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La déportation des Tatars de Crimée

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Le 18 mai 1944, Staline ordonna la déportation de la population tatare de la péninsule de Crimée. Des centaines de milliers de Tatars, pour la plupart des femmes, des enfants et des personnes âgées, ont été emmenés de chez eux la nuit sous la conduite de 36 000 soldats de l’Armée rouge dirigés par les officiers du NKVD. L’« opération » s’est terminée le 20 mai à 16h00. Pratiquement toute la population tatare de la péninsule de Crimée a été déportée et, en raison de conditions inhumaines, seuls 46% ont survécu au trajet qui les menait en Sibérie, dans l’Oural et en Asie centrale. Tous leurs biens ont été confisqués par les Soviétiques.

L’explication officielle de la déportation n’a été donnée qu’en 1946 et soutenait que les Tatars avaient collaboré avec l’ennemi. Ce qui était bien entendu faux, le but étant d’éliminer les Tatars pour des raisons géostratégiques. D’ailleurs, plus de 60 000 Tatars ont combattu au sein de l’Armée rouge et environ 50 000 sont morts sur le front. En 1943-44, d’autres populations ont été déportées et exterminées par Staline, dont les Tchétchènes, et l’« acte d’accusation » a été le même : collaboration avec l’ennemi, alors que les Allemands ne sont jamais arrivés dans le Caucase de l’Est… La déportation des Tatars du 18 mai 1944 n’a été officiellement connue que 12 ans plus tard, par le décret du 28 avril 1956.

L’annexion de la Crimée par Poutine en février 2014 a été un autre moment tragique de l’histoire moderne des Tatars de Crimée dont un grand nombre a encore été obligé de prendre la route de l’exil. On estime à 100 000 le nombre de personnes ayant quitté la Crimée depuis 2014. Comme son mentor Staline qu’il cite régulièrement, Poutine n’a rien à faire des populations qui ne l’intéressent pas.

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6 commentaires

Obeguyx 19 mai 2022 - 12:12

A quand un article sur le génocide des Indiens d’Amérique ? L’article est néanmoins intéressant pour sa partie historique. Lorsqu’on voit de quoi était capable Staline, il faudrait s’inquiéter des Trotskistes français, sachant que le Trotski en question était pire que Staline. Alors , moi ce qui m’inquiète, c’est plus Mélenchon et sa bande de suiveurs hurleurs que Poutine que je ne manque pas de condamner aussi. Dans ce registre je serai à peu près toujours d’accord avec vous Nicolas.

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Maellys93 19 mai 2022 - 2:35

Horrible!!!
Cependant, j’aimerais la même indignation de votre part sur une page d’histoire beaucoup plus récente.
Un article, par exemple, qui rappellerait la « déportation » des Français d’Algérie en 1962.
Il y a eu non seulement « déportation », mais également beaucoup de massacres qui relèveraient de « crimes de guerre ».
En effet les accords d’Evian non pas du tout été respectés par l’Algérie en ce qui concerne la protection des harkis et des pieds noirs qui sont restés sur place.
C’est plus récent et cela nous concerne plus directement.
D’autant plus directement que les migrants algériens sont de loin les plus nombreux à venir vivre sur notre sol.

Dans le couple fratricide Ukraine/Russie, vous avez une opinion bien tranchée entre «gentils» et «méchants envahisseurs».
Étant donné que vous êtes un expert es moralité,
qui sont pour vous les «gentils» dans le « couple frères » France/Algérie?

