Il y a un peu moins d’un an, nous vous annoncions que Bruxelles préparait une nouvelle taxe sous la pression des opérateurs de télécommunications. L’idée était de ponctionner les plateformes de streaming (contribution financière équitable ou fair share) afin de financer les infrastructures de connectivité. Une taxation des Gafam qui, immanquablement, serait répercutée sur les consommateurs.
Dans notre article, nous démontions les principaux arguments des opérateurs télécoms et nous encouragions nos lecteurs à apporter leur contribution à la consultation en ligne de la Commission européenne.
Le livre blanc issu de cette consultation vient d’être publié. Il fait lui-même l’objet d’une nouvelle consultation à laquelle nous vous encourageons de nouveau à participer (jusqu’au 30 juin 2024) pour défendre les idées de liberté qui sont les nôtres. Car, sans surprise, toutes les portes restent ouvertes pour la mise en place d’une contribution financière des fournisseurs de contenus.
L’argument environnemental
Pendant ce temps, la Fédération française des Télécoms met en avant un nouvel argument : les fournisseurs de contenus ont des pratiques énergivores, il faut donc les mettre à contribution. En alimentant la croissance du trafic, les Gafam – puisque c’est d’eux qu’il s’agit – obligeraient les opérateurs télécoms à investir dans la densification des réseaux et, par conséquent, à accélérer le renouvellement des équipements.
Les opérateurs télécoms affirment que les cinq principaux acteurs d’internet – Google, Meta, Amazon, Netflix et Akamai – ont généré, en 2022, 54% du trafic français. Ils prétendent aussi que la seule lecture automatique de vidéos sur Facebook aurait augmenté le trafic de données fixes et mobiles, respectivement de 200% et 60%. En revanche, eux – les opérateurs télécoms – sont des plus vertueux, puisqu’ils ont réduit de 21% leurs émissions carbone depuis 2020.
Les opérateurs télécoms n’ont donc rien trouvé de mieux que de reprendre les arguments des écologistes pour « stopper les Gafam ». Ce n’est pas très sérieux.
L’impact écologique du streaming vidéo est négligeable
Une étude, réalisée conjointement par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) et l’Agence de la transition écologique (Ademe), montre que l’empreinte carbone du numérique en France pourrait passer de 17,2 Mt eq CO2 (million de tonnes en équivalent CO2) en 2020 à 25 Mt eq CO2 en 2030 et même à près de 50 Mt eq CO2 en 2050, mais que cela serait essentiellement dû aux terminaux et aux centres de données. Ils pourraient représenter respectivement 80% et 17% de l’empreinte carbone en 2030 et 75% et 22% en 2050. Autant dire que l’empreinte numérique du flux de données est quasiment nulle.
Sur le plan de la consommation électrique, ce sont les terminaux qui sont les plus gourmands. En 2020, ils représentaient 64% de la consommation électrique du numérique. En 2050, ils ne devraient plus en représenter que 48%. Sur la même période, la consommation électrique des centres de données devrait passer de 23% à plus de 42%. Celle des réseaux diminuerait aussi, passant de 14% à 10%.
Cette étude de l’Ademe et de l’Arcep confirme celle commandée par Netflix en 2021 qui insistait sur le fait que les appareils des utilisateurs (téléviseurs, ordinateurs de bureau ou portables, smartphones ou tablettes) dégageaient plus de la moitié des émissions de carbone dues au streaming, loin devant les centres de données.
Cette étude montrait, par ailleurs, que l’empreinte carbone moyenne d’une heure de streaming vidéo en Europe est d’environ 55 g eq CO2 (grammes en équivalent CO2). Cela correspond à peu près aux émissions que l’on dégage en portant à ébullition le contenu de trois bouilloires électriques. Elle dévoilait également que la consommation d’énergie due au streaming et à l’utilisation d’internet baisse dans le temps alors même que l’activité s’est amplifiée, notamment parce que les équipements sont de moins en moins énergivores, et parce que les acteurs achètent et utilisent davantage d’électricité renouvelable.
Les Gafam, acteurs écologiques de premier plan
Ceux-ci d’ailleurs s’efforcent, comme l’écrit Google dans son rapport environnemental 2023, de « renforcer l’impact environnemental positif » de leurs activités, en grande partie, soit-dit en passant, parce qu’ils y sont contraints par la réglementation. Et parce qu’ils subissent la pression de leurs clients.
Google explique ainsi agir avec trois objectifs : développer des produits et des technologies qui permettent à chacun d’adopter un mode de vie plus écoresponsable ; collaborer avec des partenaires et des organisations du monde entier pour promouvoir la transition vers des systèmes résilients à faible émission de carbone ; exercer son activité de façon plus durable. La firme explique, par exemple, qu’elle a désormais plus de 10 GW de capacité de production d’énergie propre grâce à plus de 80 accords signés entre 2010 et 2022, soit l’équivalent de plus de 31 millions de panneaux solaires. Comme le titrait Le Monde en janvier 2022, « Les Gafam sont leaders dans l’achat d’énergies renouvelables ».
