L’expérimentation des emplois francs était l’un des engagements de campagne du président de la République. Elle a été introduite par l’article 175 de la loi de finances pour 2018 et s’est déroulée entre le 1er avril 2018 et le 31 décembre 2019. Le taux de chômage dans les QPV (quartiers prioritaires de la ville) est, en effet, très élevé, proche de 25 %, soit de plus 2,5 fois le taux national : d’où l’idée d’une aide pour inciter les entreprises à embaucher ce type de publics.
Présentation du dispositif
L’inspiration théorique de cette mesure est, en littérature économique, basée sur le postulat que les politiques publiques destinées aux territoires désavantagés sont justifiées par l’inadéquation entre la localisation des emplois et celle des personnes. Pour prévenir la concentration spatiale de la pauvreté, deux directions s’offrent alors à l’action publique. Elle peut rapprocher les emplois des personnes, par exemple en favorisant l’implantation et le développement d’activités économiques dans les zones défavorisées ; elle peut aussi rapprocher les personnes des emplois, notamment par la mobilité résidentielle, le développement des infrastructures de transport ou le soutien à la demande de travail qui leur est adressée par les entreprises.
Une première génération d’emplois francs, institué en 2013, ne s’était pas révélée concluante : seuls 300 contrats avaient étés signés en 18 mois.
Une entreprise, ou une association, qui signe un emploi franc bénéficie d’une prime pour l’embauche d’un demandeur d’emploi résidant dans un QPV couvert par l’expérimentation, à hauteur de 15 000 € sur trois ans pour un CDI ou de 5000 € sur deux ans pour un CDD d’au moins 6 mois, l’aide étant versée semestriellement. Les collectivités, les organismes publics et les SEM (société d’économie mixte) ne sont pas éligibles. L’expérimentation, qui concernait initialement 194 QPV, a été, par la suite, étendue à 740 quartiers recensant 400 000 demandeurs d’emplois.
Les bénéficiaires des emplois francs sont majoritairement des hommes (53 %), d’âge moyen, entre 26 et 49 ans (62 %). Les sociétés recruteuses ont en majorité moins de 50 salariés (62 %) mais les grandes entreprises sont surreprésentées (16 points de plus d’embauches supplémentaires en emplois francs que d’embauches classiques dans les autres QPV).
Les types d’emplois les plus représentés sont les employés de commerce (17 %), les employés administratifs d’entreprise (12 %), les personnels de services directs aux particuliers (11 %) et les ouvriers non qualifiés (8 %). Les principaux secteurs d’activité des bénéficiaires sont, eux, la restauration rapide (9,5 %), l’aide à domicile (6 %) et la sécurité privée (5 %). Notons également que 86 % de ceux-ci ont été embauchés à temps plein.
Absence d’impact du dispositif
Eu égard au faible nombre de contrats signés, il n’a pas été possible de réaliser une évaluation comparative entre les publics cibles dans les QPV intégrés à l’expérimentation et ceux qui n’en faisaient pas partie[[Le nombre minimal de bénéficiaires aurait dû être d’au moins 10 000.]]. Il faudra se contenter de l’analyse des résultats de l’expérimentation comparée avec les territoires voisins.
Premier constat, l’expérimentation n’a pas impacté l’évolution du volume d’embauches dans les QPV du périmètre expérimental, comme le montre le tableau suivant[[Comité d’évaluation, Rapport d’évaluation sur l’expérimentation des emplois francs, DARES, 13 décembre 2019, p.23.]] :
Sur l’ensemble des territoires d’expérimentation, le nombre de demandeurs d’emploi toutes catégories diminue de 0,7 % entre le quatrième trimestre 2017 et le quatrième trimestre 2018, une baisse comparable à celle des QPV voisins (0,9 %). Si l’analyse est réduite aux demandeurs d’emploi de catégorie A, le constat est sensiblement le même : l’évolution annuelle est comparable dans les QPV membre (- 1,7 %) et dans les non membres ( -2,2 %)[[Ibid, p.23-24.]]. Le taux de recours au dispositif des emplois francs, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de demandes d’emploi francs acceptés comparé au nombre de déclarations d’embauche éligibles au dispositif, est extrêmement faible : 10,7 %, soit 4 140 demandes acceptées pour 38 630 déclarations d’embauche éligibles entre avril et décembre 2018.
Par ailleurs, pour un candidat, mentionner dans sa lettre de motivation l’existence de son éligibilité au dispositif, six mois après le lancement de celui-ci, n’entraîne aucune conséquence sur la décision de l’employeur, pas plus que le fait d’y ajouter un dépliant du programme 12 mois après.
Les employeurs, interrogés, déclarent rechercher avant tout « un bon profil, en se basant sur ses compétences et son savoir-être »[[Ibid, p.35.]].
De l’aveu même de la DARES : « In fine, l’évolution annuelle du nombre de demandeurs d’emploi dans les QPV de l’expérimentation n’apparait pas réellement plus favorable que celle mesurée dans les QPV voisins »[[Ibid, p.27.]]. Alors pourquoi l’exécutif, un peu à la manière des Shadocks, s’acharne-il à ré-expérimenter un programme au principe déjà éculé, coûteux et sans effet notable ? L’hypothèse du calcul électoral paraît trop simpliste, peut-être faut-il y voir la marque d’une obstination administrative, hermétique au renouvellement des idées.
2 commentaires
Les emplois francs : un saupoudrage inutile d’argent public
Il faut TOUT supprimer. Y compris pôle emploi, ce machin coûteux et totalement inutile.
Les emplois francs : un saupoudrage inutile d’argent public
Cher Monsieur,
Vous avez vu juste. Une note est en préparation sur ce sujet…
Bien à vous,