M. Benyamin Netanyahou s’est allié à des formations ultra-orthodoxes, comme les partis de ses ministres Bezalel Smotrichet Itamar Ben Gvir, avec lesquelles il a proposé une réforme des institutions judiciaires qui enflamme tout le pays. Le texte prévoit que le Parlement, par un vote à la majorité simple, puisse empêcher toute censure de la Cour suprême, notamment sur les lois fondamentales. Les nominations ministérielles ne seraient plus soumises au contrôle juridique de la Cour suprême. Enfin, il proposait que les magistrats soient désormais désignés par une commission composée majoritairement de représentants de la coalition parlementaire et de son gouvernement, mais un amendement a requis que cette majorité intègre au moins un membre de l’opposition. Certaines de ces propositions seraient peut-être négociables si elles ne visaient pas à éviter au Premier ministre lui-même, sous le coup de poursuites pour corruption, d’être traduit en justice et démis de ses fonctions. Ce qui a contribué certainement à lever la rue, et une partie de l’armée ou du moins des réservistes, contre lui, notamment depuis qu’il a limogé son ministre de la défense, Yoav Galant, qui le mettait en garde sur les effets dévastateurs de cette réforme.
La séparation des pouvoirs
Sur le fond, ce projet de réforme supprime la séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, en mettant le troisième sous l’étroit contrôle des deux premiers. Pourtant, à la base des démocraties il y a ce principe, énoncé par Locke que « La tentation de porter la main sur le pouvoir serait trop grande si les mêmes personnes qui ont le pouvoir de faire les lois avaient aussi entre les mains le pouvoir de les faire exécuter, car elles pourraient se dispenser d’obéir aux lois qu’elles font » (chap. XII, sections 143 et 148 de son Second Traité du gouvernement civil, 1690). Montesquieu l’a synthétisé en requérant l’équilibre des différents pouvoirs : « Pour qu’on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (L’esprit des lois – Livre XI Chapitre IV, 1748). Un tel système tempère la politique par des procédures de contrôles réciproques et de contrepoids, ce que les Américains ont retenu dans leur doctrine des checks and balances. Pour sa part, l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 a disposé que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
Mais pour parvenir à cette séparation des pouvoirs politiques, il faut d’abord que la politique ait trouvé son autonomie par rapport au religieux. Et en Israël, c’est la prétention des partis orthodoxe à soumettre la politique au religieux qui conduit à ce risque d’effacement de la démocratie. A dire vrai, c’est une vieille tentation d’Israël qui s’est constituée en nation sous la houlette des prophètes recevant la loi divine et désignant la lignée de David pour régner.
Le berceau hébreu de la liberté
Pourtant, le judaïsme a aussi, et peut-être surtout, été le berceau de la liberté inconnue avant lui dans le monde antique. Dès la Genèse, Dieu laisse l’homme libre et responsable de respecter ou non l’interdiction qui lui est faite : « L’Eternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Eden pour le cultiver et pour le garder. L’Eternel Dieu donna cet ordre à l’homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras » (Genèse, 2, 15-17). Il l’a laissé libre d’en manger, à ses risques. Dieu laisse chacun choisir sa foi comme le rappelle le prophète Josué aux israélites : « Et si vous ne trouvez pas bon de servir l’Éternel, choisissez aujourd’hui qui vous voulez servir, ou les dieux que servaient vos pères au-delà du fleuve, ou les dieux des Amoréens dans le pays desquels vous habitez. Moi et ma maison, nous servirons l’Éternel » (Livre de Josué, 24,15). L’homme est donc responsable de ses choix.
Par ailleurs, les Hébreux imposaient au pouvoir de ne pas empêcher la libre parole des prophètes, ce qui autorisait une large ouverture du débat en même temps que l’enseignement de la sagesse à la base des livres bibliques, c’est-à-dire l’acceptation de l’imperfection du monde et des limites de la capacité des hommes. Enfin, Israël invitait à respecter le droit : « Pratiquer la justice et le droit, aux yeux de Yahvé vaut mieux que les sacrifices » (Les Proverbes, 21) et le Deutéronome (16, 18-20) requérait d’établir des juges dans toutes les villes. Les éléments étaient réunis pour que se forge un Etat de droit et se distingue une civilisation plus respectueuse de la personne dans la reconnaissance de la parole et, d’une certaine manière, de la conscience, une civilisation libre, assise sur la propriété des individus et annonciatrice des formes modernes de l’état de droit et de la démocratie.
Il serait donc incompréhensible et dommageable qu’Israël oublie ses racines au profit d’un intégrisme étriqué, empruntant à l’islam ses travers, qui l’empêcherait au surplus de trouver la paix. Car il n’y aura de paix en cette Terre sainte, où tant de religions prospèrent, qu’en acceptant, de part et d’autre, que le territoire ne soit pas le fief exclusif d’une religion et que la politique se distancie du religieux et vive dans le pluralisme de ses institutions. Chaque pays doit trouver bien sûr à cet effet les règles qui lui sont le mieux adaptées et qui peuvent diverger de par le monde, mais les principes demeurent universels. D’ailleurs, la vitalité des manifestations suscitées par cette réforme prouve que la démocratie existe encore en Israël.
