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Mario Draghi, John Law ou Mephisto?

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Par une décision du 22 janvier dernier, la BCE a décidé qu’à partir du mois de mars, et pour une période courant jusqu’en septembre 2016, voire au-delà si l’inflation n’est pas remontée à 2%, elle pourrait racheter chaque mois EUR 60 milliards de titres financiers et principalement des obligations souveraines ayant une maturité jusqu’à 30 ans. Ces rachats interviendront dans la limite d’un plafond de détention à 33% de la dette nationale de chaque pays, ce qui laisse une marge d’intervention très confortable. Ces achats couvriront aussi des titres du secteur privé.

Cette décision est contestable en ce qu’elle apparaît contraire aux règles et objectifs fixés à la BCE lors de sa création qui n’avait pas vocation à détenir des créances sur les Etats membres de façon à ne pas avoir d’ingérence dans leur gestion. Avec cette politique, le bilan de la BCE pourrait augmenter de plus de EUR 1000 milliards, soit de 50%, dans un horizon de 18 mois.

Certes, pour limiter ses risques et répondre aux réserves exprimées par certains pays comme l’Allemagne, il a été convenu que la mise en commun se limiterait à 20% des rachats additionnels pour lesquels les créanciers bénéficieraient d’un traitement égalitaire, dit « pari passu », en cas de difficultés, le solde étant supporté par les banques centrales nationales. Il a été prévu que les pays ayant une notation négative, comme la Grèce, ne pourraient pas bénéficier de ces largesses sauf s’ils ont conclu un accord avec le Fonds monétaire international (FMI), de façon à faire pression sur ce pays pour qu’il ne dénonce pas ses accords avec le FMI.

La position de la BCE est une énième tentative, démesurée, pour redresser la croissance de l’Europe. Les bourses européennes l’ont saluée comme telle. Mais les chances de succès ne sont pas acquises. Cette politique d’émission monétaire débridée, appelée Quantitative Easing aux Etats Unis, ressemble à celle que la Banque centrale du Japon pratique depuis plus de dix ans sans autre résultat que d’inciter le Japon à s’endetter plus qu’il ne faudrait, transportant ainsi la charge du présent sur les générations à venir et reportant sans cesse les réformes structurelles nécessaires.

Déjà depuis 2011, la BCE a multiplié les moyens pour déverser de l’argent dans l’économie européenne avec notamment les LTRO, ces offres de crédit aux banques à très bon marché pour un montant de plus de 1000 milliards d’euros. Mais la dernière émission de ces instruments n’a connu qu’un succès limité en 2014. Il n’est pas si sûr que l’économie ait prioritairement besoin d’argent. Les banques privées savent d’ailleurs que leur problème n’est pas le manque de liquidités à offrir, mais le défaut de besoins crédibles exprimés par les entreprises qui n’ont pas suffisamment confiance dans l’avenir pour entreprendre et investir.

Certes, aux Etats Unis la politique de quantitative easing a sans doute contribué au redressement significatif de la croissance. Mais les Américains ont par tempérament et habitude cette immense qualité d’être très réactifs à toute politique et les structures de l’économie américaine, moins figées qu’en Europe, leur permettent une adaptation rapide et efficace. Au Royaume Uni, la décision de la banque d’Angleterre de mettre en place un programme de rachat d’actifs pour 375 milliards de livres sterling a également soutenu la politique de redressement de Cameron. Mais elle n’aurait sans doute servi à rien s’il n’y avait pas eu cet effort très important des Tories de libéralisation des relations économiques et de réduction des dépenses publiques.

Le plan Draghi risque d’être un coup d’épée dans l’eau, voire d’aggraver la situation, si des efforts ne sont pas engagés parallèlement par les pays concernés pour lever les contraintes qui pèsent sur leur économie et réduire l’intervention de l’Etat. A défaut, l’Europe pourrait reproduire le modèle d’émission monétaire de John Law qui a ruiné la France de la Régence au début du XVIII ème siècle ainsi que le met en scène en ce moment Antoine Rault au théatre Antoine dans sa pièce Le Système que nous ne saurions trop recommander d’aller voir. Elle pourrait encore rejouer Faust II, la pièce imaginée par Goethe en 1832 dans laquelle il met en scène Méphisto qui arrive à faire signer à l’empereur un papier qu’il fera multiplier la même nuit pour ensuite le répandre comme monnaie fiduciaire. Au début, a rappelé Jens Weidmann, président de la Banque fédérale d’Allemagne lors d’un colloque le 18 septembre 2012, les participants à cette action s’en félicitent. Ainsi le Chancelier exprime sa pleine satisfaction: «Regardez-donc ce papier capable de changer notre sort [il parle de la monnaie fiduciaire créée] et qui a transformé tous nos chagrins en bonheur». Il lit: ‹Il est porté à la connaissance des intéressés que ce papier vaut mille couronnes.» Méphisto accentue le plaisir général en disant, peu de temps après: «Un tel papier en guise d’or et de perles est très commode, tout le monde sachant précisément ce qu’il possède. Avec cela, nulle nécessité de marchander ou d’échanger, chacun peut s’enivrer à son gré d’amour et de vin.» Mais ça finit très mal, par de l’inflation et un endettement démesuré de l’Etat.

Nous conclurons avec Jens Weidmann que « la capacité des instituts d’émission de créer de la monnaie quasiment du néant apparaît à maints observateurs surprenante, bizarre, voire mystique ou irréelle, sinon cauchemardesque. »

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3 commentaires

Daniel40 26 janvier 2015 - 10:40

Vous vous trompez sur les banques
"Les banques privées savent d’ailleurs que leur problème n’est pas le manque de liquidités à offrir, mais le défaut de besoins crédibles exprimés par les entreprises qui n’ont pas suffisamment confiance dans l’avenir pour entreprendre et investir." dites-vous ?
Je ne suis pas d'accord
Les banques sont en grande partie responsables de l'atonie générale car elles sont excessivement frileuses pour prêter aussi bien aux particuliers qu'aux entreprises. J'ai 2 dossiers en cours qui en sont l'illustration et je ne suis malheureusement pas le seul : tous les candidats à l'emprunt vous le diront !
Peut-être les taux actuels sont-ils trop faibles pour motiver les banques à prêter ? Peut-être préfèrent-elles utiliser la manne qu'on leur distribue pour aller spéculer sur les marchés, selon les trop mauvaises habitudes prises par le passé ?

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MANUTCHAO 29 avril 2015 - 5:23

JOHN LAW
Certes, le système de LAW a provoqué la banqueroute en 1720 mais c'est bien Louis XIV, tout soleil qu'il fût, qui a laissé à sa mort, en 1715, les finances de la France exsangues après avoir créé moultes charges – dont certaines subsistent à ce jour – et engagé la France dans plusieurs guerres ruineuses.

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TITOU 25 juin 2015 - 10:57

BCE
on voit bien que ce système ne fonctionne pas. pourquoi toujours fonctionner de la même façon ?
N'y a t'il pas d'autres solutions et déjà changer les mentalités et les consciences ????

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