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L’Obsession égalitaire

Erwan Le Noan

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Consultant, essayiste, chroniqueur à L’Opinion, Erwan Le Noan vient de faire paraître aux éditions Les Presses de la Cité un remarquable ouvrage : L’Obsession égalitaire, comment la lutte contre les inégalités produit l’injustice. Convoquant habilement histoire, histoire des idées et données chiffrées, celui-ci viendra ainsi s’ajouter aux très nombreux livres et articles dénonçant depuis des années les méfaits des politiques de redistribution à tout-va, qui creusent toujours un peu plus nos déficits, alourdissent une fiscalité qui n’est déjà que trop accablante, et finissent même par aggraver les maux qu’elles prétendaient atténuer. Pourquoi nous acharnons-nous alors à maintenir de telles politiques, alors que leurs échecs sont documentés par le menu depuis si longtemps ? Parce que la France souffre d’une pathologie que l’auteur nomme « l’obsession égalitaire », et qu’il juge être la principale cause des blocages qui paralysent notre société.

Qu’il s’agisse de l’extrême gauche, de l’ONG Oxfam (qui a affirmé que « les inégalités tuent »), de Thomas Piketty ou encore du pape François pour ne citer qu’eux, on entend toujours la même rengaine : les inégalités dans le monde ne cesseraient de croître. Erwan Le Noan tord le cou à cette idée reçue. Notre société est incomparablement plus riche et même moins inégalitaire que celle du XIXe siècle. De plus, les inégalités entre pays riches et pays pauvres se sont non pas creusées mais resserrées. L’extrême pauvreté dans le monde est en net recul depuis trente ans : alors que la population mondiale a augmenté de presque  » milliards de personnes au cours de cette période, 128 000 personnes sont sorties quotidiennement de l’extrême pauvreté entre 1990 et 2015 (p. 66). Et depuis le début des années 2000, le PIB par tête a augmenté plus rapidement dans les pays les plus pauvres que dans les pays les plus riches (p. 77). Tout cela non pas grâce à l’interventionnisme étatique, qui règlemente, taxe et redistribue, mais grâce au capitalisme libéral et mondialisé. L’auteur consacre d’ailleurs toute une partie du livre à montrer, statistiques à l’appui, que « l’économie de marché, inscrite dans le modèle démocratique, a été dans l’histoire le meilleur instrument de lutte contre les inégalités » (p. 27). Le capitalisme est en réalité, pour reprendre le titre de l’un des chapitres de l’ouvrage, « le meilleur allié de l’égalité ».  C’est donc le constat de ce décalage entre la réalité et le discours ambiant qui est à la base du livre d’Erwan Le Noan.

Or non seulement les politiques étatiques mises en place du fait de notre obsession égalitaire se révèlent inefficaces et même contreproductives, elles nuisent encore au principe de liberté individuelle, qui est pourtant, ou devrait être, à la base même du fonctionnement de nos démocraties modernes. Elles portent également atteinte à un autre de ses fondements : le respect des droits de propriété (p. 124). Sans souscrire au propos de l’anarcho-capitaliste Murray Rothbard selon lequel « l’impôt, c’est le vol », Erwan Le Noan souligne les méfaits et les injustices d’une fiscalité excessive et confiscatoire. « L’extension de la fiscalité, écrit-il avec raison, marque (…), de fait, un recul du droit de propriété et, par suite, de la liberté » (p. 131). Les gouvernements devraient se faire un devoir d’abaisser les dépenses publiques et le niveau de prélèvements obligatoires, ne serait-ce que par respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui consacre à l’article 2 « les droits naturels et imprescriptibles de l’homme » que sont « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».

Qui plus est, ajoute l’auteur, l’inégalité n’est pas nécessairement mauvaise en tant que telle. L’égalité devant la loi est évidemment un principe absolu, mais l’inégalité économique ne devrait pas être combattue comme elle l’est par les pouvoirs publics. Le marché, la libre concurrence entre individus, l’initiative privée agissent ici bien plus efficacement que l’État. C’est, nous dit l’auteur, « la disparité des situations de départ qui peut contribuer à susciter l’envie de dépasser des conditions insatisfaisantes » (p. 262).

La lecture de L’Obsession égalitaire nous montre clairement comment les dirigeants français, et plus largement européens, font doublement fausse route en voulant lutter contre le faux problème de l’inégalité. D’abord, parce que, nous l’avons dit, leurs politiques interventionnistes exacerbent plus qu’elles n’apaisent le mal ; ensuite parce que leur cible devrait être non pas les inégalités mais les injustices (p. 26). Erwan Le Noan a raison : est-il normal que dans notre pays plus de la moitié des ménages ne payent pas l’impôt sur le revenu ? Est-il normal que ce même impôt sur le revenu soit très largement supporté par les classes moyennes supérieures ? De plus, il faut que cesse la folie ultragauchiste de vouloir saigner fiscalement les très riches qui, comme le dit très justement l’auteur, « ne sont pas des voleurs mais des innovateurs » (p. 271). Il est tout à fait contraire aux principes d’une démocratie libérale bien-portante de vouloir extorquer le fruit des efforts de créativité et de travail consentis par ces inventeurs, efforts qui finissent d’ailleurs bien souvent par bénéficier très largement au reste de la société ! Autre injustice que dénonce Erwan Le Noan avec raison : les barrières à l’entrée de certains secteurs excessivement protégés, qui, en voulant réguler la concurrence, nuisent à l’intérêt du consommateur. Plus de concurrence, c’est en effet aussi moins d’injustice (p. 323).

Pour toutes ces raisons, et à l’heure du retour d’un certain discours idéologique antilibéral dans notre pays, le dernier livre d’Erwan Le Noan est une lecture de salubrité intellectuelle qui ne saurait être plus à propos.

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