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Programme économique d’Emmanuel Macron

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I – UN TAS DE PROMESSES ALLÉCHANTES

Il avait promis aux ménages la suppression de la taxe d’habitation pour 80% d’entre eux. Il avait promis aux entreprises la consolidation du CICE en un allégement définitif de charges. Il avait promis de réduire de 50 milliards d’euros la dépense publique, de réduire de 120 000 postes les effectifs de la fonction publique. Il avait promis de relancer massivement et immédiatement l’investissement par un plan de 50 milliards d’euros. Il avait aguiché les investisseurs et les petites entreprises en leur promettant de plafonner à 30% l’ensemble du prélèvement fiscal sur les revenus financiers et il avait même tenté de convaincre certains exilés fiscaux de revenir en ne laissant plus de l’ISF que sa seule base foncière. Il avait promis tout cela – et nombre d’autres choses – et c’est pour cela qu’en définitive il a été élu.

II – BEAUCOUP DE REPORTS DÉCEVANTS

Or, après le discours du Président devant le Congrès et celui de son Premier Ministre devant l’Assemblée, la plupart de ces promesses ont vu leurs échéances repoussées, au point que plusieurs observateurs se demandent si elles seront bien tenues et, si oui, dans quelles conditions par rapport à un contexte politique actuellement très porteur, mais qui peut dégénérer assez rapidement, la durée des états de grâce étant généralement comptée. Ils insistent notamment sur les aléas qui s’attachent au sort de la promesse la plus emblématique, ce « produit d’appel » parfaitement démagogique, mais qui avait avait été le vrai ressort de sa victoire: la suppression de la taxe d’habitation pour 80% des Français. En effet, cette taxe constitue l’une des recettes essentielles des budgets communaux et les élus locaux ne croient pas un seul mot de la promesse présidentielle d’indemnisation, l’histoire les ayant instruits depuis longtemps que l’État ne tient jamais durablement de tels engagements et qu’il n’a généralement de cesse de s’en dédire le plus tôt possible. Surtout que dans le même mouvement, le Président n’a pas fait mystère de sa volonté de réduire substantiellement les dotations de l’État en direction des collectivités territoriales, si bien que ces dernières s’inquiètent légitimement des menaces qui pointent sur leur autonomie, même si ce sont bien leurs abus passés qui leur valent cette mise à la diète. De même vu la grande popularité de l’ISF chez les 99% et plus de Français qui ne le payent pas, le fait de voter sa rétractation aux seuls biens fonciers en 2017 ne suffirait nullement à garantir qu’en 2019, la réforme se fera bien et telle que prévue. La baisse de 33,33% à 25% de l’impôt sur les sociétés est également renvoyée à plus tard, la transformation du CICE en allégement définitif de charges n’est plus pour tout de suite et le plafonnement à 30% de la taxation des revenus mobiliers patientera également au grand dam de la majorité de tous ceux qu’avait séduits le programme présidentiel. C’est également la fin du mandat présidentiel qu’il faudra attendre pour voir la suppression des restes à charge sur l’optique et les soins dentaires les plus coûteux.

III – MAIS DES MATRAQUAGES IMMÉDIATS

On a beau avoir les taux de prélèvements obligatoires, tout comme des taux de pression fiscale figurant depuis plusieurs années parmi les plus élevés du monde, l’augmentation de 1, 70% de la CSG va s’appliquer tout de suite – dés le 1er janvier prochain – à tous et elle va même surtaxer encore les revenus mobiliers dont le candidat Macron avait pourtant assuré qu’il allégerait prioritairement leur fiscalité. Il faut souligner que dans la stricte lignée des boniments qui avaient complétement disqualifié les annonces de son prédécesseur, le pouvoir nous assure sans rire que les réformes se feront sans impôt nouveau, comme si la CSG n’était pas un impôt. Comme si la fiscalité écologique et trop souvent punitive dont il nous annonce le prochain renforcement avec une majoration spectaculaire de la taxe carbone (à laquelle échappe toujours le kérosène aérien, car l’avion est le moyen de transport préféré des écolos farouchement réfractaires au moindre pot d’échappement!) ne faisait pas partie non plus de ces multiples taxes qui, insidieusement, écornent toujours davantage le pouvoir d’achat des Français, jusqu’à concurrencer le rendement fiscal de l’impôt sur le revenu. On passera sur l’objectif du paquet de cigarettes à 10 euros, en faisant valoir quand même que l’addiction à l’alcool qui tue non seulement ceux qui s’y adonnent, mais également ceux qu’ils croisent notamment sur les routes, bénéficie au contraire d’une neutralité bienveillante, mais c’est vrai que nous produisons l’alcool, alors que nous importons le tabac. Enfin la panoplie des 11 vaccins, très favorable aux activités de plusieurs membres des nombreux comités consultatifs qui en recommandent l’obligation, ne cesse d’interroger, alors que parmi ces vaccins figure notamment celui contre l’hépatite B responsable avéré de très nombreux accidents.

