Faillite des collectivités locales en France, aux Etats-Unis, au Japon. Faillite des Etats européens. Mais à quelque chose malheur est bon, c’est un peu partout le retour à la raison. A quand le tour de la France ? Pour Maître Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF, « impossible n’est pas français » : gardons l’espoir.
La faillite n’est plus l’apanage des entreprises. Les collectivités publiques encourent le risque et savent désormais qu’elles aussi sont mortelles. La cessation de paiement d’une entreprise peut conduire à sa sauvegarde dans le cadre d’un plan de redressement dans le cadre duquel elle s’oblige à faire des économies et /ou à augmenter sa production et sa productivité, ou, à défaut, à sa liquidation. Les collectivités publiques pourraient à leur tour apprendre à réduire leurs dépenses et à retrouver leur équilibre budgétaire pour survivre. Ca serait un vrai bienfait de la crise actuelle des finances publiques dans le monde.
Des collectivités locales en sursis
Jusqu’à ces dernières années il apparaissait inenvisageable qu’une collectivité publique soit en faillite. Il y avait bien eu quelques cas en France de villes asphyxiées par la folie des grandeurs de ses maires socialistes comme Briançon, mais c’était exceptionnel. Désormais les villes sont plus nombreuses à être placées peu ou prou sous tutelle, à Montreuil-sous-Bois (Seine Saint Denis), à Pont Saint Esprit dans le Gard, à Grigny dans l’Essonne où la gestion communiste a contraint le préfet à augmenter de 50% la taxe sur le foncier bâti et de 44% la taxe d’habitation.
Une dizaine de départements français seraient aux abois par suite d’une évolution excessive de leurs dépenses (+ 8% en 2009 en moyenne contre 3% de hausse des recettes) et font appel à l’Etat.
Aux Etats Unis, le Chapitre 9 joue pour les collectivités publiques le même rôle que le chapitre 11 pour les entreprises et leur permet de se placer sous la protection de la justice pour renégocier leurs dettes, réduire les rémunérations des fonctionnaires ou modifier leurs contrats de travail. Déjà en 1994 le Comté d’Orange (Californie) s’était placé sous la protection du chapitre 9 après avoir perdu 1,6 millions de dollars sur le marché des produits financiers dérivés. Depuis, d’autres villes l’ont fait : Vallejo (Californie), Prichard (Alabama)… Aujourd’hui la note de la dette de 279 collectivités territoriales américaines a été sérieusement dégradée, dont celle de la Californie, de l’Illinois, de l’Arizona. La ville de Los Angeles est elle-même menacée d’être à découvert d’ici au 30 juin prochain et de ne plus pouvoir payer ses employés.
Au Japon, l’ancienne cité minière japonaise de Yubari, sur l’ile d’Hokkaido, a dû, en 2006, se déclarer en faillite après avoir investi excessivement et sans succès dans le tourisme pour se reconvertir. Le plan de redressement prévoit une forte réduction des effectifs du personnel municipal et la fermeture de divers établissements municipaux tels que la bibliothèque, le musée et certaines écoles. Cinq annexes de la mairie seront aussi fermées définitivement et les habitants seront mis à contribution pour un certain nombre de tâches municipales telle que la collecte des ordures ménagères. Le plan inclut aussi des augmentations des impôts fonciers, de la taxe d’habitation et de la taxe sur les eaux usées pour rembourser sa dette de 35,3 milliards de yen.
Des Etats à genoux
Les Etats aussi annoncent leur faillite. L’Argentine vit depuis 2001 avec une dette en défaut et ne parvient pas de ce fait à emprunter à des taux inférieurs à 14%. L’Islande, dont le système bancaire s’est effondré, a connu une récession de 8,5% en 2009 avec une dépréciation de la couronne islandaise de moitié face à l’euro et un niveau de vie des Islandais en baisse sensible.
La Grèce a failli basculer dans une situation argentine que seule l’Europe a permis d’éviter au nom d’une solidarité que l’histoire et le rôle initiatique d’Athènes dans la construction de l’Occident peuvent seuls justifier. Car sinon, pourquoi les Français, les Allemands et tous les autres iraient s’endetter encore un peu plus au delà de limites qui ont déjà dépassé la raison pour sauver de ses propres excès le petit soldat grec ? Car ça n’est pas le vilain capitalisme qui a mis la Grèce a genoux, mais sa propre politique de prébendes et de laxisme, de retraites à peine à plus de 50 ans, d’embauche sans compter de fonctionnaires… Les marchés ont eu le mérite d’alerter, de révéler cette situation et de crier gare.
Avant que l’Espagne ou le Portugal ne soient à leur tour inquiétés par des marchés financiers qui ne veulent plus prêter aux pays surendettés et mal gérés, l’Europe a convenu d’un nouveau plan de 500 milliards d’euros, abondé de 250 milliards supplémentaires par le FMI, pour venir au secours des maillons faibles de la zone euro. Madame Lagarde a beau dire que cet engagement n’accroît pas la dette publique car il ne s’agit que d’une garantie, celle-ci pourrait avoir à se concrétiser et contribuer alors à l’augmentation de l’endettement des Etats garants.
