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Brexit : résoudre la question des normes, du backstop et de l’Irlande

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Le processus de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne est miné par la question du backstop, de la frontière nord-irlandaise et de l’épineuse question des normes qui encadreront les rapports commerciaux entre l’UE et le R-U. Mais en réalité, les gesticulations politiciennes sont révélatrices de l’incapacité des gouvernements britanniques et européens à envisager le commerce de la manière la plus simple possible.

Qu’est-ce que le filet de sécurité connu sous le nom de « backstop »?

La sécession du Royaume-Uni de l’Union européenne a fait revivre le spectre de contrôles douaniers à la frontière nord-irlandaise, avec tous les risques que ces contrôlent font peser sur la paix civile.

Initialement proposé par le gouvernement britannique, le backstop est un filet de sécurité destiné à éviter le retour de ces contrôles dans l’hypothèse où le Royaume-Uni et l’Union européenne ne parviendraient pas à sécuriser un accord commercial à l’issue la période de transition qui précéderait une sortie définitive.

Ce filet de sécurité consiste à soumettre le Royaume-Uni au régime de l’Union douanière européenne.

Les Britanniques seraient ainsi contraints d’adopter la plupart des réglementations bruxelloises. Or ce sont ces mêmes réglementations qui ont fait l’objet d’un rejet explicite lors du référendum sur la sortie du Royaume de l’UE.

On comprend donc ainsi que ce dispositif ait été rejeté par la frange la plus radicale des indépendantistes. Le problème vient cependant du fait qu’un brexit sans accord risque d’aboutir à un retour des contrôles aux frontières nord-irlandaises, du moins du côté européen.

En effet, le Royaume-Uni a officiellement annoncé qu’il renoncerait à imposer des contrôles douaniers de son côté. Cette renonciation lui permettra sans doute de se dédouaner de toute responsabilité en cas de tension pour blâmer l’intransigeance de l’Union européenne, qui sera alors invitée à rendre des comptes.

Pourquoi conditionner l’absence de contrôle aux frontières à l’existence d’un régime douanier commun ?

Les Européens sont aujourd’hui incapables de dissocier « frontière » et « barrière ». Qu’il y ait une frontière pour délimiter deux espaces juridiques différents, personne ne le nie. En revanche, les différences de réglementation et de législation ne justifient en rien le retour de contrôles douaniers.

Cette obsession des contrôles douaniers puise son origine dans l’idée fausse que deux territoires ne peuvent commercer librement que si leurs réglementations respectives sont parfaitement alignées. Or rien dans la théorie ni dans la pratique du commerce international ne va dans ce sens.

Deux territoires aux standards différents peuvent tout à fait commercer librement. Cette vision a d’ailleurs longtemps inspiré l’intégration économique européenne à travers l’application du principe de la reconnaissance mutuelle des normes (la fameuse jurisprudence du cassis de Dijon).

Avec le principe de la reconnaissance mutuelle des normes, chaque État s’engage à ne pas restreindre les mouvements de biens et de services au motif que ses normes divergent du pays dont proviennent les marchandises.

La reconnaissance mutuelle reconnaît que c’est in fine au consommateur de choisir d’acheter les produits en fonction de la compétitivité des normes et des standards en concurrence.

La reconnaissance mutuelle : techniquement possible, politiquement improbable

Techniquement, rien n’empêche l’Union européenne et le Royaume-Uni de signer un accord qui énonce que tout produit légalement commercialisé sur l’un des deux territoires peut librement traverser les frontières.

Ce fut même l’ambition de Theresa May de proposer initialement un accord de reconnaissance mutuelle qui couvrirait le plus grand nombre de secteurs possibles. La reconnaissance mutuelle aurait l’avantage de permettre aux Britanniques de retrouver une certaine autonomie juridique sans s’isoler du commerce européen.

Cette demande a cependant été rejetée par l’Union européenne [[Patrick Wintour, EU Brexit adviser deals blow to Theresa May’s free-trade proposal, The Gardian, 6 mars 2018]] .

En effet, pour l’Union européenne, la reconnaissance mutuelle aurait plusieurs inconvénients:

– a) Elle soumettrait le fameux acquis communautaire (la réglementation européenne) à la concurrence d’une réglementation étrangère. Cette concurrence risque de révéler la lourdeur de la réglementation européenne et son manque de compétitivité si les consommateurs européens plébiscitent massivement les produits homologués conformément aux standards britanniques.

– b) Elle révélerait la possibilité de dissocier l’intégration politique et l’intégration économique, ce qui éroderait la légitimité de l’édifice bruxellois, fondée sur l’idée que le commerce international n’est viable que s’il est soumis à une architecture institutionnelle centralisée.

– c) La reconnaissance mutuelle affaiblirait enfin le protectionnisme réglementaire dont bénéficient de nombreux lobbys industriels qui n’ont pas intérêt à stimuler la concurrence sur le territoire communautaire

Quelle issue possible ?

Compte-tenu des intérêts politiques en présence, il est peu probable que l’Union européenne cède sur les normes et les contrôles douaniers. Si les indépendantes britanniques restent cohérents avec leurs revendications, ces derniers n’accepteront pas non plus de soumettre le Royaume-Uni à la législation européenne, sans quoi le référendum sur la sortie de l’UE serait vidée de sa substance.

Dans ces conditions, il est dans l’intérêt du Royaume-Uni de montrer l’exemple et de lever le plus d’obstacles aux échanges possibles indépendamment des agissements de l’Union européenne. Dernièrement, le Royaume-Uni a fait valoir sa volonté d’abolir de nombreuses taxes douanières de manière unilatérale.

Appliquée à la réglementation, l’ouverture unilatérale du commerce impliquerait de reconnaître la validité des normes européennes pour réduire le coût que les mesures non tarifaires britanniques feraient peser sur les importations. Le Royaume-Uni peut à cet égard s’inspirer de la Suisse qui, en 2010, a appliqué un principe de reconnaissance unilatérale des normes pour une petite variété de produits alimentaires en provenance de l’Union européenne.

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1 commenter

Dominogris 21 mars 2019 - 2:53

Le Brexit est un révélateur
Ou plutôt, les difficultés du Brexit.
Dans la mesure où les fondateurs de la construction européenne se sont servis de l'économie comme prétexte à un projet avant tout politique (la fin des nations voulue par les mondialistes), on comprend les réticences de l'UE devant la reconnaissance mutuelle, c'es-à-dire finalement, un véritable libre-échange…

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