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Ecole : l’échec de l’Etat

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La rentrée scolaire a commencé par une grève. C’est sans doute le moyen pour les syndicalistes de faire oublier l’état lamentable du système éducatif français. Nicolas Lecaussin met en accusation le « pédagogisme », qui va jusqu’à réclamer la suppression de l’école privée.

La rentrée est déjà là, les grèves aussi, mais l’école française n’a toujours pas été réformée. Depuis plus de 25 ans la crise est apparente, mais aucun ministre n’a eu le courage de s’attaquer au bastion de l’Education Nationale, cette administration la plus coûteuse de l’Etat. Seul Claude Allègre a évoqué la nécessité de « dégraisser le mammouth », mais sans y parvenir. Par ces temps de vaches maigres, ne pourrait-on pas trouver des économies à faire à l’école comme ailleurs ?

Plus de moyens pour moins de résultats : les chiffres sont accablants

D’après un Rapport du Haut Conseil de l’Education, 300 000 enfants entrant en sixième ne savent pas lire correctement et plus de 150 000 jeunes sortent du système éducatif sans aucune formation. Environ 60% des enfants qui entrent en sixième ne maîtrisent pas bien les multiplications et les divisions. Plus de 50% des élèves de première ne savent pas combien font 7 x 8 et environ 15% des lycéens ne maîtrisent pas bien le français. Dans les enquêtes internationales, la France est classée au 17e rang sur 26 pour le niveau de lecture et de mathématiques des enfants. Ces résultats se sont même aggravés ces dernières années. Aujourd’hui, notre pays compte 3.1 millions d’illettrés. Et pourtant ce n’est pas faute de moyens. Un écolier français coûte 33% de plus que la moyenne des pays de l’OCDE. Le budget de l’Education nationale est de 130 Mds d’euros (environ 90% de plus qu’au début des années 1980).

En finir avec le pédagogisme

Que faire ? Il faudrait d’abord commencer pas s’attaquer aux syndicats qui dirigent l’Education nationale. Les 500 000 membres de la FSU se refusent à toute réforme de bon sens. Ensuite, on pourrait voir plus clair dans les dépenses bureaucratiques de l’école car plus de 30 Mds d’euros (environ 25% du budget) sont absorbés par les coûts de fonctionnement. Il y aurait là des économies à faire.

Enfin et surtout , une réforme de l’école française passerait aussi par la suppression du « pédagogisme », une « science » qui n’a rien à envier à celle de Lyssenko. Cette doctrine (le « pédagogisme ») repose sur le postulat que l’élève doit se trouver au centre de l’enseignement et que c’est à lui de « construire son savoir ». L’enseignant ne doit jouer qu’un rôle d’intermédiaire et ne doit surtout pas imposer à l’enfant des « vérités ». Qu’il s’agisse de la grammaire, de la littérature ou des mathématiques, on soumet aux enfants des « situations » et c’est à partir des « solutions personnelles élaborées par les élèves que l’enseignant apporte une nouvelle connaissance ». Cette méthode qui trouve ses origines dans les idées égalitaristes véhiculées à la fin des années 1960 est employée à l’échelle nationale surtout depuis le début des années 1990 et la création des IUFM par l’ancien ministre de l’Education nationale Lionel Jospin. Parmi les défenseurs inébranlables de cette méthode, on trouve donc Philippe Meirieu, directeur de l’IUFM de Lyon.

Depuis environ 30 ans, il conseille pratiquement tous les ministres de l’Education nationale. Promoteur du collège unique, c’est un adversaire acharné de l’école privée. Ce qui ne l’empêche pas de mettre ses enfants dans… le privé. Comme les autres gardes rouges de « l’égalitarisme » et du « pédagogisme », Bourdieu, Peretti, Prost, Meirieu a mis ses enfants dans des écoles privées et publiques cotées, loin des influences de la nouvelle pédagogie. Lui-même d’ailleurs est un ancien élève du lycée Henri IV à Paris…

Son credo idéologique est clairement exprimé : « il faut parier sur l’éducabilité (sic) de tous les jeunes (…), il est temps d’imaginer un même lycée pour tous les jeunes, avec une même qualité de l’enseignement, une même ouverture culturelle et une même reconnaissance pour les voies générales, technologiques et professionnelles. Il est temps, enfin, de remettre en selle et au premier plan l’éducation populaire, de susciter et d’aider toutes les initiatives qui permettent aux jeunes d’apprendre à vivre et à travailler ensemble, ainsi qu’avec d’autres générations… ».

