L’État vient de publier son compte général 2023. Depuis 2006 et la loi LOLF, il est tenu de publier non seulement des comptes en flux (recettes, dépenses, déficits…) mais aussi un bilan, comme n’importe quelle entreprise. L’étude de ce document n’incite pas à l’optimisme.
Lorsque des observateurs critiquent les déficits de l’État ou sa fuite dans l’endettement, il se trouve souvent des étatistes pour affirmer que la dette publique permet d’investir pour l’avenir, ou que le patrimoine public permettrait de la rembourser. La publication annuelle des bilans financiers de l’État montre qu’il n’en est rien.
Une situation… pas très nette !
Les bilans de l’État, comme ceux des entreprises, font apparaître un actif (ce que l’État possède : outil de travail, participations, trésorerie, stocks, etc…) et ce qu’il doit : dettes, provisions pour charges, etc.
Dans toute entreprise privée correctement gérée, l’actif doit être supérieur à la dette. La différence donne ce que l’on appelle une « situation nette » (ou des capitaux propres) positive, constituée du capital initial apporté par les actionnaires et de la somme de tous les profits conservés par l’entreprise au cours de sa vie. La somme de la dette et des capitaux propres est appelée le « passif » et est toujours égale à l’actif. Si l’entreprise a plus de dettes que d’actifs, on dit que ses capitaux propres sont négatifs, et si elle n’est pas capable de générer rapidement des rentrées d’argent pour corriger cette anomalie, elle est en faillite.
Or le bilan 2023 de l’État fait apparaître une situation nette fortement négative de – 1 875 milliards d’euros, conséquence d’un passif supérieur à 3100 milliards et d’un actif inférieur à 1300. Si l’État était une entreprise privée, il aurait dû depuis longtemps déposer le bilan !
Dégradation continue
Pire encore, c’est l’évolution des comptes depuis 2006 qui inquiète. Voici, converties en monnaie constante 2023, comment ont évolué les grandes masses du bilan de l’État français :
La variation de la situation nette d’une entreprise est l’indicateur ultime de sa capacité à créer de la valeur, une fois toutes ses charges payées et tous ses financeurs (actionnaires, créanciers) rémunérés. Une situation nette continûment négative et en dégradation indique que l’État, en 17 ans, a détruit plus de 1100 milliards d’euros de valeur.
Les comptes ne sont guère plus rassurants si on les exprime en pourcentage du PIB, c’est à dire la création de valeur brute de tous les agents économiques sur le territoire français :
La destruction de valeur par l’État est donc bien plus rapide que la progression générale de notre économie.
Cette performance désastreuse est à rapprocher de celle du secteur privé. Selon l’INSEE, en France, en 2021 (dernière année disponible), la somme des capitaux propres des entreprises marchandes non financières était positive de 3 300 milliards d’euros, à comparer à la situation nette de l’État cette année-là… négative de 1658 milliards.
Autrement dit : pour deux euros de valeur nette créés par le secteur marchand au fil des ans, l’État en a détruit un !
Interdire les déficits publics
Combien de temps cette situation peut-elle perdurer ?
Les chiffres arides d’un bilan sont le reflet de l’état réel d’une entreprise. Un actif qui ne couvre pas la dette, cela signifie que celle-ci a été très mal utilisée et n’a pas permis de maintenir un appareil de production de services publics dignes de ce nom.
Et de fait, nos écoles, nos universités, nos tribunaux, nos prisons, nos hôpitaux, nos commissariats, nos casernes, nos armements, nos routes, tous ces équipements se dégradent à vitesse grand V, et dans les domaines régaliens notamment, leur capacité totale de production est notoirement insuffisante.
Tout cela parce que l’emprunt public, loin de permettre d’y remédier par un investissement adéquat, sert en grande partie à payer les dépenses courantes de fonctionnement. La qualité des services rendus par l’État est déjà catastrophique et le deviendra encore plus, malgré un coût délirant. Or, à terme, des étudiants mal formés, des délinquants insuffisamment punis, des malades mal soignés, etc., pèseront sur la capacité du secteur privé à produire assez de valeur simultanément pour lui-même et pour combler les trous creusés par l’État.
