Le discours sur l’état de la nation prononcé par le président Trump n’a pas eu un grand retentissement en France. Pourtant, il y a bien des raisons de lui prêter un peu plus d’attention.
Démocratie
Participons au Grand Débat à la manière de la révolution subreptice des cahiers de doléance
La Révolution de 1789 n’a pas éclaté de manière spontanée. Il y eut des tireurs de ficelles, les « sociétés de pensée » qu’Augustin Cochin (1876/1916) a passé sa courte vie à démasquer. Les cahiers de doléance présentaient tous, ou presque, de très grandes similitudes, même à bonne distance d’une province à l’autre. Ils exprimaient les mêmes revendications, les mêmes mots d’ordre, les mêmes sentiments, avec des mots semblables.
La mode est au « Grand Débat » et aux doléances. Pourtant, cela fait bien longtemps qu’on sait ce dont la France aurait besoin. Ou plutôt ce qu’on n’a jamais fait dans ce pays : une thérapie de réformes libérales. Au lieu de perdre du temps avec des discours et des débats interminables, agissons ! Ce n’est pas avec des doléances que l’on va sortir de la crise, mais avec des réformes. Des doléances, tout le monde en a. Faire croire qu’on peut répondre à toutes les demandes c’est prendre le risque d’une cacophonie générale. Ce n’est pas le moment. Il ne faut pas oublier que le mouvement des Gilets jaunes a d’abord été spontané et justifié car il s’en est pris à la fiscalité sur l’essence. Malheureusement, il a ensuite été récupéré par les extrêmes.
S’il y a un domaine dans lequel la France peut être très fière, c’est bien la gastronomie. Ses cuisiniers, ses recettes sont connus dans le monde entier et partout on n’entend que des mots élogieux à propos du raffinement de la cuisine française. Malheureusement, notre pays est aussi expert en d’autres recettes qui n’ont rien à voir avec la gastronomie. Comme la recette de l’inaction. Nos politiques sont des maîtres dans ce domaine. Quels sont les ingrédients qu’ils utilisent ?
Une majorité de Français pense que les citoyens devraient pouvoir imposer un référendum sur une question à partir d’une pétition ayant rassemblé un nombre requis de signatures (étude Cevipof/Opinionway réalisée du 13 au 24 décembre). Pourtant la démocratie directe n’est pas la baguette magique de la démocratie. Elle peut aisément devenir l’arsenal de la démagogie avant que le despotisme ne s’en empare sous une forme ou une autre. Les sections de la grande Révolution, la Commune de Paris en 1871 ou les soviets en ont témoigné.
Emmanuel Macron avait promis la suppression totale de la taxe d’habitation. A vrai dire, il y avait un effet d’annonce dans cette proposition électorale dans la mesure où la moitié des foyers fiscaux se trouvait déjà exonérée. Toutefois, une partie de la fraction populiste des gilets jaunes, ceux que l’on peut plaisamment qualifier de « jaloux jaunes », plaide en faveur d’un maintien de la taxe d’habitation pour les « 20 % les plus riches ». Il ne s’agit pas ici de se prononcer sur le caractère fondé ou non de la taxe d’habitation. Nous soulignerons simplement que l’idée de la suppression d’un impôt local va exactement à l’encontre de ce qu’il faudrait faire pour « transformer » la fiscalité française, à savoir le fait de faire jouer la subsidiarité fiscale en permettant une concurrence entre les diverses collectivités locales pour ce qui concerne les prélèvements obligatoires. Mais là n’est pas l’objet de cet article.
Il s’agit ici de montrer combien le consentement à l’impôt est opiacé et de quelle manière. Pour cela, il est nécessaire de faire de l’histoire de longue durée en remontant à la première moitié du XIXème siècle.
Le gouvernement a lancé fin mai dernier une grande « consultation citoyenne » en ligne dont Jean-Paul Delevoye, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, a présenté les résultats ce jeudi. En cinq mois, plus de 35.000 contributions et 200.000 votes ont été recensés. Il ne s’agissait pas d’un référendum pour répondre à une question précise mais d’une invitation pour chacun à se prononcer sur la réforme.
Quand un pays va mal, tout le monde devient économiste. Cela rappelle le moment, en 1989, dans certains pays de l’Est comme la Roumanie, où tout le monde s’est transformé, du jour au lendemain, en révolutionnaire, politologue, politique, économiste, analyste ou expert. La chute du communisme a débouché sur un vide idéologique sans repères. C’est un peu ce qui se passe aujourd’hui où le mouvement des gilets jaunes, la violence qui l’accompagne, créent une forme de cacophonie des idées. On voit, dans les médias, des « représentants » plus ou moins farfelus des gilets. Entre le fonctionnaire « sans activité » (probablement mis à disposition d’un syndicat) qui a été invité par les grandes chaînes d’info et les gauchistes qu’on distingue facilement grâce à leurs revendications et leur aisance devant les micros, il existe aussi quelques vrais gilets jaunes. Trop rares, malheureusement.
L’adjectif « illibéral » a été utilisé surtout à partir de l’année 2010 et comme référence à la Hongrie de Viktor Orban. Pourtant, l’ « illibéralisme » a été théorisé bien avant, dès le début des années 1990.
La récupération politique des gilets jaunes est à cette heure incontestable. Mais qui récupère qui ?