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Roger Scruton : L’erreur et l’orgueil

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Aux Éditions du Toucan : (L’Artilleur, 2019)

Le philosophe britannique vient d’être « viré » de la Commission Building Better, Building Beautiful créée par le gouvernement de son pays, chargée de trouver et de promouvoir un nouveau style (design) pour la construction de maisons et de quartiers neuf. C’est une revue de gauche (New Statesman) qui l’a « attaqué », ce qui n’est pas vraiment étonnant. Scruton a le terrible défaut de ne pas être de gauche, pire, il est conservateur. Il a osé critiquer l’utilisation abusive du concept d’islamophobie et le fait que les Chinois vivent dans une société de plus en plus surveillée par l’Etat et le parti. Mais son plus grand tort est d’avoir dépeint et raillé les intellectuels de gauche, leurs engagements en faveur des pires régimes, ainsi que leurs théories stupides. C’est le but de cet essai qui vient d’être traduit en français et qui, forcément, n’a pas vraiment fait la Une des médias.

Saluons d’emblée l’incroyable patience de l’auteur qui a eu le courage de se « farcir » des centaines et des centaines de pages indigestes, complètement incompréhensibles et qui, pourtant, ont fasciné plein d’admirateurs, étudiants ou simples lecteurs. Comme un entomologiste, Scruton décortique les écrits – soyons tolérants et appelons-les ainsi – d’Althusser, de Lacan, de Deleuze, de Guattari, de Badiou, de Zizek et essaye de les comprendre, d’en dégager une logique et un sens. Un exercice qui exige des efforts surhumains et fait subir au cerveau une véritable torture. Ce processus, il l’appelle la « machine à non sens » : il s’agit de persuader le lecteur que si le monde est obscur, eux ont le pouvoir de l’interpréter de façon magistralement claire et incontestable.

Mais comment critiquer un non-sens ? Le langage abscons utilisé par ces intellectuels sert à faire ressortir le « côté bourgeois » de « l’autre » langage, celui que l’on comprend. La couche prétendument scientifique qui enveloppe cette prose marécageuse provient du marxisme et de sa capacité à se faire passer pour une science. L’objectivité « scientifique » de leurs écrits repose uniquement sur la dénonciation de la société bourgeoise, du capitalisme et des pouvoirs. Lorsque le philosophe Althusser écrit : « L’étude du Capital de Marx n’est possible que par un constant et double renvoi : l’identification et la connaissance de l’objet de la philosophie marxiste, à l’oeuvre dans le Capital, suppose l’identification et la connaissance de la différence spécifique de l’objet du Capital lui-même – qui implique de son côté le recours à la philosophie marxiste et exige son développement », il faut comprendre : il n’y a rien d’autre que le marxisme. Ce serait aussi la raison pour laquelle il aurait tué sa femme, trop « révisionniste » à son goût…

Parfois, Scruton baisse les armes comme on baisse les bras devant trop de bêtise (« Contre la bêtise, même les dieux sont impuissants » écrivait Schiller). Que dire par exemple de ce passage d’Alain Badiou ?

« Si nulle instance ne peut déterminer le tout, il est possible en revanche qu’une pratique, pensée dans sa structure propre, structure pour ainsi dire décalée par rapport à celle qui articule cette pratique comme instance du tout, soit déterminante au regard d’un tout dans lequel elle figure sous des espèces excentrés ». Ce serait un texte pour rire si Badiou ne soutenait pas que « l’hypothèse communiste sera toujours envisageable » et qu’il faudrait une révolution maoïste pour « faire avancer les choses ».

Dan ce livre, il est aussi question de Sartre, dont l’engagement est beaucoup plus connu, de Hobsbawsn, de Habermas, de Galbraith, de Gramsci, de Lukacs et de l’école de Francfort avec ses intellectuels marxistes formés dans l’immédiat après-guerre. Ce qui lie tous ces intellectuels, ce n’est pas seulement leur engagement dogmatique ou leurs écrits vaseux, c’est la justification du crime considéré en tant que remède. Car le renversement de « l’ordre bourgeois » et l’avènement d’une société totalitaire, c’est tout ce qui compte pour eux. Plus qu’une erreur, un crime.

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2 commentaires

RAY-CAPET 17 avril 2019 - 4:23 pm

Bouillie intellectuelle
Je viens de relire quatre fois :
« Si nulle instance ne peut déterminer le tout, il est possible en revanche qu’une pratique, pensée dans sa structure propre, structure pour ainsi dire décalée par rapport à celle qui articule cette pratique comme instance du tout, soit déterminante au regard d’un tout dans lequel elle figure sous des espèces excentrés »: ça ne veut strictement rien dire !
C'est consternant qu'on puisse prendre au sérieux de tels écrits. "Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement" disait Boileau.
Je rajouterai "la bouillie intellectuelle se cache derrière le jargon abscons".

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ekaterine 25 décembre 2019 - 4:10 pm

Non, la fin ne justifie pas les moyens les plus criminels.
Concernant ces "intellectuels marxistes formés dans l’immédiat après-guerre. Ce qui lie tous ces intellectuels, ce n’est pas seulement leur engagement dogmatique ou leurs écrits vaseux, c’est la justification du crime considéré en tant que remède. Car le renversement de « l’ordre bourgeois » et l’avènement d’une société totalitaire, c’est tout ce qui compte pour eux. Plus qu’une erreur, un crime". Heureuse de constater que R. Scruton, dans ses analyses, rejoint l'opinion de R. Aron sur l'utopie dévastatrice communiste. Quant à Bourdieu sa "vérité" ne peut s'énoncer clairement, aussi fallacieuse que biscornue.

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