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Consommation, chômage, délinquance … des chiffres sous influence

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Tout le monde connaît l’indice des prix à la consommation publié chaque mois par l’INSEE. Tout le monde sait également que cet indice a une portée considérable sur la vie des Français, sur leurs dépenses, sur leurs salaires, sur leurs retraites et plus généralement sur leur niveau de vie. Tout le monde convient donc que la publication de cet indice a pour les Français beaucoup plus d’importance que la publication des comptes annuels de la plus grosse société du CAC 40. Pourtant alors que ces comptes annuels sont tous certifiés par une autorité indépendante – en l’occurrence des Commissaires aux comptes, eux-mêmes sous la coupe directe ou indirecte du contrôle externe du Haut Conseil du Commissariat aux comptes (H3C) –, l’indice des prix à la consommation échappe à tout contrôle externe et il n’est donc que la présentation d’un travail qui n’a été revu par personne d’autre que son auteur.

Nous sommes tous habitués à ce qu’un certain nombre de chiffres publics rythment notre vie, nourrissent notre information et guident notre réflexion: il est peut-être temps d’interroger aujourd’hui leur qualité et leur fiabilité. Pour des raisons de simplicité et de concision, trois chiffres seulement feront l’objet de cet examen, mais tous sont pratiquement des indicateurs cardinaux de la politique et de la santé économique du pays: l’indice des prix à la consommation déjà cité, le taux du chômage et enfin les chiffres de la délinquance. Or dés l’entrée, on découvre que ces chiffres sont le plus souvent conceptuellement biaisés (I), de manière à délivrer une information souvent édulcorée par rapport à la réalité. Et il n’est pas besoin de pousser la réflexion beaucoup plus loin pour s’apercevoir ensuite qu’il s’agit presque toujours de chiffres « faits maison » (II) qui échappent pour la plupart à toute procédure externe de vérification et de certification.

I – DES CHIFFRES PARTIELLEMENT BIAISÉS

A tout seigneur, tout honneur: commençons donc par l’indice le plus connu, celui des prix à la consommation. Pour la plupart des Français et des études qui le citent, cet indice est en quelque sorte celui du coût de la vie et il mesure l’inflation à partir de l’évolution des principales dépenses de fonctionnement d’un consommateur ou d’un foyer. A ceci près, qu’il omet – et ce n’est certes pas un hasard – d’intégrer dans ce coût de la vie les impôts directs qu’ils soient d’Etat, locaux ou autres encore, alors que ces prélèvements pèsent de plus en plus lourdement sur le budget des ménages et creusent leur sillage très avant celui de l’inflation. Certes, on entend de suite l’objection en retour: les impôts ne font pas partie de la consommation, puisque le principe d’un impôt, c’est précisément de ne pas procurer de contrepartie directe à celui qui le paye. On peut certes admettre l’objection, mais en observant alors que cet indice se trouve déconnecté de toute réalité, puisque laissant en route des charges significatives et qui absorbent une partie croissante des ressources des Français il cible un Français virtuel et qui n’existe pas: celui qui consommerait sans payer d’impôts. Mieux même, en poussant plus loin l’analyse, on peut également s’étonner que l’INSEE n’isole pas au sein des seules dépenses de consommation qu’il entend suivre la part des impôts spécifiques (TVA, taxe sur les conventions d’assurances, taxes sur les carburants, taxes de distribution EDF etc) qu’elles intègrent, l’exemple le plus significatif étant sans doute celui des quittances d’EDF qui sont devenues à elles seules et au fil des ans un véritable avis d’imposition et sans doute l’un des plus touffus qui soit. Autre grief et sans doute plus grave encore: la multiplicité des articles (plus de cent mille) et l’ampleur de la collecte mensuelle (quelque 200 milliers de relevés) est telle qu’il est pratiquement impossible de reconstituer de l’extérieur la pondération de l’indice entre les différentes catégories de dépenses. Cette « opacité » procure incontestablement une certaine latitude à l’Institut qui explique sans doute l’écart qui sépare la mesure scientifique de l’inflation à laquelle il procède et le « ressenti » souvent assez différent perçu par de très nombreux consommateurs, très sceptiques sur la neutralité de l’euro quant à l’évolution des prix et qui ne comprennent généralement pas certains tassements couramment observés en fin d’année civile à une période où pourtant les clients ont plutôt l’impression que les prix s’envolent dans le tourbillon des fêtes. C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’après avoir observé à maintes reprises des chiffres qui leur semblaient peu fiables, plusieurs centrales syndicales se sont lancées dans la construction et la mise en service d’indices-maison dont l’évolution ne répliquait nullement les courbes officielles. La disparition quasi-totale de l’inflation a pour l’instant très largement apaisé le débat, mais en cas de retournement des taux, il pourrait fort bien renaître. On voit ainsi que malgré son apparente simplicité, malgré son apparente universalité, l’indice des prix à la consommation pose de sérieuses questions, qui obligent à le manier avec un certain nombre de précautions et de restrictions, pourtant presque jamais rappelées.