Retour à la lucidité ?
Mais en même temps, l’Europe a posé ses conditions et exigé de la Grèce et des autres que des mesures drastiques soient arrêtées pour enrayer le fléau. Et pour se prémunir de la contagion, l’Espagne et le Portugal ont d’ores et déjà annoncé des coupes sombres dans leurs budgets et des réductions d’effectifs et de rémunération dans la fonction publique, de la même manière qu’au Japon, après la faillite de Yubari, d’autres municipalités d’Hokkaido ont commencé à prendre des mesures radicales pour réduire leurs dépenses avant que ça ne soit trop tard.
La faillite pourrait donc avoir un effet prophylactique, du grec ancien profulaktikos : « prendre les devants pour veiller ». Elle pourrait peut-être enseigner enfin que personne ne peut vivre durablement au-dessus de ses moyens, que même les collectivités publiques ne peuvent pas dépenser éternellement en empruntant comme la France le fait depuis 30 ans. A cet égard, la crise des finances publiques est salutaire en ce sens qu’elle oblige à un certain consensus pour réagir. Les socialistes français ont du mal à dénoncer la rigueur à laquelle incite M. Strauss-Kahn. Et si le gouvernement français tient ses objectifs de réduction de 10% en 3 ans de ses dépenses de fonctionnement et d’intervention, il aura bien travaillé.
Impossible n’est pas français
Car réduire les dépenses, c’est possible, en France comme ailleurs. D’autres pays l’ont fait avant nous. Le Canada a rompu dans les années 90 avec une pratique de plus de trente ans de déficits budgétaires. Entre 1995 et 1998, sous le gouvernement de Jean Chrétien, il est passé d’un déficit de 6% à un léger excédent budgétaire grâce notamment à des réductions significatives des dépenses. La Suède a fait de même à la même époque en licenciant des dizaines de milliers de fonctionnaires et en réformant son système de retraite et de protection sociale autant qu’en atténuant la progressivité de l’impôt. A travers ces réformes, elle a retrouvé un budget excédentaire et réduit sa dette publique de 75% du PNB en 1995 à 50% à ce jour.
Le colloque organisé à l’Assemblée Nationale le 1er juin prochain par l’IREF et Contribuables Associés et auxquels sont invités tous les lecteurs de la Newsletter de l’IREF démontrera comment ces pays ont réussi cette incroyable réforme.
Impossible n’est pas davantage français que canadien ou suédois : la France peut aussi atteindre l’équilibre de ses finances, mais à condition de faire sa révolution intérieure. Elle ne connaîtra pas un retour à la croissance par l’augmentation des impôts, surtout s’ils frappent par priorité ceux qui épargnent, investissent et entreprennent. Elle ne comblera pas les pertes abyssales des régimes de retraites et de prévoyance si elle ne rend pas chacun responsable, au travers notamment de l’évolution rapide vers un régime de capitalisation des retraites et de retour à l’assurance privée de la protection sociale. Elle ne parviendra pas à baisser les charges publiques sans réduire de manière significative et durable les effectifs de la fonction publique, ce qui passe non seulement par une remise en cause du statut de la fonction publique mais aussi par une révision des frontières entre administrations et entreprises.
La crise ne nous donnerait-elle pas aussi cette chance de pouvoir tenter cette abolition de privilèges de plus en plus infondés ?
6 commentaires
R
Y-a-t’il un homme politique qui soit courageux et qui ne pense pas d’abord
gauche = droite
Vous croyez que la droite a tenu ses promesses ? l’insécurité a explosé et on minimise les délits, la liberté de pensée est controlée par la Halde, sos racisme et autres parasites…il y a encore plus de chomeurs et notre pays est ruiné !
Corbeilles Essones Mairie communiste???
Pour plus d’objectivit
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Un peu de sérieux messieurs
Pour info, il est un peu rapide de dire que les marchés sont innocents dans la débâcle grecque. Les mécanismes spéculatifs autour des CDS ont très fortement aggravé le problème. Certes, celui-ci existait déjà avant, mais la spéculation a poussé le grand blessé vers la mort. Nul ne peut par ailleurs ignorer le pari pris contre l’Euro, le 13 février dernier, par des gens aussi socialo-communistes que les gérants de hedge-funds Paulson ou Soros, et le rôle des rumeurs lancées par des journaux tel que le Financial Times, certainement pas aux ordres de Moscou.
Par ailleurs, vous ne mentionnez pas le poids des dépenses militaires dans le PIB grec, pour faire pièce à la Turquie.
Enfin, vous qualifiez les grecs de laxistes, en oubliant qu’ils figurent parmi les pays les moins endettés d’Europe concernant l’endettement privé, et que si on prend l’économie au noir, le ratio dette/PIB baisse mécaniquement.
Votre attitude revient à rendre responsables de tout les fonctionnaires et les dispositifs sociaux, ce qui est un peu court.
voleurs, exploiteurs, etc
devant autant de cynisme, il se pourrait bien que nous descendions bientôt par dizaine de milliers dans la rue comme nos voisins d’Afrique du Nord.