6 commentaires
Lorsque les tentatives démocratiques affichent faiblesse, se noient dans leurs hésitantes contradictions (En même temps), les minorités veulent imposer leurs lois coute que coute et l’idée que c’est la majorité qui doit décider s’éloigne un relativisme mou s’installe et les apprentis dictateurs s’épanouissent…
« LA TENTATION RELIGIEUSE D’ISRAËL À L’ENCONTRE DE LA DÉMOCRATIE » Au lieu d’accuser Israël, pourquoi ne pas balayer devant notre porte : LA TENTATION RELIGIEUSE DE LA FRANCE À L’ENCONTRE DE LA DÉMOCRATIE. Il y aurait de quoi dire, mais chut, c’est interdit.
J’ai dû mal à comprendre votre raisonnement !
Et ce que vient faire le religieux dans votre problématique.
Un peu de bibliographie républicaine ne fait jamais de mal.
https://www.facebook.com/watch/?v=1649110818778577
Le judaïsme est à l’origine une théocratie. Dieu a en effet laissé le choix aux hommes « vous avez voulu des rois, des juges » ..
Depuis la Bible nous savons qu’il n’y a rien à attendre de la justice ; ce n’est pas Jésus ou barabas qui démentiront.
Ce que vous décrivez n’est rien d’autre que l’organisation officieuse en France.
Pour en avoir récemment fait les frais, vous devriez le savoir.
Le juge en retraite donne une piste bicentenaire pour se rapprocher de l’indépendance.
Tout comme je l’avais fait remarquer au jeune avocat – déjà bien éclairé – que votre cabinet m’avait mis à disposition, le droit contemporain n’est pas une science encore moins une technique et malgré la profusion des codes et la longueur des études un avocat ne sait pas où il va dans son métier ; seul prédominent loi de l’aléa juridique.
La bible ne nous dit elle pas que vous soyez pauvre ou puissant ..
La justice actuelle est un instrument de domination du peuple par le régime en place en apparente alternance, rien de moins.
Bien à vous
Dieu a créé l’homme capable de lui obéir ou de lui désobéir. L’homme est donc doté du »libre arbitre.
Mais il ne « le laisse pas libre » au sens fort de cette expression puisqu’il lui intime un ordre.
De même, il laisse Caïn lui désobéir après qu’il l’ait mis en garde, puis il le punit;
Bonjour monsieur Delsol.
Pour ce WE Pascal, cet article arrive à point.
Bonne analyse faisant référence à la fois aux textes bibliques de l »origine du judaïsme et l’évolution historique suite à leur mise en pratique.
Des extraits de textes issus de la Genèse, de l’Exode et autres, sont relatés chaque année le soir de Pâques lors de la soirée de la Vigile Pascale (dans les communautés catholiques du moins). Ces textes ont fait l’objet de la mise en place de coutumes et mise en place de rites souvent de manière dévoyée par les gens du pouvoir (les religieux à l’époque) possédant l’instruction pour asservir les populations et conserver une certaine stabilité politique pour éviter les émeutes.
Ceci se constate dans les trois religions monothéistes : les Juifs au départ historiquement puis les Chrétiens il y a deux mille et ensuite l’Islam six cents ans après.
Probablement chez les juifs (les écrits manquent) , chez les Chrétiens et chez les Musulmans également, la Tolérance était de mise. Puis cela s’est détérioré.
N’oublions pas que les Juifs du temps des Pharaons, n’étaient pas des tendres, ils se propageaient à coup de massacres (des passages sont décrits dans l’Ancien Testament brandissant le bras vengeur de Yahvé Vainqueur de l’oppresseur) n’ayant rien à envier aux Croisades des Catholiques…. L’Islam a suivi également ce genre de processus avec son décalage historique.
Très bon rappel, que vous avez fait.
Merci
PhB
PhB
◄ Genèse 32 ► / 24-32 / Version Louis Segond 1910
« Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur. »
24Jacob demeura seul. Alors un homme lutta avec lui jusqu’au lever de l’aurore. 25Voyant qu’il ne pouvait le vaincre, cet homme le frappa à l’emboîture de la hanche; et l’emboîture de la hanche de Jacob se démit pendant qu’il luttait avec lui. 26Il dit: Laisse-moi aller, car l’aurore se lève. Et Jacob répondit: Je ne te laisserai point aller, que tu ne m’aies béni. 27Il lui dit: Quel est ton nom? Et il répondit: Jacob. 28Il dit encore: ton nom ne sera plus Jacob, mais tu seras appelé Israël; car tu as lutté avec Dieu et avec des hommes, et tu as été vainqueur. 29Jacob l’interrogea, en disant: Fais-moi je te prie, connaître ton nom. Il répondit: Pourquoi demandes-tu mon nom? Et il le bénit là. 30Jacob appela ce lieu du nom de Peniel: car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée. 31Le soleil se levait, lorsqu’il passa Peniel. Jacob boitait de la hanche. 32C’est pourquoi jusqu’à ce jour, les enfants d’Israël ne mangent point le tendon qui est à l’emboîture de la hanche; car Dieu frappa Jacob à l’emboîture de la hanche, au tendon.