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Une réinvention frauduleuse du libéralisme

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La propriété privée, la responsabilité personnelle, l’état de droit, le pouvoir politique limité sont parmi les éléments habituellement considérés comme constitutifs du libéralisme. Hélas, le sens du mot «libéralisme » est volontairement dévoyé par les anti-libéraux. Alain Laurent, philosophe, directeur de collection aux éditions des Belles Lettres, se fâche à la lecture d’un ouvrage récent, dont la mauvaise foi n’a d’égale que l’inculture .

Pour bien prendre objectivement la mesure des dégâts dans ce livre prétendant enfin révéler la vraie nature du libéralisme et en refaire l’histoire en pas moins de 840 pages, rien de mieux que de commencer par la fin, avec la simple lecture de l’index et de la table des matières.

De noms « oubliés » et des affirmations insensées

Dans l’index, premier constat : absence totale des noms de Boisguilbert, Gournay, Quesnay, Dupont de Nemours, Condillac, Ch. Comte, Ch. Dunoyer, Destutt de Tracy, Coquelin, Molinari, Laboulaye, Guyot et Faguet. Et Turgot, Say, Bastiat ou Rueff ne sont guère mieux lotis : une seule occurrence, et dans le texte leur nom est seulement mentionné au passage sans même une ligne de développement. Autrement dit, pour les besoins de sa thèse (montrer que seuls les penseurs socialisants surtout anglo-saxons sont des libéraux, tous les autres n’étant que vils « ultralibéraux »), la dame Audard raye tout simplement d’un trait de plume presque l’ensemble de la tradition libérale française : une sorte de purge intellectuelle stalinienne rétrospective. Mais soyons juste, des penseurs libéraux étrangers connaissent le même sort : de Spencer, Lord Acton, Gobetti, W. Eucken, Ayn Rand, nulle trace non plus ; et quand cette éminente figure de la London School of Economics parle de Polanyi, c’est de Karl qu’il s’agit, évidemment pas de Michael. Mais qui donc en revanche se taille la part du lion dans ce si révélateur index ? Rousseau (48 occurrences), Léon Bourgeois (10), John Dewey (16), Dworkin (10), Thomas Green (26), Charles Taylor (28) et même Marx (28). Et surnagent du lot deux champions absolus : Keynes (49 !) et John Rawls (plus d’une centaine !!!). CQFD : selon la dame Audard, seuls ceux qui ont contribué à dénaturer le terme « libéralisme » et à le travestir en soft socialisme ont droit de cité (Hayek, Mises et Friedman ont miraculeusement échappé au massacre : mais c’est pour recevoir le plus souvent une volée de bois rose, et Friedman est carrément accusé d’avoir « trahi » le libéralisme et d’y être extérieur…).

La consultation de la table des matières corrobore naturellement ce constat d’imposture. Le « nouveau libéralisme social » a droit à tout un chapitre (le 4, avec 80 pages sur 740), le « libéralisme démocratique de Rawls » s’en voit attribuer tout un autre (le 6, avec 70 pages pour lui seul !!!), les « solidarités nationales et internationales » occupent le chapitre 7 (encore 70 pages). Quant aux 3 derniers chapitres, ou bien ils sont en gros hors-sujet, ou bien annoncent que le libéralisme a son avenir non seulement dans le socialisme mais aussi le multiculturalisme, c’est-à-dire le néo-tribalisme et l’anti-individualisme !

