Selon le site d’informations SkyNews, le département britannique du commerce international envisage l’élimination unilatérale de droits de douanes sur 80 à 90% des produits importés, dans l’hypothèse d’un Brexit sans accord. 10 à 20% d’industries dites « sensibles » – sans doute plus habiles en lobbying que les autres – demeureraient protégées de la concurrence internationale. Le Royaume-Uni enclencherait ainsi un processus de libéralisation unilatérale.
Une telle option peut sembler radicale pour les partisans de l’idée que le libre-échange n’est soluble que dans la réciprocité. Pourtant, de tels scénarios n’ont rien d’inédit, en particulier pour le pays de Sa Majesté. En 1848, le Royaume-Uni amorce grâce à l’abolition des lois céréalières (Corn Laws) un processus unilatéral de libéralisation de son commerce. Le Premier ministre de l’époque, Sir Robert Peel, insistait sur le fait que cette libéralisation allait être avantageuse pour le Royaume-Uni indépendamment de l’ouverture réciproque des puissances étrangères.
Plus récemment, un rapport de la Banque mondiale soulignait que deux tiers des réductions des barrières douanières dans les pays en voie de développement ont été portés par des initiatives unilatérales entre 1983 et 2005.
La Chine n’a pas attendu l’année 2001 – date de son adhésion à l’OMC – pour s’ouvrir, certes partiellement, au commerce international à la fin des années 70. Des pays comme Hong Kong et Singapour n’ont pas non plus attendu l’émergence d’un consensus mondial pour ouvrir unilatéralement leurs économies respectives. Cet unilatéralisme leur permit de gagner plusieurs années de développement économique pour se hisser parmi les pays les plus prospères de la planète.
Parmi les pays occidentaux, l’Australie est connue pour avoir mené des politiques de libéralisation unilatérale de son commerce extérieur dans les années 70-80. L’ancien ministre australien des Affaires étrangères, Alexander Downer, a d’ailleurs récemment fait valoir cet épisode historique pour inviter le Royaume-Uni post-Brexit à demeurer une économie ouverte. La Nouvelle-Zélande a conduit des politiques similaires dans les années 80.
La quasi-totalité des économistes s’accordent à dire que les barrières commerciales heurtent avant tout les consommateurs locaux. Une levée unilatérale des barrières aurait donc l’avantage de renforcer le pouvoir d’achat des habitants et des industries consommatrices. En exposant l’économie locale à une plus grande concurrence étrangère, le gouvernement britannique favoriserait enfin une meilleure spécialisation des entreprises locales pour les rendre plus productives.
Si la réciprocité en matière d’ouverture demeure le scénario idéal, elle n’est pas indispensable pour ouvrir son économie. Dans la mesure où la stratégie de l’Union européenne consiste à rendre le brexit le plus coûteux possible pour le Royaume-Uni, il n’est pas inintéressant pour les Britanniques de songer à s’ouvrir indépendamment de ses agissements de l’Union européenne. Nul doute qu’un tel scénario est par ailleurs redouté à Bruxelles. Il soulignerait l’utilité relative de l’Union européenne pour garantir l’intégrité du commerce international.
De plus, une réduction unilatérale des droits de douanes – sous l’égide de l’OMC – aurait l’avantage d’obliger le Royaume-Uni à traiter les pays membres de l’Union européenne de la même manière que les autres pays membres de l’OMC (clause de la nation la plus favorisée). Le Royaume-Uni renforcerait son intégration économique internationale et réduirait au maximum l’impact d’éventuelles rétorsions européennes.
Mais, dira-t-on, une libéralisation unilatérale ne privera-t-elle pas le Royaume-Uni de moyens de pression pour exiger de ses partenaires commerciaux qu’ils s’ouvrent également ? Rien ne permet de l’affirmer. Après tout, les pays précédemment cités que sont Hong-Kong et Singapour maintiennent une ouverture unilatérale tout en négociant par ailleurs des traités commerciaux.
Le site officiel du gouvernement hongkongais révèle que la province autonome est liée à diverses régions par des traités commerciaux. On peut citer l’Association européenne de libre-échange (AELE), le Chili, la Géorgie, Macao ou encore la Nouvelle-Zélande. Hong-Kong a récemment signé un autre traité commercial avec l’ASEAN et s’apprête à en signer un avec l’Australie.
La Cité-État de Singapour – qui n’impose quasiment aucune taxe douanière – a quant à elle conclu des traités commerciaux avec les États-Unis, la Turquie, le Costa Rica, l’AELE, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande et bien d’autres régions encore…
Il ne tient donc qu’aux Britanniques de montrer l’exemple et de déjouer les prévisions de ceux qui confondent indépendantisme et isolationnisme.
2 commentaires
10 à 20% d’industries dites « sensibles »
Ce n'est pas forcément le résultat d'actions de lobbying: une nation peut considérer qu'elle a des activités essentielles à protéger. Une telle disposition montre que le libre échange ne doit pas être une idéologie.
D'ailleurs Adam Smith lui-même, en admettait certaines restrictions
Ouverture des frontières
Il me semble que vous embellissez ce qui arrive en Chine, où il n'y a pas les ouvertures de marché dont vous réclamez, les télécoms par exemple, mais ils veulent avoir accès à nos télécoms. Michel Barnier a parlé de réciprocité et non protectionnisme, ce que vous avez oubliez de préciser.