Un second chiffre a acquis ces dernières décennies une importance toute particulière parce qu’il constitue aux yeux de l’opinion un marqueur simple du succès ou de l’échec de la politique économique du pouvoir en place, c’est le taux du chômage. On sait que ce chiffre comporte en réalité plusieurs variantes de la plus restrictive à la plus large selon qu’on s’attache aux seuls chômeurs en recherche d’emploi, mais n’ayant pas travaillé du tout au cours de la période d’observation considérée ou au contraire à ceux ayant déployé quelque activité, mais sans que cette dernière soit suffisante pour les sortir de la précarité d’emploi dans laquelle ils se trouvent. On n’insistera pas sur certaines variations brusques de ce chiffre du chômage: quelques unes – relativement rares il faut l’admettre – proviennent certes d’erreurs avouées et parfaitement cernées, mais d’autres résistent opiniâtrement à toutes les explications et à toutes les conjectures et ont justifié ici aussi l’élaboration par certaines centrales de leurs propres indices. D’autre part, l’incidence des radiations intervenues, comme le nombre des emplois aidés, créés ou parvenus à terme perturbent constamment les comparaisons qui peuvent très difficilement se faire à périmètre constant. Quoi qu’il en soit, ce taux de chômage n’exprime pas la vérité des chiffres: en effet si son numérateur correspond bien à l’effectif des chômeurs d’une catégorie donnée, son dénominateur intègre l’ensemble de la population en âge de travailler. On a tellement l’habitude de cette démarche qu’elle ne choque pratiquement plus personne, alors qu’elle n’est absolument pas logique. En effet il y a environ un quart (si l’on inclut tout le secteur public) ou un cinquième ( si on se restreint à la seule fonction publique) de la population active qui échappe en réalité à tout risque ou presque de chômage. Or si l’on veut que le taux de chômage soit significatif, il faut l’exprimer non pas par rapport à la totalité de la population active (pourquoi pas – sinon – le comparer à la population totale?), mais par rapport à la seule population effectivement confrontée à ce risque. Et là, même si on se cantonne à l’exclusion de la seule fonction publique, on voit bien que le taux officiel actuel de quelque 10,6% correspond en réalité à un taux effectif de: 10,6 / (100-20) = 13,25%, ce qui assombrit quand même quelque peu la perspective, mais traduit infiniment mieux la réalité de la situation. Cette dérive est d’autant plus préoccupante que l’on vient d’apprendre qu’en 2014 le nombre de fonctionnaires a grimpé de plus de 40.000 tandis que le nombre d’emplois marchands s’est, lui, « rétréci » de 63.000. On notera enfin que le rapport de la statistique officielle à l’ensemble de la population active fausse les comparaisons internationales avec la plupart des démocraties développées, puisque la France est le pays qui, de loin, a dans sa fonction publique et dans son secteur public les effectifs à statut protégé les plus lourds par rapport à l’ensemble des démocraties avancées.

