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Les paradoxes du gouvernement Barnier

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De manière piquante, le gouvernement accouché aux forceps est dirigé par un gaulliste social revendiqué et il comprend également plusieurs membres du même profil, alors même que le parfum de IVe République que nous sentons actuellement avec son cortège de tractations entre partis politiques était tout ce qu’exécrait le général de Gaulle. Ce n’est pas le moindre des paradoxes du gouvernement Barnier.

Un gouvernement pléthorique

On ne s’attendait pas à un gouvernement resserré même s’il eût été préférable pour affronter les lourds défis urgents, notamment budgétaires. Certes, nous avons connu des gouvernements plus étendus encore, mais 40 membres, dont un record de 34 ministres, constituent une armée mexicaine dans la bonne moyenne… Puisque nos gouvernants en sont à chercher même quelques dizaines ou centaines de millions d’euros d’économie, tout eût été bon à prendre : la réduction du nombre des ministères aurait donné un premier signe d’une cure d’amaigrissement, fût-elle publicitaire, car le monde de la politique est aussi fait de symboles. Gouvernement resserré signifie aussi gouvernement plus stable par principe.

Mais les promesses renouvelées d’Emmanuel Macron et de ses séides de limiter le nombre des ministères à 12 ou 15 appartiennent à un passé largement révolu qui témoigne aussi de la puissance de la bureaucratie et de la technocratie française (un ancien ministre aurait dit du « mammouth »…). Et il fallait contenter tous les partis de la coalition.

Un gouvernement très à droite ?

« Gouvernement le plus à droite de la Ve République », s’est lamenté le Premier secrétaire du Parti socialiste, à l’annonce du nouveau gouvernement. Il est piquant qu’Olivier Faure, situé à l’aile gauche du PS (et très soumis aux… Insoumis), se permette de donner des leçons de modération. Heureusement pour lui, le ridicule ne tue plus depuis longtemps. Comment un gouvernement dirigé par Michel Barnier et constitué pour moitié de macronistes pourrait-il sérieusement être accusé de verser dans l’extrémisme ? Et qu’aurait dit notre socialiste par exemple du gouvernement Chirac II de 1986 avec Charles Pasqua, Robert Pandraud et autres Bernard Pons ?

Des attributions parfois surprenantes

Il fallait chercher la caution de gauche au gouvernement puisque les tentatives de séduction de Michel Barnier avaient échoué. Elle se nomme Didier Migaud, homme politique socialiste, puis président (respecté) de la Cour des comptes. Mais, son entrée au gouvernement se fait à contre-emploi puisque, au lieu de lui attribuer le ministère de l’Economie, on le catapulte garde des Sceaux, alors même que l’on ne sache pas qu’il ait des compétences en la matière. De même, Anne Genetet a été nommée à l’Education nationale, alors même que son long parcours dans le secteur privé puis politique ne la prédisposait nullement à ce poste.

Un ordre protocolaire surprenant de prime abord

Un ministre de la Justice, premier dans l’ordre protocolaire des ministres, le fait est suffisamment rare pour être souligné et il s’explique par la personnalité de son détenteur. Il est aussi étonnant de prime abord de voir que le (jeune) ministre de l’Economie n’est que le 9e de la liste, derrière par exemple la ministre (de droite) de la Culture et la ministre (de gauche) de la Transition écologique, tandis que le (très jeune) ministre du Budget et des Comptes publics est le dernier de la liste des ministres. Non pas que le gouvernement se désintéresse de ces questions, au contraire cela signifie que Michel Barnier va garder la haute main sur les questions économiques et budgétaires.

Un gouvernement libéral ?

L’insulte suprême en France a été lancée dès l’annonce de la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre : au secours, il serait libéral ! Accusation, si l’on peut user de ce mot, risible puisque, ainsi que nous l’avons signalé et écrit par ailleurs, Michel Barnier n’a jamais été libéral. Cela n’a pas empêché certaine hommes politiques et journalistes de gauche de reprendre le qualificatif pour décrire la véritable couleur du nouveau gouvernement. Pourtant, on n’y trouve évidemment pas le nom de l’homme politique libéral le plus connu, David Lisnard. Les ministères de l’Economie et du budget sont tenus par des hommes qui ne sont explicitement pas libéraux. Les seuls libéraux revendiqués sont Guillaume Kasbarian, qui passe du Logement à la Fonction publique (où il devrait avoir du travail…) et Othman Nasrou, secrétaire d’État chargé de la citoyenneté et de la Lutte contre les discriminations.

Un gouvernement sans grandes personnalités

Bien sûr, (à droite) Rachida Dati reste à la Culture et Bruno Retailleau prend le ministère de l’Intérieur, mais ce qui frappe, c’est l’absence de chefs de partis politiques ou d’hommes politiques de premier plan. Pas de David Lisnard, on l’a dit, pas de Laurent Wauquiez, pas de François Bayrou non plus. Des membres parfois jeunes pour que Michel Barnier concentre le pouvoir à Matignon, le ministère du Budget lui étant d’ailleurs directement rattaché. Les présidentiables ont été en définitive écartés et il n’est pas sûr que cela ne leur porte pas chance…

Hausse des impôts : la gauche en a rêvé, le Gouvernement Barnier va le faire !