Dans le texte lui-même prolifèrent les propositions les plus extravagantes dont voici un échantillon qui se passe de tout commentaire : « Sous l’influence [de l’émergence des sciences sociales], une transformation profonde du libéralisme s’opère, le rapprochant du socialisme émergent à la fin du XIX° siècle » (p. 95), « La rencontre entre libéralisme politique et économie de marché reste peut-être fortuite » (p.163), « Même si le libéralisme cherche à modérer l’intervention de l’État dans l’économie, il ne l’exclut pas » (p. 168), « Le welfarisme, c’est-à-dire [le] « libéralisme du bonheur » va servir de socle à toutes les politiques économiques et sociales de l’État-providence » (p.259), « L’idéologie welfariste…va convaincre le libéralisme des bienfaits de la démocratie » (p. 302), « Le nouveau libéralisme va parachever le nouveau paradigme libéral en donnant à l’État administratif la dernière justification qui lui manquait encore : celle de l’expertise économique » (p. 322), « Le libéralisme mise sur la redistribution pour fonder la solidarité » (p.496)…

C’est un libéralisme revu et corrigé

Ce à quoi il faut ajouter l’inacceptable traduction de « libertarianism » par « libertarisme » réservé au gauchisme pseudo-libertaire alors que c’est « libertarianisme » qui convient en français (comme le fait Sébastien Caré dans La pensée libertarienne, PUF, juin 2009), et, plus fondamentalement, l’occultation du passage de la Théorie de la Justice qui désigne Rawls comme l’un des plus redoutables et intégraux collectivistes : « Les talents supérieurs [sont] comme un atout pour la société, qu’il faut utiliser pour le bénéfice de tous […] Le principe de différence représente en réalité un accord pour considérer la répartition des dons naturels comme un atout pour la collectivité » (ch.17) – un utilitarisme social ultra-déterministe qui fait allègrement fi du libre consentement, de la propriété de soi et de l’effort créatif des individus ainsi instrumentalisés – et se situe aux antipodes du libéralisme ! De même faut-il prendre acte ici de l’ignorance résolue de la dénonciation du détournement américain du sens du terme « liberalism » faite en leur temps non seulement par Hayek, Mises,M. Friedman, Ayn Rand mais aussi par Schumpeter, Aron, Röpke et Revel, qu’on aura du mal à faire passer pour des « ultra ».

Quand dame Audard conclut « Nous sommes en mesure à présent de mieux comprendre ce qu’est le libéralisme » (p.727), il convient d’entendre exactement l’inverse : on sait encore moins qu’avant ce qu’il est réellement, mais on sait aussi ce qu’il n’est pas, à savoir ce que Audard en dit et qui relève d’une opération de falsification (dans un sens hélas non popperien) sans précédent dans l’historiographie du libéralisme. Lorsque l’auteure affirme qu’à la fin du XIX° siècle, « le libéralisme va se réinventer » (p.256), que « le libéralisme s’est sans cesse réinventé » (p.735) et qu’elle s’émerveille de l’ « étonnante capacité du libéralisme à se réinventer » (p. 333), il convient également de comprendre que c’est elle qui le réinvente sur des bases tronquées et totalement arbitraires pour les besoins de la cause qu’elle défend et dont elle avoue sans détour la nature en précisant être en quête « de la meilleure arme dans la lutte contre le néolibéralisme » (p.440).

Si cet ouvrage avait eu pour titre « Qu’est-ce que le libéralisme revu et corrigé par la gauche américaine ?», il n’y aurait eu que demi-mal. Mais ce qui en fait un chef d’œuvre de malhonnêteté intellectuelle, c’est la volonté délibérée qui s’y déploie de présenter ce socialisme light à l’américaine comme étant du libéralisme et même le seul libéralisme : le libéralisme. Reste pour les vrais libéraux à publier un… « Qu’est-ce que le socialisme ? », où il serait démontré qu’il suffit de se reporter au régime Chavez au Venezuela pour le savoir !

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5 commentaires

Anonyme 7 février 2010 - 4:23

desinformation
vous demandez une certaine objectivit

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Anonyme 8 février 2010 - 8:44

D
Non mais on croit r

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Anonyme 9 février 2010 - 10:50

D
Voici un avis p

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Anonyme 15 février 2010 - 11:36

Argument
Ben, il vous l’a donn

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Anonyme 12 février 2010 - 10:31

Claudeb
Je trouve l’article int

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