Le dernier chiffre de notre étude se rapporte aux statistiques de la délinquance. On sait combien ce chiffre est devenu sensible en France, il est considéré comme un marqueur de l’efficacité ou de l’inefficacité de la politique sécuritaire du pays, au point de faire l’objet d’une surveillance constante et rapprochée de tout Ministre de l’Intérieur. On sait aussi que les statistiques officielles ne peuvent enregistrer que les plaintes effectivement déposées, les enquêtes de « victimation », distinctes, étant chargées d’apporter un éclairage complémentaire sur les méfaits pour lesquels les victimes n’ont pas pu ou pas voulu porter plainte. Ainsi présenté, le dispositif de suivi de la délinquance paraît logique et sensé. Le problème, c’est que quand les chiffres se détériorent, le Ministre de l’Intérieur s’inquiète légitimement de cette évolution et que lorsqu’elle persiste, il est politiquement tenté d’envisager toutes les solutions à sa portée – il est le supérieur hiérarchique de la police et de la gendarmerie – pour freiner ou retarder l’évolution des chiffres. On sait que pratiquement tous les Ministres de l’Intérieur ont à un moment ou à un autre de leur mandat donné des instructions qui ont pu influer sur la plus ou moins grande célérité de remontée ou de prise en compte des informations jusqu’aux fichiers statistiques. Cette pratique est connue car elle est systématiquement dénoncée par tous les gouvernements vis-à-vis de leurs prédécesseurs de l’autre camp. Si bien qu’en dépit des dénégations d’usage, elle n’abuse plus grand monde, tous les observateurs s’étant habitués peu ou prou au fait qu’elle aboutit tout au plus à un lissage des données, du moins tant que celles-ci sont soigneusement acheminées. Mais tout dernièrement, la pratique a changé et de méthode et d’échelle. Comment? Très simplement, sous prétexte que les anciennes statistiques, sur lesquelles on disposait de longues séries historiques, n’étaient plus du tout pertinentes, qu’elles correspondaient à la politique du chiffre chère à Nicolas Sarkozy, qu’elles ne reflétaient ni fidèlement, ni clairement les réalités du terrain et qu’elles n’épousaient pas assez étroitement les préoccupations de la politique sécuritaire du pouvoir en place, il fut dès la fin 2014 décidé et procédé à une refonte complète de l’appareil statistique de suivi de la délinquance. Jusqu’ici me direz-vous rien d’anormal, sauf que contrairement à tous les principes qui régissent ce genre de transition, on n’a apparemment pas pris les précautions nécessaires pour que les nouvelles séries statistiques puissent être rapprochées des anciennes et comparées avec elles. Ce qui assure à l’équipe en place une tranquillité relative sur quelques mois, le temps que de nouvelles séries commencent à se reconstituer.

Bien sûr, les « focus » que nous avons centrés sur les trois chiffres qui précédent auraient pu sans difficulté être étendus à d’autres données sensibles: le taux de croissance, le calcul du PIB, la mesure de l’immigration nette ou encore la part des accidents routiers imputables à la route elle-même, mais nous avons préféré resserrer l’étude sur les trois exemples qui nous ont paru les plus flagrants et qui parlent directement à l’opinion. On voit ainsi clairement qu’avant d’accepter et d’utiliser des chiffres publics, il faut toujours commencer par se demander comment ils ont été obtenus et force est de constater que, pour peu qu’on y porte quelque attention, la plupart du temps on ne fait pas le voyage pour rien. Surtout que ces critiques catégorielles se doublent de reproches plus « systémiques » qui visent, eux, l’ensemble de la chaîne publique de production statistique.

II – DES CHIFFRES EXCLUSIVEMENT « FAITS MAISON »