Voilà pourquoi depuis longtemps, l’IREF se fait l’avocat de lois déjà existantes chez certains de nos voisins (Allemagne, Suisse) dites de « frein à l’endettement », interdisant de facto une perpétuation des déficits publics. Elles forceraient l’État à faire le tri dans ses interventions, à recentrer son action là où c’est nécessaire (fonctions régaliennes) et à transférer aux collectivités ou à la société civile tout ce qu’il ne sait pas gérer correctement lui-même. Le fardeau qu’il impose à l’économie privée en serait significativement réduit, et les services que les citoyens sont en droit d’attendre, grandement améliorés.
8 commentaires
Le frein à l’endettement ne peut pas résoudre ce problème. Car, l’état pourra toujours fixer les priorités du gaspillage.
Il faudrait que la constitution interdisse à l’état toutes les fonctions d’entrepreneur. Car il est trompeur même dans les cas de bonne foi, d’entreprendre avec des moyens illimités et sans la sanction du client ou de la faillite.
Au lieu de se battre pour inscrire l’IVG dans la constitution, il aurait été plus utile de se battre pour y mettre « l’IVD » l’Interruption Volontaire de Déficit, c’est à dire l’interdiction pour l’Etat d’être en déficit (cela pouvant se calculer sur une période pluriannuelle de 3 ou 5 ans pour permettre quand-même une certaine relance en période de vaches maigres). Les Communes ont déjà cette obligation et sont mises sous tutelle du Préfet (l’Etat ! Qui donne bien sur le bon exemple !) lorsqu’elles ne le respectent pas.
Tout comme l’Argentine avant Milei en France des « economistes » pensent qu’il n’y a pas de limites aux dépenses des états qui sont toutes des « investissements » pour le bien du peuple.
Et par ailleurs soutenus par ces théoriciens, des syndicats ,des groupuscules infiltrés dans l’administration ont pris le pouvoir et bloquent toute volonté d’assainissement des finances publiques . Nous vivons actuellement une éclatante démonstration de ce phénomène avec les J.O. 2024 .
Bien sur tout cela n’est possible que parce que depuis plus de 50 ans les dirigeants ont soutenu cette théorie économique qui leur permet de dépenser toujours plus . C’est du gagnant/gagnant sur le dos de ceux qui ne sont ni au pouvoir ni dans l’administration. L’exemple récent de la remise en cause de la reformette des retraites par la SNCF en est un exemple frappant.
Beau programme MAIS : sachant que les fonctionnaires ne peuvent pas être licenciés et que, ayant la possibilité de refuser d’être mutés, ils peuvent tranquillement continuer à toucher leur salaire… sans rien faire jusqu’à l’âge de la retraite, se borner à ne pas remplacer les départs en retraite suffira-t-il à redresser les finances de la France ?
de GAULLE reviens ils sont devenus fous, d’autant que notre Président est un ancien Inspecteur des Finances passé par BERCY. C’est catastrophique mais quelle personnalité aura le courage de redresser le Pays ?
Inscrivons dans la constitution que la dépense publique ne doit pas dépasser 30% du PIB, mais n’oublions surtout pas d’y ajouter qu’en cas de dépassement le président serait automatiquement destitué… et une nouvelle élection organisée.
Analyse pertinente mais insuffisante selon moi car il faut regarder qui possède la dette de l’état et il me semble qu’une grande partie est possédée par l’épargne des Français via les OAT …
De plus une analyse très fine des charges de fonctionnement est nécessaire car un certain nombre d’entre elles sont incontournables.
Enfin une analyse des actifs de l’état s »impose aussi en distinguant les actifs productifs des autres.
En clair comparer le bilan de l’état à celui d’une entreprise me semble difficile. Comparaison n’est pas raison.
Il vaut mieux comparer le bilan de l’état Français à celui d’autres États, notamment européens.
C’est exact, mais comment faire ? Par exemple, le recrutement des fonctionnaires se fait à des niveaux moyens, Et nos dirigeants, même s’ils étaient convaincus, devrait remuer des montagnes !
C’est leur boulot, direz-vous !