d’emploi est un processus visant à vérifier l’engagement des demandeurs d’emploi dans des activités de recherches d’emploi suffisantes pour continuer de percevoir les allocations chômage.
Différentes études (Mortensen, 1986 ; van den Berg, 1990) ont montré que le contrôle de la recherche d’emploi a un effet incitatif qui modifie l’intensité de la recherche lorsqu’une menace pèse sur le niveau d’indemnisation des chômeurs. Pour ce qui concerne tout particulièrement la sanction, Boone et van Ours (2006) ont montré, en complément de l’effet menace, que l’effet avertissement renforce l’effort de recherche d’emploi du fait de se sentir surveillé. Ce sentiment et ces efforts sont encore plus intenses lorsque la sanction tombe : il s’agit alors de l’effet direct.
A ce titre, Pôle Emploi rendra au premier trimestre 2018 un bilan sur la qualité du dispositif de contrôle de la recherche d’emploi qu’il expérimente depuis novembre 2015. Selon les premiers chiffres du bilan, 269 000 contrôles ont été menés par 215 conseillers répartis en 32 équipes et se sont occupés exclusivement de déterminer « l’effectivité de la recherche d’emploi ». D’après Pôle Emploi, 14% des demandeurs d’emploi de l’étude auraient été sanctionnés pour non-effectivité de recherche d’emploi. Cela signifie que 86% d’entre eux ont été honnêtes et ont effectué les démarches. Alors cette solution du durcissement des contrôle est-elle adaptée ?
En fait, non. Le problème de la France, c’est la sévérité des sanctions qui ne suivent aucune logique. Le rapport de la mission d’information de 2011 du Sénat sur Pôle emploi précise à juste titre que « les manquements qu’on serait spontanément tenté de considérer comme les plus graves aux devoirs des demandeurs d’emploi (insuffisance des actes de recherche d’emploi, refus d’une proposition concrète d’emploi ou de formation présentée par le service public de l’emploi) débouchent, le plus souvent, sur la sanction la plus douce dans l’échelle des peines : dans 90 % des cas, ils se traduisent par une radiation de quinze jours. A l’inverse, la non-réponse à une convocation, qui justifie plus de 90 % des radiations, aboutit à une radiation de deux mois ».

Etat des lieux du système de contrôle et de sanction des chômeurs dans l’OCDE

Dans un article publié par l’OCDE en 2012, Danielle Venn construit un modèle en quatre dimensions afin d’établir un classement des pays de l’OCDE les plus sévères sur les contrôles et sanctions :
1) Les conditions d’accès à l’indemnisation chômage (période d’emploi et/ou de contribution requise et sanctions en cas de chômage volontaire),
2) Les obligations de recherche d’emploi (disponibilité pour les participants aux programmes actif du marché du travail (PAMT) et critères définissant un emploi convenable),
3) et 4) le contrôle des efforts de recherche d’emploi et les sanctions qui sont appliquées en cas de refus d’une offre d’emploi ou d’une proposition de participation à un PAMT.

Pour le premier indicateur, la France se place en 17e position sur les 36 pays de l’OCDE. En Italie, au Portugal et en Turquie, des périodes de cotisations de 2 ans coexistent avec des sanctions strictes pour le chômage volontaire (absence de recherche active d’emploi). En revanche, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ne requièrent aucune période de cotisations et imposent des sanctions relativement légères au chômage volontaire.

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La France est 25e sur 36 pour le second indicateur qui mesure les obligations de recherche d’emploi. La Norvège, l’Allemagne et le Danemark n’autorisent que peu de raisons pour refuser les offres d’emploi et exigent généralement que les participants au programme PAMT soient disponibles pour travailler.

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Enfin, la France est parmi les plus sévères au regard des contrôles effectués sur la recherche d’emploi (5e sur 36).

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Mais elle ne l’est pas sur les sanctions distribuées (34e sur 36) :

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Enfin, et de manière plus concrète, il est intéressant d’observer la pratique des trois pays les plus sévères avec leurs chômeurs : le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Danemark.

+Le Royaume-Uni+

Le Royaume-Uni compte en septembre 2017 un taux de chômage de 4,2%. Mais il est également le pays où les contrôles et sanctions sont les plus dures d’Europe.
Parmi les règles les plus sévères concernant la fraude, on peut retenir le droit de tout citoyen de dénoncer un ami ou un voisin qu’il suspecte de frauder, ce qui au demeurant apparaît comme une pratique malsaine même si elle est peut-être efficace.
Hors fraude, la première des règles consiste à passer 35h par semaine sur le site officiel de Job Center Plus. Ces heures sont bien sûr enregistrées et contrôlées et si le quota n’est pas rempli, alors les allocations sont coupées.
Un retard de 10 minutes à un rendez-vous sanctionne les allocations, qui sans justificatifs peuvent être coupées. En ce qui concerne plus particulièrement les offres proposées par Job Center Plus, il est interdit de refuser un travail que l’établissement trouve et propose au chômeur.
Enfin, l’allocation est incitative à trouver un travail puisqu’elle est extrêmement faible (400€ maximum) et versée sur seulement 6 mois. Pas d’indexation sur l’ancien salaire et elle est dégressive en fonction du salaire du conjoint.

+L’Allemagne+

Avec seulement 3,6% de chômage, l’Allemagne est également un pays qui contrôle et sanctionne plus sévèrement que la France. Elle reste toutefois moins dure que le Royaume-Uni.
Les indemnités chômage, par exemple, sont indexées sur l’ancien salaire contrairement au Royaume-Uni, mais l’indexation est plus faible si le chômeur est un chômeur de longue durée. En revanche, tout retard, ou oubli de se présenter à un rendez-vous avec un agent est sanctionné à hauteur de 10% de l’indemnité versée. De la même manière, un chômeur refusant un emploi perd 30% de son indemnité.
Les chômeurs doivent également être joignables tous les jours ouvrables. Toutefois, avec l’accord de son conseiller, un chômeur Allemand peut partir en vacances ; il bénéficie de trois semaines de congés par an.

+Le Danemark+

Le Danemark a un taux de chômage de 5,6%, et, tout comme l’Allemagne, impose des règles et de sanctions plus strictes qu’en France.
Les chômeurs danois doivent pointer deux fois par semaine au Job Center et postuler régulièrement à des offres d’emploi partout dans le pays afin de lutter plus efficacement contre le chômage de longue durée. Il leur est aussi interdit de refuser la première offre proposée par l’établissement public danois sous peine de perdre leur indemnité.
Les chômeurs ont également quatre réunions de remise à niveau mensuelle obligatoire. Toute absence est sanctionnée.
Les indemnités sont indexées à 90% du dernier salaire perçu et sont versées par l’Etat pendant 2 ans sur une période de 3 ans.

Conclusion

Renforcer les contrôles, pourquoi pas. Mais cela ne sera efficace que si c’est un élément d’ensemble d’une série de mesures tendant à inciter les entreprises à recruter et à inciter les chômeurs au retour à l’emploi : durée d’indemnisation plus courte et/ou dégressive, formation, sanctions renforcées…

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