La suppression de l’école privée

Préoccupé jour et nuit par « l’éducabilité » de nos enfants, il prône la réforme finale : la suppression de l’école privée. « Observant les évolutions de ces quinze dernières années, j’en suis venu, en effet, à souhaiter l’existence d’un seul et unique système scolaire, intégrant l’enseignement public et l’enseignement privé sous contrat avec l’Etat. (…) J’en suis venu à considérer le choix de l’école par les parents comme un danger majeur pour la cohésion de notre société ». Pour Meirieu, la réponse au succès de l’école privée, c’est sa… suppression. On en revient ainsi au fameux SPULEN (Service Public Unique et Laïque de l’Education Nationale) prônée par le programme commun de la gauche dès 1974.

Avant de donner des leçons au capitalisme, l’Etat devrait se réformer lui-même et essayer d’assurer au moins une scolarité normale et efficace à nos enfants. Pour le moment, les écoles sont gangrénées par la violence, et les résultats scolaires des élèves qui en sortent sont très mauvais. Ce n’est pas un hasard si les familles françaises cherchent de plus en plus une place (très rare) dans les écoles privées. L’école d’Etat est en situation d’échec.

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14 commentaires

Anonyme 1 octobre 2010 - 12:17

Philippe Meirieu n’est plus directeur de l’IUFM Lyon depuis 2006
À part cette erreur, excellent article.

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Anonyme 1 octobre 2010 - 7:27

Au nom de l’égalité, on tire tout le monde vers le bas
La philosophie des syndicats est toujours la même : au nom d’un principe obsessionnel d’égalité il faut couper toutes les têtes qui dépassent.

Certes des efforts doivent être faits pour tirer vers le haut les personnes en difficulté mais le résultat de l’idéologie ambiante c’est plutôt de tirer vers le bas tout ce qui marche, sans que les personnes en difficulté voient leur situation s’améliorer pour autant.

Je remarque que, en pratique, pour les syndicats le mot « égalité » se traduit le plus souvent par « jalousie ». Bref, on jalouse ce qui marche ou ceux qui possèdent quelque chose que l’on n’a pas. À la sortie pour arriver à l’égalité il faut soit prendre de force ce que l’on ne possède pas soit le détruire.

Pour mieux opérer cette destruction nous sommes utilisés régulièrement comme des otages par les syndicats. Il y a bien longtemps que ces derniers ont perdu le sens du bien commun. C’est leur propre service qui compte de sorte que la définition des syndicats du « service public à la française » c’est pour moi « les Français à leur service ».

Concernant l’enseignement, votre article ne mentionne pas le développement exponentiel d’un grand nombre d’écoles « vraiment libres », c’est-à-dire hors contrat. Ces établissements, dispensent un enseignement de haute qualité avec de très bons résultats. Beaucoup d’élèves ayant connus l’échec dans le système scolaire national arrivent à s’en sortir dans ces écoles.

Ces écoles « vraiment libres », sont bien sûres payantes puisqu’elles ne reçoivent aucune participation de l’État. Il s’est donc organisé une solidarité pour pouvoir donner des bourses aux parents qui ont des faibles moyens et qui veulent donner une éducation de qualité à leurs enfants. Des donateurs privés (dont je fais partie) donnent régulièrement pour alimenter ces bourses. Ces dons sont déductibles des impôts pour le moment, pour ceux qui ont la chance d’être imposables et en attendant que cette possibilité soit supprimée, précisément en vertu du principe d’égalité décrit ci-dessus!.

