Un nouveau magazine économique, c’est suffisamment rare pour être signalé. Capital social a fait son apparition dans les kiosques au mois de juin et vient concurrencer Alternatives économiques, Capital et Pour l’éco, seuls titres spécialisés qui restent depuis la transformation de Challenges en magazine d’actualité généraliste.
La lecture commence plutôt bien avec une chronique de Daniel Hervouët qui affirme que les « entreprises sont le cœur nucléaire qui fournit l’énergie au pays. Il serait temps que justice leur soit rendue, que ces évidences soient enseignées et louées dans les écoles et que la prise de risque soit valorisée. A défaut, distribuer sans engendrer de richesses conduira inéluctablement à la faillite collective, au déclassement et au désespoir ». Un papier de Gilbert Péna s’en prend à la fiscalité trop lourde sur les successions. Un autre article du même auteur affirme que les entreprises manquent d’oxygène en France, notamment les PME qui « continuent à souffrir d’un surcroît d’impôts et de charges, ainsi que d’une suradministration, autant de contraintes pour leur développement, voire parfois pour leur survie ».
Mais le titre du magazine laisse supposer que ce plaidoyer pro-entreprises pourrait être tempéré par des considérations plus « sociales ». L’éditorial donne la ligne : « ni finance folle ni lutte des classes, l’humain ». Serait-on dans un « ni-ni » macronien ?
Pour en avoir le cœur net, il faut se pencher sur le dossier du trimestre : « Faut-il travailler le dimanche ? Mensonges et vérités ! », un thème dont nous n’avions pas perçu l’actualité brûlante.
Contre le travail dominical dans les grandes surfaces
Après un rappel historique sur le repos et le travail dominical, la rédaction se dévoile : ce n’est pas tant le travail dominical qui est attaqué que l’ouverture des grandes enseignes. Celles-ci ont tous les défauts en ouvrant le dimanche : elles font disparaitre les petits commerces, elles contraignent les salariés qui préfèreraient faire autre chose ce jour-là, elles font augmenter la pollution automobile, elles bétonnent les prairies, bois et zones humides, elles empêchent les Français de se retrouver en famille et de se reposer, etc. Elles jouent même contre elles, puisque l’ouverture dominicale ferait baisser le chiffre d’affaires des autres jours de la semaine.
Ceux qui profitent de l’ouverture des commerces le dimanche n’ont pas droit à la parole. Pourtant, le sondage publié par le magazine dévoile des informations qui auraient mérité quelques développements. Par exemple, si 54% des salariés disent ne pas vouloir travailler le dimanche, 45% des jeunes de 18-24 ans affirment au contraire être prêts à le faire régulièrement. De même 21% des Français estiment que l’ouverture des grandes surfaces le dimanche a eu un impact positif sur leur quotidien (72% déclarant que cela n’a rien changé) contre 39% des 18-34 ans. Capital social s’en prend alors à « l’esprit consumériste » des jeunes et regrette que notre société n’ait pas mieux à leur proposer « que d’aller au centre commercial le dimanche ». Certes ces jeunes « doivent travailler le week-end pour financer leurs études », mais ne peut-on plutôt leur proposer « un emploi à vocation sociale et éducative au bénéfice d’autres jeunes ou de personnes âgées « ? En oubliant de préciser qui paierait dans ces cas-là !
En oubliant aussi d’indiquer que les enseignes ouvrent maintenant sans personnel. Le magasin Auchan près de chez moi ouvre désormais le dimanche – de 8h30 à 12h30 et de 13h à 20h30 – avec la seule présence du vigile qui aurait probablement été là même si le magasin était resté fermé. Pas de caissières, les clients sont obligés d’utiliser les caisses automatiques nouvellement installées.
En revanche, Capital social défend l’ouverture dominicale des marchés, des bars, des musées, des monuments et autres commerces de proximité. Tout, sauf les centres commerciaux et les grandes surfaces.
Le syndicalisme chrétien en embuscade
Le magazine s’en prend également aux grands médias qui ne traitent jamais des dérives du travail dominical car ils sont trop dépendants de la « manne publicitaire » des grands groupes et grandes enseignes « qui cherchent à ouvrir 7 jours sur 7… ».
Il faudrait donc s’intéresser aux publicités pour comprendre à quel type de média on a affaire. Les annonceurs de Capital social sont peu nombreux : une association de prévoyance, la fondation Raoul Follereau, la Conférence des évêques de France, une entreprise paysagiste, une mutuelle, les associations familiales catholiques et… le syndicat CFTC. D’ailleurs, le directeur de la rédaction de Capital social, Joseph Thouvenel, est secrétaire confédéral du syndicat chrétien. Et le rédacteur en chef est Guillaume de Prémare, ancien président de La Manif pour tous.
Une orientation catholique et syndicale donc qui pourrait expliquer l’aversion pour certaines formes de travail dominical, mais qui mériterait d’être clairement indiquée.
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A 150 km de Paris, au supermarché le dimanche matin, ceux qui achètent sont salariés et travaillent tous les samedis, ou sont bénévoles dans toutes sortes de structures et associations et travaillent gratuitement tous les samedis, ou sont maires de villages et ouvrent leur mairie tous les samedis.
On en rencontre même un (je le connais) qui est bedeau bénévole (cela lui coûte même de l’argent) et passe son samedi à préparer l’église pour l’office du samedi soir ! M Thouvenel devrait ouvrir sa porte et aller voir ce qui se passe réellement dans « la France d’en bas ».