Dans le domaine alimentaire ou dans celui de la restauration, le « fait maison » est plutôt un avantage et un gage d’authenticité et de qualité. Malheureusement en statistique, il n’en va pas de même, bien au contraire. En effet, c’est une évidence, mais autant la rappeler, car on ne voit jamais bien celles qui crèvent les yeux. Toutes les statistiques publiques sont étroitement « sous dépendance ». Ainsi, l’INSEE lui-même se trouve directement et étroitement rattaché au Ministère de l’Economie, dont il ne constitue qu’une direction. Certes l’Institut jouit légitimement d’une réputation de sérieux, ses procédures de contrôle interne sont développées et la création en 2009 d’une Autorité de la Statistique Publique a été censée venir renforcer son indépendance, conformément aux vœux exprès des autorités européennes. Malheureusement la nomination des 9 membres qui la constituent est entièrement entre les mains des autorités publiques institutionnelles, avec en plus au niveau des moyens humains, de la logistique et de l’implantation une dépendance fort mal venue vis-à-vis de l’INSEE dont l’Autorité est précisément censée superviser les travaux. Décidément, il n’y a jamais à gratter loin dans la sphère publique française pour trouver du conflit d’intérêts! D’autre part, la statistique publique étant par essence d’intérêt public, elle concerne inévitablement aussi le secteur privé sur lequel portent d’ailleurs nombre de ses études, mais on n’a pas jugé le poids de cette évidence suffisant pour introduire dans l’Autorité et à titre indépendant suffisamment de représentants de la société civile qui ont probablement pourtant quelques idées sur la conduite et l’orientation des démarches statistiques, quand elles s’attachent à leur propre activité. Donc au final et vis-à-vis de l’Europe et grâce à l’Autorité précitée, on n’observe pas une totale dépendance, mais pas non plus une totale indépendance et en tout cas comme une fois de plus dans le système politique et administratif français, on pointe une exclusion quasiment de principe de toute représentation structurée du secteur privé dont l’apport dans le produit national brut est pourtant déterminant, sans compter l’avantage de perspectives originales confrontées au quotidien du marché et de l’entreprise.

Pour ce qui est du chiffre du chômage, les chiffres mensuels de Pôle Emploi sont sous la surveillance directe des services du Ministre du Travail, qui préfère naturellement que les statistiques ne soient pas trop défavorables à l’action et aux annonces du Gouvernement, notamment à l’approche des échéances électorales les plus importantes et la prochaine sera encore plus cruciale puisque le Président de la République a fait du recul du chômage la condition expresse de sa candidature. Rappelons toutefois que l’INSEE publie également un indice trimestriel conforme aux définitions du B.I.T, dont par le passé le rapprochement et l’articulation précise avec l’indice mensuel de Pôle Emploi a parfois posé quelques problèmes.

Le Ministre de l’Intérieur, publicateur, en liaison avec la Justice, des chiffres de la délinquance, jouit quant à lui d’une parfaite autonomie dans la publication des statistiques de la délinquance, en bénéficiant de plus pour l’instant et comme on l’a vu d’un bref répit technique, qui ne saurait toutefois dépasser quelques mois. Il résulte donc de l’ensemble de ces observations que les statistiques publiques, si elles ont fait mine de le distendre, n’ont pas complètement rompu le lien avec les Ministres qu’elles concernent et que cette attache, même si elle est un peu moins voyante que par le passé, même si elle est un peu mieux « filtrée » , continue à poser problème.

Le grief précédent pourrait n’être qu’accessoire, si une autorité indépendante et externe était chargée de vérifier systématiquement toutes ces statistiques, de s’assurer de leur exactitude, de leur loyauté, de la permanence des méthodes, de manière à être sûre qu’elles fournissent bien l’image fidèle qu’on attend généralement des approches économiques et financières. Or c’est fort étonnant, mais il n’en est rien. Alors que les comptes de petites sociétés anonymes sont, comme pour les plus grandes, obligatoirement certifiés par des commissaires aux comptes rigoureusement indépendants de la direction de ces sociétés, il n’y a rien de tel pour les publications statistiques officielles qui naviguent plein vent sans autre contrôle que celui épisodique et très parcellaire d’Eurostat, l’Office statistique des autorités européennes. En sachant que cet office a dû lui-même début 2000 faire face à un scandale assez retentissant, parce que pour assurer ses fins de mois, il avait organisé la surfacturation de la sous-traitance de missions que ses effectifs ne lui permettaient pas d’assurer en propre. Or méthodologiquement, dans le monde financier et économique, les chiffres ne peuvent pas être aléatoirement audités: soit ils font -au moins par échantillonnage- l’objet d’un contrôle externe systématique et ils sont audités, sinon ils ne sont pas considérés comme audités. Les chiffres non intégralement audités n’ont rigoureusement aucune valeur scientifique et ne doivent être pris que comme de simples indications probablement justes, mais nullement garanties contre le risque d’erreur, d’altération, d’omission ou de manipulation. D’ailleurs Winston Churchill lui-même prétendait sans vergogne qu’il ne portait foi qu’à une seule catégorie de statistiques: celles qu’il avait lui-même préalablement trafiquées. Plus sérieusement si on veut en France donner aux statistiques officielles la garantie supplémentaire d’un véritable audit, il faut alors envisager une structure indépendante du pouvoir et préférentiellement composée d’auditeurs privés, astreints à une incompatibilité absolue avec toute fonction publique, gouvernementale ou élective. Il est à noter que ce souci du contrôle externe, s’il s’est définitivement imposé dans la production des comptes, demeure curieusement largement étranger au monde de la statistique, qui, sûr de ses méthodes et de ses compétences, préfère ne pas avoir à convaincre un œil neuf et extérieur de l’excellence de ses pratiques et de la qualité de ses résultats. Il y a là à tous les niveaux – national européen ou même mondial – une sorte d’autisme statisticien dont on peut s’étonner tant il est contraire au principe scientifique et mathématique qu’un chiffre produit par un opérateur ne vaut que si, dans les conditions où il a été obtenu, il peut être répliqué et validé par un autre opérateur strictement indépendant du premier.