Si vous voulez plus d’informations je vous invite à visiter le site de l’AES: « Association Education Solidarité »: http://www.asseducsol.com/

pascal.lef.alb@free.fr

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Anonyme 2 octobre 2010 - 8:28

Situation Très préoccupante
La France a sombré, doucement mais surement, vers un régime de type collectiviste. Nous connaissons les objectifs et conséquences dramatiques de cette idéologie sur la Société. Le plus surprenant est d’observer la classe politique dite « de droite » qui semble fort bien s’accomoder de cette idéologie. L’école publique tout comme la justice, la sécurité intérieure et extérieure semblent malades des mêmes maux. Il ne reste qu’une solution : entrer en résistance et combattre cette idéologie. Encore faut-il pouvoir s’organiser, s’unir et agir pour cela.

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Anonyme 2 octobre 2010 - 8:28

L’ecole
Ici aussi , comme souvent ailleurs , les membres du corps enseignant tirent profit d’une situation désastreuse !

Tant qu’une réforme profonde et réelle ne viendra pas RESPONSABILISER tout le monde ( je rêve !) -enseignants ET parents -pas de salut !!!

 » De toutes façons , mes collègues s’en foutent »(sic) me disait en conclusion un enseignant des lettres sur la situation dans son lycée !

Tout est dit !

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Anonyme 2 octobre 2010 - 4:44

L’école
Est-ce que l’enselgant cité n’est pas simplement complètement découragé devant le resultat des méthodes qu’on lui impose d’appliquer à ses élèves ?

On le serait à moins !!!

J.F.

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Anonyme 2 octobre 2010 - 8:48

démagogie
la news lettre « NOUS,VOUS,ILS » consacre rien moins que 8 textes sur l’apprentissage des langues étrangères. Dans la lettre n°1 : on se congratule, l’enseignement de l’anglais en primaire est un tel succès qu’il sera étendu en maternelle. Le fait d’avoir introduit l’anglais en primaire fait que « je cite : les élèves entrant en 6ème possèdent déjà une excellente base » (ceux qui pensent celà ne vivent pas sur la même planète que moi)

Lettre n° 2 ils semblerait que l’option suivante soit sérieusement envisagée : mettre les cours sur MP3 pour que les élèves puissent « écouter et répéter les phrases enregistées, à leur rythme, quand il en auront envie ». Pour cela encore faudrait-il : un que tous les élèves aient des MP3 ou 4 et que les dits élèves aient plus envie d’écouter de l’anglais scolaire plutot que du RAP ou du R & B.

Il y avait déjà dans une lettre précédente une prof de géographie qui n’utilisait plus que Twitter pour ses cours et en était enchantée. En conclusion, si les enseignants pensent que TOUS les élèves ont la maturité suffisante pour étudier seuls, je dis bravo. On suprime les collèges et les lycées et on ne fait plus que du télé enseignement, au moins là il n’y aura plus de problème de mi-temps thérapeutique, congé maladie ou autre, plus de stress, bref, le bonheur quoi.

J’attends avec impatience les 6 textes à venir.

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Anonyme 2 octobre 2010 - 10:39

échec de l’école
Merci d’exprimer ouvertement ce que beaucoup de gens pensent

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Anonyme 2 octobre 2010 - 6:44

éducation
votre lettre sur l’école vous devriez la publier dans tous les journeaux les magasines et l’afficher devant la porte des établisements pour que les parents d’élèves puis la lire pour qu’ils sachent pour quoi leur enfants ne savent pas lire ou comptér les prof ne font attention à leurs enfants ou aux enfants qui ont des moyens

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ernewein jacques 2 octobre 2010 - 7:03

école: échec de l’état
Excellent article, mais je souhaite insister sur deux points:

1- la liberté de penser ne fait pas recette dans toutes les matières. En calcul et en français, par exemple, l’élève peut « construire son savoir » avec les résultats catastrophiques que l’on constate, mais pas en histoire par exemple où des lois, comme la sinistre loi Gayssot qui dicte ce que l’on doit avaler comme vérité révélée.

