Le gouvernement pense que oui, et soumet un projet de loi au Parlement en ce sens. Démarche habile : incapables de limiter les déficits, comme leurs prédécesseurs, les dirigeants actuels veulent rendre la chose possible pour leurs successeurs. Un coup d’épée dans l’eau, estime pourtant Maître Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF.
La question est posée de savoir comment maîtriser les déficits publics qui avaient déjà une fâcheuse tendance à voler vers les cimes avant que la crise de 2008 ne les fassent exploser plus brutalement encore presque partout dans le monde. Plusieurs pays ont déjà inscrit des règles de limitation du déficit public dans leur constitution. En Pologne, la constitution prévoit désormais que le gouvernement ne puisse pas emprunter plus de 60 % du produit intérieur brut (PIB), et lorsque l’emprunt dépasse 50 % du PIB, le gouvernement doit procéder à des réductions budgétaires complémentaires. Les Allemands limiteront le déficit fédéral à 0,35 % de leur PIB à partir de 2016. Les Suisses ont une obligation d’équilibre des comptes de la Confédération. En Italie, la constitution interdit le recours à l’emprunt autrement que pour financer l’investissement.
L’Union européenne, qui ne sait pas elle-même maitriser son propre budget, avec une hausse de 4,9% programmée pour son budget 2012, a appelé les pays membres, par les dispositions du « pacte pour l’euro » adopté le 11 mars 2011, à s’assujettir à des règles suffisamment contraignantes et durables pour garantir la discipline budgétaire tant au niveau national qu’aux niveaux inférieurs.
Un texte en débat devant le Parlement français
En France la dette publique a atteint près de 1 600 milliards d’euros en 2010, soit 81,7 % du PIB et un encours multiplié par 21 depuis 1978. Le 16 mars 2011, le gouvernement a déposé un projet de loi constitutionnelle relative à l’équilibre des finances publiques qui fait l’objet actuellement de débats au Parlement. Selon ce texte :
« Le Gouvernement propose d’inscrire dans notre Constitution trois séries de dispositions de nature à modifier de manière radicale la gouvernance de nos finances publiques.
Il s’agit, tout d’abord, de créer un instrument juridique nouveau, les « lois-cadres d’équilibre des finances publiques » dont les dispositions auront pour objectif, à un horizon pluriannuel défini, d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques. A cette fin, ces lois-cadres pluriannuelles s’imposeront, dans certaines de leurs dispositions, aux textes financiers ordinaires annuels (lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale).
Ces dispositions, combinées à des prévisions d’évolution des comptes des autres secteurs des administrations publiques ainsi qu’à des hypothèses économiques soumises au principe de sincérité, permettront de voter une date de retour à l’équilibre des finances publiques et, en cohérence, d’établir l’effort à réaliser sur une période fixe d’au moins trois ans, effort qui s’imposera aux lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale. Sur le long terme, cette approche permettra un rééquilibrage durable de nos comptes publics, un déficit temporaire devant en effet être accompagné de la définition des voies et moyens d’un retour à l’équilibre.
Il s’agit ensuite d’assurer juridiquement le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale pour régir le domaine de la fiscalité et celui des recettes de la sécurité sociale. … »
Un projet qui ne sera jamais voté ?
Pour être adopté, ce texte devra être voté à la majorité simple dans les mêmes termes, par chaque assemblée, puis approuvé à la majorité des trois-cinquièmes du Parlement réuni en Congrès.
Le Président de la République peut également choisir la voie référendaire. Autant dire qu’il y a peu de chances que cette modification constitutionnelle voie le jour avant la prochaine élection présidentielle, dès lors que les socialistes se sont clairement prononcés contre son adoption et que leur soutien est indispensable pour disposer de la majorité nécessaire des trois cinquièmes. Il s’agit donc sans doute plus d’une posture pré-électorale du gouvernement qui sait que les Français sont très majoritairement favorables à une telle réforme.
Mais la question est néanmoins de savoir si une telle réforme constitutionnelle est souhaitable.
Le Parlement dépossédé du vote de l’impôt ?
Dans sa rédaction proposée par le gouvernement, seules les lois de finances pourraient modifier les dépenses et recettes budgétaires, ce qui limiterait considérablement la marge de manœuvre des parlementaires en dehors des débats budgétaires, beaucoup de lois ayant des incidences budgétaires. Au surplus cette rédaction donnerait l’exclusivité de l’initiative budgétaire au gouvernement qui seul écrit et propose les projets de lois de finances. En l’état, la commission des lois, sur proposition de son rapporteur, a supprimé les dispositions visant à instaurer un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires. Il faut attendre les résultats du vote parlementaire sur ce sujet.
Plus généralement, une telle loi apparaît à la fois dangereuse et inutile :
– Dangereuse parce qu’elle confie son contrôle au conseil constitutionnel dont çà n’est ni le rôle ni la compétence de s’ingérer dans le budget. Dangereuse aussi parce qu’elle permet d’atteindre l’équilibre par une simple augmentation des recettes, c’est-à-dire des prélèvements, alors qu’il aurait fallu que les mécanismes institués incitent à la réduction des dépenses;
– Inutile, ou pour le moins insuffisante, parce qu’elle ne fixe qu’un cadre dans lequel inscrire des orientations et des évolutions !
Certes, la constitutionnalisation d’une règle d’équilibre budgétaire serait plus forte qu’au travers de simples lois ordinaires car celles-ci peuvent être plus facilement manipulées, abandonnées ou suspendues comme elles l’ont été sous l’effet de la crise économique de 2008, par sept États de l’Union européenne (Estonie, Royaume-Uni, Finlande, Pays-Bas, Hongrie, Lituanie et Espagne). Mais il faudrait alors que cela soit un véritable engagement comme celui qui a été pris par l’Allemagne de limiter le déficit public à un certain niveau, voire au niveau zéro.
La vraie réforme : diminuer les dépenses
En réalité, il ne peut y avoir d’intérêt à une telle réforme que si elle s’inscrit dans une démarche concrète de réduction des dépenses publiques comme celle qu’a engagée avec grand succès le gouvernement conservateur et libéral du Canada depuis dix ans, ce qui a permis a son premier ministre, M. Harper, d’obtenir une confortable majorité lors des élections de ce début mai.
Le meilleur moyen par ailleurs de s’assurer que l’équilibre des finances publiques serait atteint plus par la baisse des charges que par l’augmentation des impôts serait de faire en sorte que tous les contribuables payent des impôts directs, même a minima, et que soit instituée une règle selon laquelle il ne pourrait y avoir d’augmentation des impôts que proportionnelle pour tous. Si tous étaient concernés, tous ne penseraient à modifier les impôts à la hausse que « la main tremblante ».
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Equilibre budgétaire garanti par la Constitution ?
La France, comme la plupart des pays du sud de l’Europe, mettent en danger l’euro, pourtant essentiel à leurs échanges intérieurs, depuis des années en ne respectant pas les critères de Maastrich : déficit inférieur à 3% de leurs PIB, endettement limité à 60% de leur PIB.
Ou bien l’Europe, devant son incapacité à discipliner les fi-
nances publiques, admet la dévaluation de l’euro, à l’exemple des USA qui ne se privent pas de laisser se déprécier leur monnaie lorsque ça les arrange, ou bien ils acceptent d’introduire ces règles dans leurs constitutions respectives, comme ils auraient du le faire depuis la création de l’euro, s’ils étaient cohérents avec eux-mêmes.
Nous assistons depuis près de 20 ans au comportement hypocrite de nos dirigeants, qui refusent au niveau national
ce qu’ils ont accepté au niveau européen. Jeu de Gribouille!