Projeté hors compétition à Cannes en mai 2023, le nouveau film de Martin Scorsese, Killers of the Flower Moon (adapté du best-seller de David Grann) est sorti sur grand écran le 18 octobre. À cette occasion, le réalisateur désormais octogénaire a donné une interview au magazine Télérama (14 au 20 octobre), d’où il ressort une vision quelque peu « wokisante » de l’Amérique passée et présente…
De quoi est-il question dans ce nouveau long-métrage ? Nous sommes en 1920, et l’exploitation du gisement de pétrole que les Indiens de la communauté osage ont découvert quelque temps plus tôt sur leurs terres dans l’Oklahoma leur ont permis de s’enrichir considérablement. William Hale (un Blanc interprété par Robert De Niro) va alors persuader son neveu Ernest Burkhart (joué par Leonardo DiCaprio) d’épouser une Indienne osage, avant de faire tuer plusieurs membres de l’entourage familial de celle-ci dans l’intention de bénéficier de leurs polices d’assurance et de leurs droits de tête. Un exemple édifiant, en somme, de la cruauté des Blancs à l’égard des Amérindiens et de la manière dont ils en auraient extorqué les ressources par la contrainte, la ruse ou la violence.
« En (…) lisant (le livre de David Grann), déclare Scorsese dans ladite interview, j’ai été fasciné par la manière très banale dont ces atrocités se sont déroulées ». « Il y avait comme une évidence, ajoute-t-il, à se débarrasser de ces Indiens et à les spolier de leurs biens ». L’abomination de ces crimes ne fait certes aucun doute, mais il faudrait aussi rappeler que Hale et ses associés ont été condamnés en 1926 et 1929, à l’issue de procès fédéraux, à la réclusion à perpétuité, avant de bénéficier d’une liberté conditionnelle. (Hale a ainsi passé 18 ans derrière les barreaux.) On peut certes regretter ces aménagements de peine et déplorer qu’un plus grand nombre de ces meurtres n’aient pas été élucidés. Mais l’on ne saurait nier que l’État de droit, qui est un des piliers du constitutionnalisme américain, ait été appliqué.
En outre, ce film participerait selon Scorsese de la nécessaire « exploration des traumatismes du passé », laquelle peut « nous aider à guérir ». « J’espère que les jeunes Américains qui ont manifesté ensemble, après l’assassinat de George Floyd en 2020, par exemple, vont se servir de ce qu’ils apprennent pour redonner de l’élan à la grande aventure américaine qui est celle du « melting pot » ». Comment Scorsese ne voit-il pas que les mouvements « antiracistes » les plus radicaux veulent en réalité faire imploser le « melting pot » ? Ils voudraient plutôt revenir au « salad bowl », mais sous une forme dans laquelle les Blancs seraient contraints à jamais de faire pénitence pour des crimes et des délits qu’eux-mêmes n’ont pas commis. On ne saurait accuser les enfants des torts commis par leurs ancêtres. Cette fausse culpabilité est d’ailleurs ce qu’Ayn Rand avait nommé la « culpabilité imméritée ». Donc oui à l’exploration non expurgée du passé, mais non à sa politisation, qui tend à attiser plus qu’à guérir les tensions inhérentes à la société actuelle.
2 commentaires
J’ajouterai que Robert De Niro n’a pas manqué dans ses interviews sur ce film de cracher sur Donald Trump qui reste pourtant à ce jour le seul Président américain à avoir engagé la lutte contre le trafic d’êtres humains, notamment le trafic des enfants, et à ne pas avoir engagé son pays dans une nouvelle guerre. Curieuse position politique, non ?
Je ne sais pas si Martin Scorcese s’est à son tour laissé atteindre par la maladie du wokisme, mais j’ai pu constater, il y a deux jours à peine, que cela n’empêche manifestement pas certains wokes assumer de lui cracher dessus en raison de son film… Rien d’anormal à cela puisque l’on sait bien que les militants de ce mouvement sont avant tout des aigris et des ingrats.