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Erwan 20 mai 2022 - 5:06

M. Lecaussin, votre conclusion devait être rédigée avant le texte tentant de la démontrer !
En effet, à peu près tous les éléments de votre argumentation sont historiquement faux :
* Oui, les Tatars de Crimée ont bien combattu par milliers dans les rangs de l’armée allemande, Wehrmacht puis Waffen-SS, en France puis en Italie. Tout comme des milliers de Tchétchènes, d’Azéris, de Géorgiens, d’Arméniens ou encore de Nord-Caucasiens. Et les Allemands n’eurent pas besoin d’aller les chercher dans leurs régions d’origine: ils puisèrent ces volontaires (qui se révélèrent souvent peu fiables mais eurent un comportement  »inapproprié » avec la population locale, en France en particulier) dans les camps de prisonniers où des millions de soviétiques étaient parqués dans des conditions souvent inhumaines. Quant aux Ukrainiens, leur engagement fut encore plus massif et politisé – le néonazisme dénoncé par les Russes est avéré, avec son idéologie et ses symboles, tout comme, dans une moindre mesure, dans les pays baltes, avec large contribution à la Shoah. Tout ceci est historiquement documenté, y compris en français.
* Que Staline et ses successeurs aient fait cruellement payer leur trahison à ces citoyens soviétiques ayant porté l’uniforme de l’ennemi mortel, peut dès lors être compréhensible – ce qui n’a rien à voir, historiquement et moralement, avec l’acceptation. En France, on a appelé ceci l’épuration, qui fit environ 100000 morts. Et un demi-million en Italie.
* Mais l’histoire de ces transfuges ne s’est pas arrêtée en 1945. Les Américains ne les livrèrent pas tous aux Soviétiques, violant ainsi un accord interalliés qui prévoyait que chacun récupère ses ressortissants. Ils exploitèrent ce  »retournement » contre les Soviétiques, les infiltrèrent en URSS pour y conduire des opérations subversives et de déstabilisation, principalement dans les républiques à dominante musulmane. Pour la quasi-totalité, ces espions furent capturés et généralement exécutés. Ceux qui n’avaient pu partir et leurs familles furent installés dans le sud de l’Allemagne, où ils fondèrent la première grosse communauté musulmane et se dotèrent d’une grande mosquée.
* Parmi les héritages difficiles de V. Poutine à son arrivée au pouvoir, figurait la Tchétchénie, où les islamistes avaient allumé un foyer de rébellion. Surfant sur les sites de ces islamistes – écrits en très bon anglais -, j’ai pu ainsi trouver leurs  »activités mémorielles » : elles tournaient autour du culte des  »héros » de la Wehrmacht et de la Waffen-SS sus-cités. La normalisation de cette région ne put se faire que grâce à la coopération de Kadyrov, sur un flanc sensible des Russes. Ou sur son glacis sud, obsession sécuritaire oblige.
* Je n’ai donc pas été surpris quand les Tatars ont manifesté des craintes pour leur sécurité en 2014 : tous les peuples de la région connaissent leur histoire – plutôt mouvementée et difficile à résumer, incluant des trahisons assez récentes…- et les risques de la voir repasser les plats. Mais aujourd’hui, il est vraisemblable que l’Oummah leur soit venue en soutien, grâce à tous ses relais d’influence, et grâce aux Américains qui avaient organisé le changement de régime de Maïdan, avec d’autres états (France, Qatar, etc.).
En résumé, la dialectique n’est pas forcément la meilleure manière de pratiquer la vérité historique ; l’américanolâtrie et l’otanolâtrie donnent une lecture faussée de l’histoire, un prisme déformant de ce que ces peuples ont (violemment) partagé. Désigner péremptoirement les  »good guys » et les  »bad guys » relève de la manipulation par les Anglo-Saxons. Un historien – un analyste politique et économique ? – honnête, grâce au recul du temps, considère toutes les parties en cause, leurs visions, leurs contraintes, etc. et hésite à prendre position de manière tranchée dans un conflit en cours qui ne le concerne que de loin.
Espérons que l’Histoire, in fine, ne pénalisera pas trop les Européens occidentaux, si aisément manipulables, après que le peuple ukrainien ait eu à souffrir de la guerre actuelle, dont il est la première victime.