2- des associations, en particulier SOS Education oeuvrent depuis longtemps, sans subvention, pour que l’on rende à l’école la liberté qui lui est nécessaire à son métier normal: l’INSTRUCTION PUBLIQUE ou PRIVEE.

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Anonyme 5 octobre 2010 - 11:15

histoires vécues
Histoire 1 : hier (1975)

Mon frère est un crac, il est en seconde « C » dans une classe à pédagogie nouvelle. Le professeur donne en début de cours le contenu à travailler par les élèves eux-mêmes, par groupe de 4. Mon frère prend le manuel, le lit et puis passe aux exercices. Seul. Puis pose quelques questions au professeur. Ensuite, sympa, il explique aux autres de son groupe. A part lui, panade généralisée pour tous les autres élèves. Fin du premier trimestre, mon père va assister à une réunion de parents d’élèves. Il ne comprend pas pourquoi car son fils n’a pas de problème et des notes excellentes. Résultat, il constate au cours de cette réunion qu’il est le seul dans ce cas. Pour les autres, ce sera un échec général. Mon frère était une exception.

Histoire 2 : aujourd’hui.

J’enseigne en cinquième année après le bac dans des écoles privées (prisées et très chères). Mon constat est simple et je tiens les copies à la disposition des incrédules : tant en anglais qu’en français, les élèves sont dramatiquement nuls. Aucune orthographe, écriture illisible (le bic dès la maternelle…), ponctuation inexistante. Je ne parle même pas du fil conducteur du texte!

Certains collègues corrigent en moins de 30 secondes une copie entière (4 pages), même si l’on ne comprend pas un traître mot dans la copie.

Avant, je corrigeai les fautes d’orthographe. Plus maintenant, car le temps de correction n’est pas payé.

Conclusion.

Je ne crois pas au hasard. Ceux qui ont voulu toutes ces réformes pédagogiques voulaient sciemment fabriquer des illétrés. Peu importe l’habillage invoqué pour faire passer ces réformes. Et maintenant, ce sont les gosses de riches qui sont les meilleurs clients des cours à domicile. Il paraît qu’on a fait un grand pas vers l’égalité…

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Anonyme 5 octobre 2010 - 5:15

Ecole
Bonjour, vous avez raison, notre enseignement est en chute libre. Il faut supprimer l’Education Nationale et redonner la liberté au niveau local. nous ne sommes plus au XIX ième siècle! Aujourd’hui, il y a beaucoup de compétences à mettre en concurrence pour arriver à de meilleurs résultats.EN ressemble à un dinosaure marxisé jusqu’à la moelle. Continuer à harceler la bête!

Bon courage et bien cordialement.

Jean Bolard

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Anonyme 12 octobre 2010 - 10:08

Ecole
Nous voyons bien aujourd’hui les contradictions spectaculaires auxquelles nous sommes arrivés :d’un coté « il faut laisser l’enfant construire son savoir » et de l’autre la propagande de lutte des classes que l’éducation nationale continue d’instiller. C’est particulièrement vrai par exemple dans les manuels d’économie. Comment s’étonner ensuite de cette grave méconnaissance des français en matière économique ?

Le débat sur la retraite en est une parfaite illustration…

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Anonyme 12 octobre 2010 - 3:58

Monopole = Médiocrité
« Il n’est de pire monopole que celui de l’enseignement ».

Frédéric BASTIAT

« Le seul instant où une nation se détruit est lorsqu’elle devient capable de rendre la médiocrité obligatoire ».

Lyndon Larouche

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Anonyme 26 décembre 2010 - 10:54

L’art d’enseigner est-il une science ?
L’art d’enseigner est-il une science ?

Le « bon » enseignement n’est-il pas comme la quadrature du cercle, une aporie ?