Il faut enfin terminer sur quelque chose de particulièrement agaçant quand on s’évertue à tenter de recouper entre elles les données statistiques des diverses sources publiques. Elles privilégient et de loin les présentations en graphiques, en évolutions, en pourcentages, en moyennes ou encore par individu, en omettant souvent de fournir les chiffres- sources de base en euros eux-mêmes (notamment pour le PIB). Et d’ailleurs, quand à force de recherche et de patience, on parvient à contourner l’obstacle et à obtenir enfin ces chiffres bruts en euros, qui permettent de construire soi-même les références qu’on veut, on s’aperçoit alors très souvent tout simplement que les données obtenues à partir des différentes sources ne sont pas en ligne.

POUR LA CRÉATION D’UNE BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DES STATISTIQUES (BNS)

Certes la plupart des données statistiques sont en France en accès libre et c’est incontestablement un point très positif. Mais ce qui l’est moins, c’est que les données essentielles sont disséminées entre plusieurs sources et qu’il existe pour diverses raisons des discordances d’approche et de traitement entre ces sources, qui ne se soucient nullement de se raccorder entre elles, si bien que l’utilisateur de ces statistiques éprouve les plus grandes difficultés à opérer les rapprochements et recoupements nécessaires, même quand ils sont possibles ce qui n’est d’ailleurs pas toujours le cas. Le premier progrès, c’est donc que pour une donnée déterminée, on aurait un chiffre officiel et un seul qui ferait foi pour tous les rapports et toutes les études subséquentes. D’autre part, les publications favoriseraient les données brutes exprimées en unités directes et les retraitements subséquents en graphiques, pourcentages et moyennes ne seraient fournis qu’en complément des chiffres de base toujours rappelés. La bibliothèque en ligne regrouperait aussi les dernières statistiques disponibles et ayant un caractère officiel, en bannissant ou au moins en distinguant dans une section particulière et distincte tous les chiffres comportant une part d’estimation ou de projection de manière à éviter toute méprise dans l’utilisation et la publication des chiffres fondamentaux (démographie, prix, emploi, croissance, produit national brut et revenus correspondants, dépenses et recettes publiques, prélèvements obligatoires dont charges fiscales et dépenses sociales, retraites, santé, sécurité routière, délinquance etc…). Elle permettrait aussi de pointer les très grands retards de certaines données, qui ne sont fournies qu’avec des périodicités triennales ou quadriennales nettement insuffisantes. Tous les chiffres cités comporteraient la mention précise de la source et de la date de publication. La publication serait mise à jour trimestriellement pour éviter sans nécessité une charge de maintenance trop lourde.

