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Réforme du marché du travail :

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D’après les récentes déclarations du premier ministre, de nombreuses modifications ont été apportées au projet du loi sur la réforme du droit du travail. Si le texte complet n’a pas encore été dévoilé, le gouvernement semble avoir reculé sous la pression des syndicats non représentatifs. Pourtant, pour faire accepter la loi El Khomri, le gouvernement devrait tout simplement dire la vérité : ces réformes ont marché ailleurs en Europe !

Après avoir rencontré les leaders syndicaux et ceux des organisations de jeunesse, le Premier ministre a affirmé vouloir « bâtir un compromis dynamique et ambitieux » autour du projet de loi sur le Travail, dont il promet de « corriger, rectifier, changer ce qui doit l’être ». L’expérience du passé nous fait craindre un recul de la part du gouvernement. Ce ne serait pas la première fois. Autant la gauche que la droite ont déjà cédé face à la rue et à des organisations qui ne représentent personne sauf leurs militants. Si le gouvernement résiste, ce serait un pas en avant vers la réforme de l’économie française et cela mériterait l’admiration et le soutien de tous, y compris de l’opposition.

De nombreuses déclarations ont été faites par la ministre du Travail ainsi que par M. Valls afin de défendre la loi. Elles concernaient surtout le fait qu’elle aurait été mal comprise, mal interprétée et que le but n’était pas celui que les manifestants lui attribuent. On aurait dû entendre le gouvernement sur le fait que ces réformes ont déjà été faites ailleurs – malgré les protestations de la rue – et qu’elles ont marché ! M. Valls et Mme El Khomri auraient pu invoquer trois exemples éloquents.

D’abord, l’Allemagne, où les réformes menées par le Chancelier social-démocrate Gerhard Schröder entre 2003 et 2005 ont permis de mettre en œuvre des mesures concernant le marché du travail mais aussi l’ensemble de la politique économique et sociale du pays. Ces mesures ont entraîné une plus grande flexibilité, favorable à la création d’emplois. Tout d’abord, on a accordé une totale liberté de licencier aux patrons des entreprises de moins de 10 salariés. Ensuite, l’allègement des charges sociales s’est accompagné de mesures incitant les chômeurs à reprendre un emploi. La durée maximale d’indemnisation a été réduite à 12 mois (2006), et à 18 mois pour les plus de 55 ans. Auparavant, les chômeurs de plus de 57 ans pouvaient bénéficier d’une durée d’indemnisation de 32 mois.

L’allocation-chômage liée au revenu d’activité a été abolie, remplacée par une allocation connue sous le nom de « Hartz IV », qui se limite au montant de l’aide sociale. Les allocataires de cette catégorie doivent chercher activement un emploi, ils n’ont pas le droit de refuser une offre d’emploi, quelles que soient leurs qualifications. Toutes ces mesures ont été accompagnées de baisses d’impôts et de charges sociales (baisse de 25 % à 20 % du coût du travail). Résultats : le taux de chômage est passé de 11 % en 2003 à 4.9 % en 2015. Le chômage a baissé même pendant la crise des années 2008-2010.

L’Italie ensuite où, comme en France, le pire ennemi de l’emploi est le droit du travail. Concocté dans les années 1970 en pleine période marxiste, les lois qui régissent le marché du travail sont tellement strictes qu’il est pratiquement impossible pour un patron de licencier. Il existait même un fameux article 18 du Statut du travailleur qui empêchait un chef d’entreprise de se séparer même de l’employé le plus incompétent. L’employé licencié pouvait porter plainte au Tribunal, et si les juges estimaient qu’il avait été licencié abusivement, le chef d’entreprise devait le réembaucher ou lui payer 15 mois de salaire ! C’est à ces entraves que s’est attaqué d’abord l’ancien Premier ministre Mario Monti et son ministre du travail, Elsa Fornero. C’était en 2012. En 2014, le nouveau premier ministre, Matteo Renzi, a pris la relève en défendant une réforme du marché du travail (le « Job’s Act ») pour y introduire plus de flexibilité et faciliter l’emploi des jeunes par la mise en place d’un contrat de trois ans, très souple. Cette dernière mesure ressemble au CPE (Contrat de première embauche) français dont la mise en place avait échoué face aux protestations des syndicats et d’une partie des jeunes… Renzi s’est heurté, lui aussi, aux menaces du monde syndical d’autant plus qu’il voulait dépoussiérer le Droit du travail italien en passant de 2 000 lois actuellement en vigueur à seulement…50 normes. Mais c’est surtout la suppression de l’article 18 qui avait déclenché les hostilités. Renzi a résisté et a fait adopter les réformes. Et le taux de chômage commence à baisser, de 13 % en 2013 à 11 % en 2015.

En Espagne, enfin, où le Premier ministre Mariano Rajoy a fait adopter (malgré les grandes manifestations de rue menées surtout par l’organisation Podemos devenue entre-temps une force politique) en 2012 une réduction des coûts des licenciements et une décentralisation de la négociation collective. Grâce à cette réforme, un employeur qui licencie un travailleur en CDI sans justification « valable » devra payer 33 jours d’indemnités par année travaillée avec une limite de deux ans contre 45 jours avec une limite de trois ans et demi auparavant. Et surtout la nouvelle loi donne la possibilité aux entreprises de licencier pour motif économique dès qu’elles entrent en perte ou qu’elles subissent pendant trois trimestres consécutifs une baisse de leurs ventes ou de leurs revenus. On a créé aussi un CDI spécifique pour les jeunes et les chômeurs de longue durée avec des rémunérations propres. Il s’agit d’une véritable flexibilisation du marché du travail. Le taux de chômage ne cesse de baisser en Espagne, de 26.3 % en 2012 à 20 % fin 2015.

Taux de chômage
Allemagne Italie Espagne
avant la réforme du marché du travail 11 % (2003) 13 % (2012) 26.3 % (2012)
après la réforme du marché du travail (2015) 4.9 % 11 % 20 %
Source : Eurostat (2015)

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2 commentaires

napo 15 mars 2016 - 7:22

syndicats non représentatifs
Au lieu de financer en majorité avec l'argent public ces organisations qui ne représentent que leurs apparatchiks il conviendrait d'inverser : 10 ou 20% d'argent public et 80 ou 90 % de cotisations des adhérents. Ils travailleraient pour ces derniers.

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liberal 19 mars 2016 - 3:46

Précision sur les mini-jobs
La grande critique des "bienpensants" vient de l'argument des mini-jobs et de l'accroissement des pauvres. Pourriez-vous donner des précisions sur:
– les aides pour ceux qui ont des mini-jobs et de faibles revenus du travail (n'y a-t-il pas un complément pour arriver à un minimum? En Allemagne en particulier)
– l'évolution des personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté avant réforme et après en comparaison avec la France.
– On parle souvent de comparaison de salaire, de revenus et de SMIC. Fait-on la correction des charges patronales. Le SMIC en France n'est pas de 9,8€ mais de 9,8 multiplié par 1,45 soit 14,2€ en brut total! Qu'en est-il ailleurs? Je ne parle pas de ce salaire brut total dans les fonctions publics ou rien que les charges de retraite dépassent ces 45%; le sens de l'équité de nos politiques et syndicats!!!
Merci

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