Nous comprenons bien que les opérateurs de télécommunications puissent avoir des difficultés à financer les infrastructures de réseaux, mais peut-être existe-t-il d’autres solutions que de taxer les clients sous des prétextes fallacieux ? Par exemple, s’appuyer sur des fonds de pension qui ont des liquidités et aiment bien investir dans des infrastructures (aéroports, autoroutes, ports, etc.) qui offrent une visibilité à long terme et des revenus récurrents. Une solution qui serait sans doute plus facile à mettre en œuvre si nous avions des fonds de pension en France.
10 commentaires
Je ne vois pas en quoi la taxation de Sté états-uniennes en situation de quasi-monopole, gagnant beaucoup d’argent en Europe, et ne payant qu’une infime partie d’impôt sur les sociétés par rapport à ce qu’elles devraient payer, qu’y a t-il de scandaleux ?
Cet article n’est pas honnête en présentant une accroche comme si le consommateur allait être taxé à la place de Google par exemple… c’est trompeur et limite malhonnête…
Comme nous l’expliquions, notamment dans notre article de l’année dernière que je vous encourage à lire, si les fournisseurs de contenus sont taxée, les consommateurs seront pénalisés. Je citais les propos de Matt Brittin, président de Google pour la région EMEA (Europe Middle East & Africa) : si la taxe était mise en place, il n’y aurait d’autre choix que de faire payer les clients « soit avec le prix, soit avec des services moins bons ».
Au final, c’est toujours l’individu qui paye !
Les empreintes équivalent carbonne que vous donnez sont des empreintes administrativement calculées avec des coefficients Européens ou de l’Ademe qui considèrent que l’énergie utilisée est émettrice de CO2.
Or EN FRANCE l’énergie utilisée est l’électricité nucléaire (non émettrice de CO2) considérée en gros dans ces coefficients administratifs comme des centrales à charbon, puisque « administrativement non renouvelable »
en REALITE PHYSIQUE, EN FRANCE le numérique emmet => ZERO CO2
EN FRANCE Il ne peut donc y avoir de problème d’émission de CO2 dû au numérique !!!
a moins que votre ordinateur ne fonctionne au gaz et pas à l’éléctricité, mais si c’est le cas envoyez nous une photo !
les arguments écologiques de bruxelles sont donc encore une fois mensongers pour la france
cordialement
pépito
Vous avez sans doute en partie raison. raison.
Cela dit, les réseaux électriques européens sont tous interconnectés. Il est probable que, comme moi, vous consommiez de l’électricité allemande produite avec du charbon.
Je ne partage pas cette vision. En effet, les Gafam utilisent les réseaux sans rien payer quoique ce soit pour cet usage. Il me paraît normal que les GAFAM paie leur usage tout comme les abonnés. Ces entreprises répercuteront ou non, selon la concurrence, les contributions qui leur seront demandées. De toute façon au final c’est le consommateur qui paie, rien n’est gratuit.
Je ne comprends pas bien comment le recours aux fonds de pension n’impacterait pas le consommateur.
Si les opérateurs télécoms n’ont pas les moyens de financer les infrastructures, qu’ils les vendent à des sociétés spécialisées (détenues, par exemple, par des fonds de pension) qui sauront en tirer profit.
Ma foi, s’il s’agit de taxer les plates-formes de vidéo à la demande qui, à mes yeux, sont trop nombreuses, produisent trop de contenu de qualité médiocre, font trop de mal aux Å“uvres tierces qu’elles exploitent et propagent, en plus, par ce biais leur wokisme nauséabond, je n’ai ABSOLUMENT rien contre. Surtout dans un contexte d’inflation qui pousse les consommateurs à faire le tri dans leurs abonnements et menace certaines d’entre elles d’une faillite bien méritée : pourquoi retenir le mouvement quand on peut l’accélérer ?…
En revanche, je vous rejoins complètement sur la nécessité pour la France de disposer d’un fonds de pension. Ce ne sont pas les investissements stratégiques à faire qui manquent, dans ce pays.
Si les plateformes sont taxées, les consommateurs finiront par payer la taxe.
Il y a trop de plateformes ? Peut-être, mais laissons le marché faire le ménage.
il faut tout betement supprimer les OPÉRATEURS TÉLÉCOMS qui nous coutent cher a la base
Bon puisque le modèle économique est mis à mal par une amende pour faire respecter des engagements environnementaux, le commun des mortels n’a qu’à participer encore une fois.
Et pourquoi ne pas remettre un temps sur des forfaits au moins l’usager va payer ce qu’il consomme!
Ou alors prendre des mesures comme à la SNCF entre les voyageurs et le réseau avec les fameux péages.
La publicité ne suffit plus à financer des sociétés et des actionnaires qui ne demandent qu’à toucher plus sans se soucier de l’avenir que nous réduisons à notre descendance.
Pauvre capitaliste pour « un fauteuil pour deux »