On peut parler de tartufferie au sujet de la question fiscale. Michel Barnier a d’abord juré la main sur le cœur qu’il n’y aurait pas de hausse d’impôts ; Gabriel Attal en a fait l’une des conditions de la participation des macronistes au nouveau gouvernement ; Marine Le Pen a martelé qu’elle voterait la dissolution de tout gouvernement qui franchirait cette ligne rouge. Une ligne qui a donc existé durant quelques jours maintenant.

En fait, nous avions mal compris, béotiens que nous sommes : il n’y aurait pas de hausse de la fiscalité (officielle en tout cas…) pour certains seulement. Michel Barnier, lui qui vient de « découvrir » la gravité de la situation budgétaire, ce qui relève de la mauvaise plaisanterie, a mentionné une augmentation des impôts sur « les plus riches » le 22 septembre sur France 2. Dès sa nomination, le ministre de l’Economie, Antoine Armand, a donné un entretien dans lequel il a précisé certes que la solution n’était pas d’augmenter les impôts, la dépense publique devait être baissée et rendue plus efficace, mais après avoir dit : « Dans le contexte budgétaire, exclure d’office certains prélèvements exceptionnels et ciblés ne serait pas responsable » (Le Journal du dimanche, 22 septembre 2024).

Qui donc va être « ciblé » ? Pas les plus pauvres, puisque, par définition, ils n’ont pas d’argent. Pas les « classes moyennes » non plus, car elles votent, même si on ne sait pas très bien ce que signifie l’expression. Mais les « riches » bien entendu, et les « gros », plus exactement les grandes entreprises qui osent encore faire d’indécents bénéfices. Et, il faut s’y attendre maintenant, ceux qui ne travaillent pas, autrement dit ceux qui ne travaillent plus : les retraités, ces privilégiés qui se permettent de recevoir une pension après une longue vie de labeur.

Un dessin humoristique a récemment paru dans L’Opinion (19 septembre 2024). Il montrait Michel Barnier déclarant : « Notre pays a besoin de hausse d’impôts et de justice fiscale », avec derrière Gabriel Attal demandant à Emmanuel Macron : « Pourquoi tu as refusé Lucie Castets, déjà ? »…

Une fin proche ?

Le gouvernement Barnier va se trouver soumis à une conjonction d’oppositions, tout le monde le sait : manifestations des grévistes professionnels (elles ont déjà commencé), syndicats agricoles revendicatifs, extrémistes de droite et de gauche à l’affût, agences de notation et autorités communautaires sur fond de construction épineuse du budget, etc. Mais s’il doit mourir, plus ou moins rapidement, émettons le vœu, fût-il naïf, qu’il meure la tête haute en ayant le courage de porter certaines valeurs et certaines convictions.

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10 commentaires

Broussard 24 septembre 2024 - 8:39

ligne 2 : Certes, nous avons connus ! des gouvernements …
et à quand, un (de plus) nouveau ministère du Temps libre comme en 1974 avec Giscard ?
Christian

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jean cossin 24 septembre 2024 - 2:36

Ministère du temps libre: c’était Mitterrand, pas Giscard.

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Broussard 25 septembre 2024 - 8:05

désolé, pas d’accord ;
et le ministre en cause était Jean-Pierre Soissons…

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Broussard 25 septembre 2024 - 8:07

et, cher Jean, que dites-vous du s à connu -s ?

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poivre 24 septembre 2024 - 9:53

Des impôts, toujours plus d’impôts, toujours pour les mêmes, ceux qui ne partiront pas car pas vraiment riches…. La lâcheté de nos politiques est sans limite.

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laurent guyot 24 septembre 2024 - 1:12

Ils ne sont pas lâchent, ils travaillent juste pour leur paroisse, leur intérêts et ceux de leur clientèle. le sort des français ils n’en ont cure…Et les fait leur donnent raisons, les français continuent à voter comme de bons moutons même jusqu’au portes de l’abattoir…

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Marly 24 septembre 2024 - 10:18

Très disert sur les hausses d’impôts mais peu bavard sur les réductions des dépenses publiques. C’est que le mammouth sait bien défendre son pré carré.

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Laurent guyot 24 septembre 2024 - 1:09

Nous vivons dans une dictature administratives. Nous sommes dirigé par des fonctionnaires pour des fonctionnaires. dans ces conditions toutes diminution de l’empreinte étatique est impossible. la fonction publique a réinventé l’aristocratie d’entant, celle qui dirigeait le pays à sa guise pour son seul profit.

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Lamoureux 24 septembre 2024 - 1:51

Je ne sais pas comment vous pouvez qualifier un europeiste comme Barnier de gaulliste surtout avec ce qu’est devenue l’Europe.

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Feldman 24 septembre 2024 - 7:31

C’est Michel Barnier lui-même qui se qualifie de « gaulliste social ».
Me Jean-Philippe Feldman

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