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Nicolas Lecaussin 21 mai 2022 - 5:07

Votre analyse soviétoïde de l’histoire mériterait beaucoup de précisions. Juste un rappel, comme je l’ai écrit, les Nazis ne sont jamais arrivés dans le Caucase de l’Est, accuser ces peuples de « collaboration » équivaut à l’accusation à l’égard des Ukrainiens d’avoir mis en place eux-mêmes la famine qui a tué des millions d’entre eux entre 1931 et 1937. Les peuples de ces régions ont été déportés aussi par les tsars et massacrés par Staline. Les Tchéchènes n’ont jamais été islamistes (ils pratiquent un islam à part) jusqu’à l’arrivée de Poutine qui a détruit leurs ville et a instauré un régime islamiste au pouvoir. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’aucun poutiniste donneur de leçons ne s’offusque du fait que la Russie du grand orthodoxe Poutine a dans ses frontières – de facto – une province islamiste qu’elle protège et dont les soldats sont utilisés par l’armée russe.
NL

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Erwan 21 mai 2022 - 6:46

Je crains que toute polémique soit stérile. Considérer comme « soviétoïde » la présentation de ce que les Soviétiques ont considéré à la Libération comme une trahison de leur Patrie le fait de porter l’uniforme de l’adversaire est étonnante. J’ai mentionné un accord interalliés sur le sujet de la récupération par chaque pays de ses ressortissants à l’issue du conflit. Des Français l’avaient fait, ils ont payé également, de même que des Italiens, des Belges, des Néerlandais, des Britanniques, des Baltes, des Russes, etc… Aucun Américain ne semble l’avoir fait, ce qui permit à certains des historiens US de considérer ces « transfuges » comme des « traîtres patriotes »… Je laisse les lecteurs apprécier.
La Tchétchénie aujourd’hui, sauf à ignorer qu’il existe des maquis islamistes très durs, combattus par le pouvoir en place, a effectivement un régime musulman, apparemment compatible avec le fonctionnement de la Russie. Ce n’est pas à nous d’en juger. Nombre d’empires dans l’histoire ont fait assurer la sécurité de leurs frontières par des étrangers soumis. Et la Russie est une mosaïque de peuples.
L’Ukraine est un cas à part. Les famines (il y en eut plusieurs et le ressentiment se manifesta dans l’accueil en libérateurs des Allemands) n’ont bien sûr pas été mises en place par les Ukrainiens, cet argument est grotesque. Par contre, et je l’ai expliqué, les Allemands n’ont pas eu à arriver dans le Caucase de l’Est et ses champs pétrolifères – sauf avec quelques commandos à recrutement caucasien, qui ne furent jamais rejoints par les divisions blindées –, pas plus que sur les contreforts sud du massif, pour susciter des volontariats : la faim dans les camps de prisonniers et les souvenirs des sévices soviétiques avaient suffit. La révolution de 1917, devenue sous l’impulsion de Lénine et consorts une spirale de révolution permanente, a provoqué des massacres par dizaines de millions en URSS.
Les mesure de rétorsion staliniennes post-1945 ont appliqué la logique de faute collective contre ces peuples, dont seulement « quelques » milliers de ressortissants avaient trahi. Cette même logique (Kollektivschuld) fut appliquée aux Allemands – et dans une moindre mesure aux Japonais – dans les années d’après-guerre. Avant qu’une autre logique prévale, celle du pardon chrétien alliée au réalisme politique (normalisation de l’Allemagne, poussée à constituer une armée pour permettre aux Américains de dégager des effectifs pour la Corée ; rapprochement de Gaulle – Adenauer ; prémisses de la construction européenne, impensable sans l’Allemagne).
Il est globalement souhaitable de ne pas juger des évènements passés à l’aune de crises récentes, avec les risques de manipulation de l’opinion liée à l’intense guerre psychologique en cours, qui vise à susciter des réactions émotionnelles…

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Nicolas Lecaussin 22 mai 2022 - 5:41

Pour ces peuples, il n’y a pas eu Libération mais nouvelle (ou continuité) occupation par les Soviétiques. L’Europe de l’Est n’a pas été libérée par l’URSS en 1945 mais occupée. La Tchétchénie a un régime islamiste qui est autant compatible avec le fonctionnement d ela Russie qu’avec celui de la France ou de l’Italie. C’est un régime qui applique la charia avec la bénédiction de Poutine qui a fait de Khadyrov son criminel préféré (c’est lui – entre autres – qui assassine des opposants, des journalistes… et fait les basses oeuvres dans les « opérations militaires »… Typique d’une dictature qui utilise des hommes de main..

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