Personne, et surtout pas les spécialistes, qui ont l’art céphalopode d’enrober d’encre les problèmes, n’a su trouver de solution à ce sujet, probablement parce que l’enseignement n’est pas une science, et que les sources de la crise se trouvent ailleurs.

Les enquêtes minutieuses qui ont été menées jusqu’à maintenant, sociologiques, psychologiques, pédagogiques etc., pour autant qu’elles soient parfois déformées pour des raisons idéologiques évidentes (optiques marxisantes, bourdiévistes, meiriévistes, égalitaristes, ultra-libérales, internationalistes etc.), s’appliquent à donner des chiffres, à cerner la question de façon soit quantitative, soit techniciste, comme si l’Ecole était un secteur autonome, qu’on chercherait d’ailleurs à étanchéifier en érigeant des barrières, en le sécurisant par des sas, en le théorisant par des concepts, fussent-ils pédagogiques.

Au fond, Bourdieu et Meirieu n’ont pas tort en portant l’accent sur la politique et la lutte sociale. Ce qu’on peut leur reprocher, c’est de prendre le parti de la destruction de l’Ecole, en voulant la diluer dans la société, laquelle devrait être justifiée par une idéologie niveleuse. Ils rejoignent ainsi le projet mondialiste de réduction de l’enseignement à de simples compétences fondamentales, adaptées au monde de l’entreprise, et fondées sur le concept d’employabilité. De ce fait, l’une et l’autre options étant cohérentes avec elles-mêmes, leur rencontre objective dans la programmatique des divers ministères qui se sont succédés ne serait que coïncidence si elles ne se rejoignaient sur un postulat, qui est celui de l’utilitarisme. Une bonne éducation ne saurait être qu’efficace. Il faut que ça marche, entendons dire dans ce langage simplifié des hommes politiques de maintenant.

Or un enseignement ne doit pas « marcher ». Ni courir d’ailleurs, et encore moins demeurer statique. Autrement dit, l’Ecole n’est pas dépendante du « mouvement ». D’ailleurs, à partir de quels critères devrait-on évaluer le succès d’une telle machine, qui brasse des millions de jeunes gens, de la maternelle à l’université, et qui en présente une palette extrêmement disparate, non seulement en terme de niveaux, mais aussi en qualités humaines, en richesses et devenirs différents ? Qui peut d’ailleurs soutenir que le « succès » dans une discipline ou à une étape déterminée du cursus promet une réussite finale à la fin, ou même dans la décennie qui suit les études ?

Certes, on ne niera pas la valeur, ni éventuellement l’utilité relative de certaines recherches cognitives. Cependant, outre qu’il faudrait considérer, dans la pratique, si les conclusions de tels travaux sont fiables dans des classes surchargées, il est nécessaire de préciser ce que sont les objectifs réels de l’enseignement selon les niveaux (car on ne demandera pas à un collégien de retenir ce que la mémoire d’un lycéen gardera).

Toutes ces bonnes idées ont la fâcheuse tendance à omettre un facteur qui est déterminant : la conduite, le comportement, l’attitude des jeunes. Nous ne sommes pas dans une relation motivée de maître à disciple, ni dans la situation du préceptorat, ni dans un contexte civilisationnel de contrainte quasi militaire, comme au Japon. Les élèves, fruits de la permissivité d’une société laxiste et matérialiste, sont ce qu’ils sont, c’est-à-dire bien souvent des sauvageons, des êtres mal élevés, produits d’une mauvaise éducation, ou d’une absence d’éducation. Il est malhonnête d’avancer que les élèves ne seraient pas concentrés à cause des déficiences méthodologiques de l’enseignement prodigué. Le moins que l’on soit en droit de demander, c’est d’avoir face aux enseignants de jeunes gens sinon bienveillants, du moins non pourvus d’hostilité. Or, notre société ne valorise plus le savoir, mais la réussite matérielle, le carriérisme. Nul projet spirituel, humaniste ou même la simple curiosité intellectuelle, n’en constitue le fondement. Les professeurs sont obligés de se battre à mains nus contre des forces délétères, répugnantes (ignorance flattée, argent loué, force brute admirée) qui les dépassent, et dont les jeunes sont les réceptacles d’autant plus avides que leurs mauvais instincts sont flattés (y compris ce principe égocentrique du plaisir, de nature libérale, qui rive à la puérilité). Nulle part dans les programmes et recherches pédagogiques on ne voit les concepts d’effort, de travail, d’honneur (ce dernier, qui existait dans l’école ancienne, n’étant pas le moindre), ce que Platon nomme le « thumos », et qui est cette partie virile, combattive, que chacun porte en soi. Or, le bon comportement, à un certain âge, ne s’acquiert que par l’éducation, l’habitude, la contrainte, la répétition. Il en va de même pour certains apprentissages fondamentaux, liés à l’enseignement de la logique, à la connaissance et pratique de la langue etc.

