« A Bruxelles, ils veulent nous imposer ce qu’on doit manger ! » Matteo Salvini ne décolère pas. Il a trouvé un nouvel argument de poids pour s’en prendre aux technocrates bruxellois et aux réglementations européennes : le Nutriscore.
En effet, la Commission européenne cherche depuis de nombreux mois à harmoniser les systèmes d’étiquetage alimentaire au sein des Etats membres. Et le modèle français du NutriScore, qui classe les produits selon leurs valeurs nutritionnelles sur cinq niveaux, est en bonne posture pour s’imposer. Lire la suite dans le journal l’Opinion (4/03).
Un étiquetage apposé sur les produits alimentaires en fonction de leur apport énergétique et calorique, qui, s’il s’appliquait dans certains pays comme en Italie, pourrait faire des ravages, classant le parmesan, la mozzarella ou le gorgonzola encore plus mal que le Coca light. Sacrilège.
Ah, les joies de l’étatisme à la française… Car le Nutriscore, c’est d’abord et surtout l’expression la plus tangible de la place délirante que la puissance publique a prise dans notre quotidien. Ces modèles d’étiquetages qui orientent fortement le consommateur sont le symptôme d’une société qui s’en remet une fois de plus à l’État pour lui indiquer ce qui est bon pour lui, l’expression ultime de l’État des donneurs de leçons qui nous materne au lieu de mieux nous apprendre — notamment à l’école — les subtilités de la diététique.
Si cet étiquetage part d’un bon sentiment — et la lutte contre l’obésité, notamment auprès des plus jeunes, est indispensable — l’enfer est pavé de bonnes intentions. Et faute d’assumer le subtil rôle qui devrait être le sien dans une société libérale et démocratique, l’État français s’immisce une fois de plus dans nos vies et nos caddies. Un système de notation aujourd’hui facultatif, mais demain probablement obligatoire : une mesure symbolique, qui déresponsabilise encore un peu plus les Français sous un vernis de politique de santé publique.
En plus rogner sur notre liberté d’information et de tronquer le marché, le système Nutri-score risque de pénaliser la gastronomie française. Un plateau de charcuterie-fromage serait par exemple classé en rouge par les censeurs de Nutriscore. Comme d’ailleurs un plat élaboré et bien connu — le canard au sang — servit traditionnellement au restaurant La Tour d’argent. Avec cette réglementation absurde, on condamne ainsi tout un pan de la gastronomie française. Plus encore, on risque de voir les lobbies alimentaires s’affronter et faire pression sur les décideurs pour pouvoir imposer sur le marché leurs propres produits « sains », dans une course à celui qui aura la meilleure pastille de couleur… au détriment de la qualité gustative et du patrimoine. Un risque particulièrement important, notamment pour les cantines scolaires.
Dans un régime totalitaire communiste, les apparatchiks du Parti justifiaient la pénurie d’aliments par la « crise mondiale du capitalisme » et les « sabotages » perpétrés par les « ennemis du peuple ». De toute façon, affirmaient-ils, il n’est pas très sain de manger beaucoup. Ca empêche de bien travailler et de réfléchir correctement. Les étatistes d’aujourd’hui reprennent en partie ces arguments. A leur façon, mais leurs buts sont pratiquement les mêmes.
La promesse d’une société épurée, décontaminée par un État qui nous prend complètement à charge est généralement le premier pas vers la sortie de la démocratie. Une démocratie d’autant plus menacée, qu’en reprenant cet étiquetage grossier qui condamne une bonne partie du patrimoine gastronomique européen, l’UE fait le jeu des populismes, comme on le voit en Italie.