Un exemple: le total des dépenses de retraite pour 2014: selon la dernière estimation du Ministère des Affaires sociales (DREES – Etude 941 – Novembre 2015): 277 milliards, (315 si on ajoute le risque-survie incluant essentiellement les pensions de réversion), mais 300 milliards toujours pour 2014 si on se réfère au « jaune » du projet de loi de finances pour 2016 selon la source indiquée page 10: « Commissions des comptes de la Sécurité sociale de juillet 2014 après retraitement Direction du Budget ». Deux mots à ce propos: d’abord on nous avait caché jusqu’à présent qu’il y avait plusieurs « Commissions des comptes de la sécurité sociale », ensuite si l’on entreprend stupidement de totaliser les chiffres du « jaune » indiqués à l’intérieur de la figure 1 censée détailler les 300 milliards annoncés, même en s’y reprenant à plusieurs fois, on bute obstinément sur un total de 298,90 milliards sans atteindre les 300 milliards annoncés. Il est ainsi dommage que des documents officiels destinés au Parlement traînent avec des erreurs d’addition, si faibles soient-elles, même si on est assuré que peu de leurs destinataires les reliront attentivement et moins encore les pointeront. Bref, la plupart du temps et en raison de la divergence usuelle des sources, on est obligé de travailler les chiffres publics à l’estime et rien de plus irritant pour qui a l’habitude qu’un tableau carré croise à l’unité près et d’avoir des définitions de champ parfaitement posées et articulées. Nul doute d’ailleurs, qu’un audit sérieux de ces chiffres (domaine par domaine par exemple) ne laisserait pas passer ces scories ou ces écarts apparents, sans s’attacher à les réduire ou à établir et documenter clairement les rapprochements indispensables pour le lecteur ou pour le chercheur.

CONCLUSION

Mais manifestement , nous n’en sommes pas là et nul doute même que le texte de cet article dérangera, étonnera, voire même provoquera des réactions indignées de la part de gens qui ont pour la plupart l’habitude de contrôler ou de faire contrôler étroitement les autres, mais qui n’ont pas l’habitude d’être eux-mêmes contrôlés et encore moins par des auditeurs étrangers au secteur public soucieux d’échapper ainsi au tissu serré de ses trop nombreuses accointances. C’est pourtant à ce prix et à ce prix seulement que les statistiques publiques françaises, qui sont généralement reconnues comme de qualité, acquerront aux yeux de tous et à commencer par ceux du peuple de France, la sécurité, la parfaite lisibilité et le caractère absolument incontestable qui leur fait encore présentement défaut.

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2 commentaires

CADOT 12 janvier 2016 - 9:08 am

Composition du PIB
Le PIB représente donc la valeur ajoutée de l'entreprise France en une année n'est-ce pas ?
Est-ce que cet agrégat représente fidèlement la richesse créée par la France ?
Si dans le PNB on trouve les traitements des fonctionnaires d'état et des collectivités territoriales que penser de l'utilité économique et sociale des augmentations d'effectifs et des doublons non justifiés autrement que pour le clientèlisme.
Le déficit budgétaire du secteur public peut-il être considéré comme la mesure de la correction statistique de cet agrégat ?
je sais combien il est important que ces concepts soient connus et interprétés uniformément par tous les acteurs économiques. La réalité du terrain doit nous rendre plus humble dans l'analyse des résultats et des actions des politiques publiques.

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THB 18 janvier 2016 - 11:11 pm

Réponse à M. CADOT
Le PIB intègre bien la production des administrations publiques, mais comme on ne sait pas trop comment la valoriser, on retient commodément et sans doute assez faussement le coût des facteurs, c'est-à-dire prioritairement les salaires et charges correspondantes, ainsi que les charges de fonctionnement ordinaire des services.

Par contre, vu ses origines multiples qui peuvent tenir tout autant à un excédent de dépenses extrêmement variées qu'à une insuffisance de recettes, on ne saurait à mon sens raisonnablement faire jouer au déficit budgétaire le rôle de "témoin" précis de l'écart qui séparerait le coût de la fonction publique de son apport réel à l'économie du pays.

Et c'est d'ailleurs sans doute parce qu'il n'existe pas de méthode simple et fiable pour mesurer précisément l'apport réel du secteur public administratif au fonctionnement économique du pays que la fonction publique – sur la base de l'antienne constamment rabâchée du meilleur service public du monde!!! – a pu croître inconsidérément dans notre pays à l'abri de tout audit incontestable, qui de toute manière ne saurait en l'état être diligenté que par elle-même!

Mais elle n'a pas pu pour autant échapper aux comparaisons internationales – et notamment européennes – qui se sont fait jour ces dernières années et qui pointent clairement du doigt la France comme un pays notoirement sur-administré par rapport à sa population.

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