Si c’est avec quelque réticence qu’on se lance dans le dernier livre de Sylvain Tesson , craignant de ne pas être à la hauteur de sa capacité d’émerveillement, on est séduit dès les premières pages. Non seulement il ressuscite des paysages et des mythes oubliés, mais comme Baudelaire témoigne des « noces de la mer, du ciel et de la terre » , relie passé et avenir, mondes sensible et supérieur. Les fées ne sont rien d’autre que ce merveilleux qui s’impose quand on sait être déférent face à la nature. Cette fois ce sont les côtes déchirées de l’Europe atlantique qui l’attirent. Le style est bref , imagé, la Bretagne personnalisée « corps doux sur des pieds déchiquetés », l’océan animalisé « en bouffant la terre , la mer salive ». Point de prétention de surhomme. Sylvain Tesson alterne navigation et course sur le balcon de l’Océan, action et rêve, avec le souci de partager cette belle leçon de vie : « nous inventions le bonheur constant ».
Son esprit contemplatif est en osmose avec ce pays de pêcheurs où  paganisme celte , dogmes chrétiens et esprit chevaleresque s’unissent pour adoucir l’ existence sur les terres déchirées par la mer et le vent. Son romantisme n’exclut pas une réflexion réaliste sur le monde. Son humour alterne avec une spiritualité toute vouée à la grâce et au merveilleux. Et si le paysage toujours mouillé est trop triste et sévère, si la mer dissout toutes certitudes, il remonte le cours du temps où la terre arable fut nourrie par le labeur des hommes. Le Graal était atteint. L’auteur comprit qu’il était dans une course semblable à celle de Saint Brandan ou Saint Colomba ou les pèlerins du Mayflower , unis avec le même désir de sauver une civilisation où l’on ne tue pas son roi mais où on se bat pour la survie des hommes.