C’est avec talent que Lisa Weeda balaye le mythe du Palais du Peuple en le remplaçant par celui de ses ancêtres cosaques morts pour le tsar et de leurs descendants. Ce récit à la fois historique et familial est séduisant. Sous une apparence fantasmagorique pleine de poésie slave, Lisa Weeda révèle les incessantes tragédies des Krasnov intimément liées à leur terre ukrainienne, dorénavant baptisée république populaire de Lougansk. Le but de Lisa : déposer sur la tombe de son jeune cousin Kolya, à la demande de sa grand-mère, une broderie aux couleurs de sa patrie. A défaut de pouvoir passer la frontière entre l’Ukraine et cette république revendiquée par les Russes, Lisa remonte le temps à travers un palais imaginaire fort ressemblant à celui programmé, mais jamais réalisé, de Staline.
Là son arrière-grand-père Nikolaï lui raconte les souffrances endurées par ses ancêtres, que ce soit les épurations soviétiques ou les déportations nazies. On assiste aux déchirures familiales, aux séparations imposées, aux apparitions du cerf à la flèche d’or, augure d’une mort inévitable, aux divergence des choix politiques familiaux. Car certains optent pour la soumission, d’autres pour la résistance. A force de pointer son doigt vers l’Ouest , Staline a laissé entrer la liberté. Quand Lisa se réveille de son rêve au milieu d’un champ de mines, seule lui reste dans les mains la broderie de son aïeule. Les armes pour la paix ne seraient-elles que le fil et l’aiguille, les seuls capables de recoudre les cœurs et chanter leur patrie en secret ? Livre d’où émane, malgré les cruautés humaines, une certaine douceur due à la beauté du style de Lisa Weeda.