IV – DU FLOU A TOUS LES ÉTAGES

Nul ne sait aujourd’hui comment le pouvoir va s’y prendre pour réaliser les 50 milliards d’économies sur les dépenses publiques qu’il annonce. Pas davantage d’ailleurs pour financer le plan de relance de l’investissement, à propos duquel Monsieur Pisani-Ferry, ex-dirigeant de France-Stratégie et en charge du projet, nous baille la belle formule, guère rassurante du tout, selon laquelle  » le pouvoir connait l’équation mais n’a pas la solution  » (à vrai dire, on préférerait de beaucoup l’inverse!). On ne sait toujours rien non plus de la déductibilité ou de la non-déductibilité fiscale de la majoration de la CSG. De même, le slogan officiel gobé par tous les médias, comme par tous les gogos,  » à cotisation égale, retraite égale » ne prémunit absolument pas contre le maintien par l’État de cotisations patronales scandaleusement exorbitantes en faveur des fonctionnaires. Il n’est pas sérieux de promettre que le budget de la défense atteindra bien en 2025 les 2% du PIB après lequel il court depuis si longtemps, alors que le mandat présidentiel et la législature s’arrêtent au cours du second trimestre 2022. On ignore toujours la dose de proportionnelle censée corriger les défaillances abyssales de la représentativité parlementaire actuelle. On ne parle pas davantage de la généralisation de la retenue à la source, repoussée discrètement en 2019, mais sans que le pouvoir juge bon d’en confirmer l’entrée effective en application à cette date, avec le fameux problème de l’année blanche qui révulse tous ceux qui, en ces temps de disette, courent après la moindre recette fiscale… De même, le rétablissement de l’exonération des heures supplémentaires, que le candidat Macron n’avait pas écarté, ne semble plus du tout à l’ordre du jour. Le report en 2019 de la réforme de l’ISF demeurerait lui-même ambigu puisque l’impôt est établi sur le patrimoine existant au 1er janvier de l’année d’imposition: payerait-t-on ou non l’impôt en 2019 sur le patrimoine financier? On ne sait pas non plus comment l’étatisation et l’extension promises de l’assurance-chômage seront financées. Le rattachement du RSI au régime général ne résoudra pas le problème des indépendants qui pourraient préférer avoir le choix de leurs assurances sociales.

V – LE PRÉTEXTE COMMODE DE L’AUDIT

Pour justifier ces atermoiements, ces reports et tous ces pas de clerc, le pouvoir se retranche derrière les conclusions extrêmement sévères de l’audit qu’il a lui-même récemment commandé à la Cour des comptes. Elles font certes ressortir sur la loi de finances 2017 et le programme des stabilité 2017/2020 adressé aux autorités de Bruxelles rien moins qu’une pratique généralisée de « faux en prévisions publiques ». En clair il manque au moins selon le chef du Gouvernement 8 milliards d’euros pour parvenir à respecter l’objectif européen d’un déficit au plus égal à 3% du PIB. Et on tente de nous faire accroire que ce trou est une véritable surprise, alors que Monsieur Macron a été l’un des plus proches conseillers du Président, avant de devenir son Ministre de l’Économie, le tout courant sur plus de cinquante mois consécutifs jusqu’au 30 août 2016. Or ce qu’on sait des compétences, du comportement et de l’intelligence du nouveau Président écarte d’office tout scénario dans lequel les prévisions précitées auraient pu être établies hors de sa vue et encore moins contre son gré. Il apparaît donc que le candidat Macron a vendu à ses électeurs clefs en main un programme dont il savait pertinemment qu’il ne pourrait nullement le mettre en place ni l’imposer dans le cadre des 100 jours qui marquent la période durant laquelle l’élan des élections permet au pouvoir d’installer ses réformes sans laisser aux oppositions le temps de s’y opposer efficacement. Le doute s’installe quant à la volonté et à la capacité de réformer.

VI – CONCLUSION: L’URGENCE D’UN CALENDRIER PRÉCIS

Les Français veulent non seulement des réformes, mais ils veulent aussi savoir précisément comment et quand elles seront faites. D’ailleurs apparemment, on vient de prendre conscience en haut lieu de la grogne qui montait notamment à propos de la CSG et des trop nombreux reports annoncés, puisqu’en ce début de semaine et à contrepied des annonces précédentes, une nouvelle annonce pointait selon laquelle dès 2018 le contribuable pourrait bénéficier du nouvel ISF reformaté, tout comme de la première tranche d’exonération de la taxe d’habitation. Compte tenu de l’état de nos finances publiques, le problème se déplacerait donc du domaine fiscal au respect du plafond européen (3% du PIB) de déficit du prochain budget, malgré une baisse des recettes de pas moins de 12 à 13 milliards d’euros (correspondant à 7 milliards déjà promis auxquels viendraient se rajouter les nouvelles annonces pour l’ISF et la taxe d’habitation). Sans nul doute l’exercice sera difficile au plan financier, mais il est indispensable, tant la communication présidentielle aurait du mal à se remettre de nouveaux atermoiements ou d’une nouvelle volte-face, en face d’une majoration de la CSG qui suscite déjà beaucoup plus d’opposition que prévu.

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