Il est évident qu’il est utopique et d’ailleurs stupide de vouloir que l’élève retienne tout des cours. Qui se souvient exactement du contenu de ceux de collège, et même du lycée ? L’enseignant sème ce qui donnera lieu à la moisson. Toutefois, à mesure qu’on avance dans le cursus, on est amené à retenir davantage. Il est bon d’acquérir à l’école primaire, mais aussi au collège, des réflexes de base, ce qui servira toujours et évitera de la perte de temps et d’énergie. Pour le reste, celui qui a connu certaines joies, malgré des professeurs déficients, celle par exemple de rencontrer Montaigne, Rabelais, La Fontaine, Balzac etc., a de la chance, et peut espérer quelque bonheur dans sa vie.

On sous-estime en effet le facteur émotionnel. L’un des objectifs majeurs de l’enseignement des Lettres, pour prendre un exemple disciplinaire, est la culture de la sensibilité, de la dimension humaine, et le sens d’une hiérarchie des valeurs, tant dans l’ordre éthique que dans celui de l’esthétique (il existe des productions artistiques, par leur richesse, qui en dépassent d’autres).

Pour le reste, méthode holistique ou méthode analytique, approche linéaire, auditive, visuelle etc., tout cela n’est que secondaire. Du reste, pourquoi ne pas varier, et tenter de donner assez de devoirs, de textes, d’exercices, pour toucher toutes les personnalités ? Inutile de perdre du temps inutilement à couper les cheveux en quatre. Un cours est un équilibre entre la transmission magistrale et la dialectique constructive. On avise et on règle le tir en fonction de la réaction des élèves. Mais il ne faut pas croire que, parce qu’on connaît un succès ponctuel, tout soit gagné. Oui, l’élève oublie. Quelle importance ? On revient sur le même métier : la pédagogie est répétition.

Entendons-nous : on parle de gastronomie quand, par la force des choses, on n’a souvent affaire qu’à de la cuisine de cantine. Le travail ne peut être qu’empirique. Et d’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ? L’enseignement est un art, non une science. Il est aussi une rencontre entre des personnes. La première tâche du maître est de parvenir à transmettre sa passion. Il n’est pas rare de croiser des pédagogues experts, savants, érudits, « qui ont travaillé sur la question pendant quarante ans », comme on entend fréquemment, et qui sont ennuyeux comme la mort. Aiment-ils seulement ce qu’ils enseignent, en dehors de leur technique, et parfois leur jargon ? A se réfugier dans la technique, on manque l’essentiel : l’échange, surtout un échange qui ait du sens.

Le but de l’enseignement n’est pas l’acquisition d’une logique, ou de méthodes, même si l’on ne peut nier l’importance de ces capacités. Il s’agit de faire des hommes. La contrainte, qui exige une adaptation et un effort de la part des individus plongés dans un univers qui possède ses lois, la sensibilité et l’imagination (malaisément évaluables), la finesse (contre l’esprit de géométrie : voir Pascal !) sont des objectifs bien plus importants que l’obtention de compétences destinées à une bonne productivité en entreprise.

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