Pour une meilleure gestion de ses activités, l’Etat confie certaines tâches administratives à des opérateurs extérieurs. Le problème est que ces organismes sont encadrés de manière floue, leurs emplois sont difficiles à piloter et leur dette difficile à contrôler. La Cour des comptes attire l’attention sur une situation dont les progrès sont encore timides.
En 2019, l’Etat comptait près de 500 opérateurs (437 en 2021), pour 54 milliards d’euros de dépenses et 437 000 emplois équivalent temps plein, dont 380 000 financés par l’Etat. Ces opérateurs sont régis par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001. Ils rassemblent des structures diverses comme les universités et établissements d’enseignement supérieur, les musées, les théâtres, les organismes de recherche, les agences de l’eau, Pôle Emploi, l’Office national des forêts ou la Bibliothèque nationale de France. En 2020, les domaines qui comptent le plus grand nombre d’opérateurs sont la recherche et l’enseignement supérieur, la culture et l’écologie. La moitié des opérateurs sont des établissements publics administratifs (EPCA), et le tiers sont des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP).
Les opérateurs de l’Etat regroupés dans un périmètre peu clair
Si la LOLF apporte une première définition des opérateurs de l’Etat, elle n’est pas assez explicite et doit être complétée par le projet de loi des finances (PLF). La LOLF définit les opérateurs de l’Etat comme « organismes bénéficiaires d’une subvention pour charges de service public ». Le PLF ajoute que trois critères définissent un opérateur de l’Etat : une activité de service public, un financement assuré majoritairement par l’Etat et un contrôle direct par l’Etat. Cependant, la frontière entre les structures « opérateur » et celles qui ne le sont pas reste poreuse. Actuellement, certains organismes reçoivent des subventions importantes de l’Etat sans pour autant y être rattachés comme opérateurs.
Les opérateurs sont distribués sous plusieurs statuts, parmi lesquels celui des Odac (organismes divers d’administration centrale, 80% d’entre eux), et celui des organismes soumis à la comptabilité publique. Les différents périmètres se superposent, et une seule structure peut appartenir à plusieurs catégories, d’où la difficulté de les réguler.
Les dépenses de l’Etat pour ses opérateurs
En 2019, l’Etat dépensait près de 54 milliards d’euros pour ses opérateurs. Ces dépenses se divisent en quatre catégories :
• les subventions pour charge de service public (29 milliards d’euros, soit une progression de 54 % depuis 2016) ;
• les transferts (16 milliards d’euros, 30,4 % de progression) ;
• les taxes affectées (7,5 milliards d’euros, soit une diminution de 14 % depuis 2016) ;
• les dotations en fonds propres (0,8 milliards d’euros).
Les subventions pour charges de service public ont été créées par la LOLF spécifiquement pour assurer le fonctionnement des opérateurs de l’État. Les transferts couvrent les allocations, aides ou financements que les opérateurs doivent reverser à leurs bénéficiaires. Les dotations en fonds propres sont destinées à financer les investissements des opérateurs.
Les effectifs sont un autre sujet examiné de près. Chaque année, un programme d’autorisation d’emplois des opérateurs est fixé en loi de finances (PLF). Cependant, les CDD, les contrats aidés et les emplois financés par un tiers sont dits « hors plafond » et y échappent. Cela permet aux opérateurs de contourner une limite pourtant généreuse. 20 000 équivalents temps plein prévus par les plafonds d’emplois ne sont pas attribués. La Cour des comptes demande donc à ce que ces plafonds soient réduits pour se rapprocher des besoins réels. Elle observe aussi, autre anomalie, une hausse de 0,8 % des équivalents temps plein, sous plafond et hors plafond confondus, de 2015 à 2019. Or, si les emplois sous plafond ont diminué de 1,3 %, les emplois hors plafond, en revanche, ont augmenté de 3,1 %. Ces emplois hors plafond sont beaucoup utilisés par l’enseignement supérieur et la recherche.
Enfin, la dette des opérateurs de l’Etat soulève un point important. L’Etat essaye de limiter cet endettement : les opérateurs sous statut d’Odac, par exemple, ne peuvent emprunter sur plus de douze mois. Cette interdiction ne concerne cependant pas les emprunts contractés auprès de la Banque européenne d’investissements. Résultat, déplore la Cour des comptes, la dette des opérateurs a connu « une hausse significative depuis 2015 ». Et les 20% d’opérateurs non-Odac, eux, ont tout loisir de contracter des emprunts. La Cour des comptes suggère donc d’étendre l’interdiction à tous les opérateurs.
C’est l’objet de la troisième recommandation de son rapport, qui propose d’encadrer l’endettement des opérateurs ne relevant pas de l’Odac dans leur contrat d’objectifs et de performance (COP), ou à défaut d’interdire les emprunts de plus de douze mois.
Les opérateurs de l’Etat hors du contrôle… de l’Etat
Si la Cour des comptes admet que les postes administratifs ne sont pas systématiquement majoritaires, elle note cependant que l’administration est « souvent prépondérante » chez les opérateurs. De plus, au sein de ces opérateurs subventionnés, contrôlés par l’Etat et consacrés à ses besoins, l’Etat lui-même est parfois sous-représenté, voire sous-impliqué, ce qui engendre des défaillances de délibération et de stratégie. Certains opérateurs, comme Pôle Emploi, sont particulièrement importants dans leur domaine, ce qui complique le pilotage du ministère de rattachement. Enfin, le fait que les opérateurs soient placés sous des tutelles multiples provoque parfois des problèmes de coordination.
L’Etat ne parvenant pas à piloter correctement ses opérateurs, la Cour des comptes recommande la création de structures spécifiques au sein même des ministères, à l’instar de ce qu’a mis en place le ministère de l’Agriculture. Pourtant, il existe déjà des outils, mais malheureusement mal utilisés. Ainsi en est-il de la fiche de qualification : quoiqu’obligatoire pour chaque opérateur, elle n’est pas encore systématique. Certains y échappent et d’autres, qui en ont une, admettent « ne pas contribuer de manière importante à la réalisation d’au moins un objectif de leur programme de rattachement ».
Il en ressort que la difficulté est la bâtardise de ces organismes ni vraiment publics ni privés. L’Etat essaie de se défausser de certaines dépenses sur des établissements qu’il ne subventionne qu’en partie. Mais tout y est bâtard : les ressources, les statuts des employés, la responsabilité…. Il serait préférable que les fonctions régaliennes assurées parfois par ces établissements reviennent à l’Etat et que les autres fonctions, y compris les fonctions universitaires, soient privatisées.
https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2021-01/20210127-132-6-relations-Etat-operateurs.pdf
https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/cadre-gestion-publique/operateurs-etat/essentiel/s-informer/qualification-d-operateur#.YCVHAGhKjIV
https://fipeco.fr/fiche/Les-d%C3%A9penses-des-op%C3%A9rateurs-de-lEtat