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Evelyne Joslain : La guerre culturelle

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Evelyne Joslain est une spécialiste de l’Amérique qui a déjà écrit plusieurs ouvrages consacrés aux think tanks américains, à Obama ou bien à Trump. Dans cet essai, elle analyse plus d’un siècle d’histoire politique, sociale et culturelle américaine et aussi la manière dont les idéologies ont façonné le monde depuis le marxisme jusqu’au wokisme. Les idées fusent et les exemples sont nombreux. Son livre est riche et extrêmement utile pour comprendre l’Amérique et l’Europe. Voici quelques extraits.

« La guerre culturelle est un phénomène exclusivement occidental. Dans toutes nos démocraties, une partie de la société, longtemps marginale, aujourd’hui apparemment dominante, est engagée dans un processus implacable de remise en cause de son héritage caucasien, gréco-romain, judéo-chrétien et même désormais de sa nature biologique. Presque tout est en germe dans la philosophie et les mythes grecs. Les métamorphoses d’Ovide se retrouvent au centre de l’actualité avec le transsexualisme et le transhumanisme. Un bref passage en revue des courants successifs de la pensée grecque qui ont pétri notre culture montre que la dialectique droite/gauche n’est pas née ex nihilo lors de la Révolution française, mais existe depuis la nuit des temps. L’Assemblée Constituante de 1789 n’a fait que cataloguer politiquement les deux courants et leur assigner une place commode pour les situer dans l’agora. Si l’histoire du conservatisme remonte aux textes sacrés, l’histoire de la gauche, elle, montre la tentation constante de la transgression qui s’appuie sur la négation du sacré. Andrew Breitbart nota le premier cette vérité qui semble universelle concernant la guerre culturelle actuelle, « que la politique découle de la culture».

La Guerre Culturelle et Lionnel Trilling, l’intellectuel de gauche type

La révolution sexuelle, théorisée par Marcuse, enclenchée par Kinsey, cautionnée indirectement par Trilling, vécue par les beatniks, introduite dans les universités américaines et européennes par Ginsberg, a définitivement changé la vie des occidentaux à leur insu. Dans les universités, les départements de littérature se mirent au diapason, inscrivant aux programmes les œuvres d’auteurs jusque-là interdits comme D.H. Lawrence ou James Joyce; les professeurs insistant avec délectation sur l’homosexualité des auteurs étudiés. Le cinéma déchira carrément le Code Hayes au lieu de simplement l’amender, et tous les autres codes moraux non écrits, puis commença à remplacer dans les films les héros par les antihéros. Les pornocrates professionnels s’engouffrèrent dans le sillage de Hugh Hefner pour produire une industrie pornographique. Le féminisme militant apparut alors, pour ne plus quitter la scène. Les gauchistes, vaincus politiquement par la campagne McCarthyste, virent l’occasion de prendre leur revanche sur l’Amérique profonde. La contre-culture née du mouvement beat remplaçait la lutte des classes marxiste mise à mal par la prospérité apportée par le capitalisme: on faisait du Gramsci sans le savoir. Jusqu’alors, les deux piliers respectables de la social-démocratie issue du New Deal étaient la politique en faveur du «petit» et, à l’extérieur, la protection militaire des alliés contre les agresseurs communistes. Tout cela allait basculer dans les années 60 avec les avancées stupéfiantes du marxisme culturel, l’ennemi de l’intérieur, mais avant d’aborder cette décennie, rappelons trois événements qui font aussi partie de la Guerre Culturelle. En 1947, Truman réalisa le vieux rêve de Wilson avec la création de l’Organisation des Nations Unies (ONU), qui adopte en 1948 la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, héritage des (mauvaises) Lumières, celles qui ont donné naissance à diverses religions athées. Ainsi, le « droit de l’hommisme»

représenté par l’ONU naît d’une interprétation abusive, absolutiste, des droits proclamés. Si on peut y voir une réaction compréhensible après les horreurs nazies, cette voie n’est pas moins indigne de juristes clairvoyants, travaillant pour le long terme, car la Déclaration semble exprimer les émotions des rédacteurs et non la froide raison. Ainsi, l’utopie socialiste avait désormais une tribune mondiale qui s’avéra vite être l’embryon à la fois du mondialisme et du tiers-mondisme. Le droit de l’hommisme tiers-mondiste, c’est l’État providence à échelle mondiale, un Tonneau des Danaïdes qui n’enrichit que des élites locales corrompues, sans jamais parvenir à faire sortir les peuples du sous-développement. En 1952, en Europe, des technocrates s’affairaient à créer un marché commun visant à empêcher les conflits futurs par la pratique du doux commerce entre les anciens ennemis. Qui pourrait s’opposer à une si noble idée? En réalité, les pères fondateurs de ce projet avaient un tout autre but qu’une simple union douanière. Ils voulaient créer une entité politique en fondant les nations européennes souveraines dans un même bloc, non pas une Europe des nations, mais une Europe Fédérale capable à terme de rivaliser avec les États-Unis. Jean Monnet, négociant en cognac devenu banquier, abrité aux États-Unis puis en Algérie pendant la guerre, avait tissé un réseau d’amitiés utiles parmi les fameux «experts» (le brain trust) de l’Administration Roosevelt ainsi que des amitiés moscovites. Les archives comportent des propos d’un cynisme extraordinaire que l’on a confortablement oubliés au cours de la « construction» européenne: «Nous devons guider les nations européennes vers le Super-Etat, mais sans que les gens puissent comprendre et s’en rendre compte, par petits pas successifs, chacun pas déguisé en objectif économique, mais menant de façon irréversible à la fédération.» Ainsi, à l’insu des peuples, se bâtit une Union Européenne mondialiste et socialiste dans son essence.

En 1955, refusant l’alignement avec l’une ou l’autre puissance engagée dans la Guerre Froide, 29 pays d’Afrique et d’Asie se réunissent à la Conférence de Bandung, à Java, en Indonésie. En 1952, le sociologue français Alfred Sauvy avait inventé la notion et l’expression de Tiers-Monde pour désigner les pays pauvres ou émergents. Sauvy les comparait au tiers état de notre Ancien Régime, écartés des privilèges économiques et, de surcroît, victimes de ségrégation raciale. Aussi, les «pays riches» avaient-il «le devoir moral» d’expurger leur coupable passé en apportant à ces pays des aides internationales. Mais, à part l’Amérique, qui était «riche» sept années seulement après les dévastations de la guerre mondiale? Toujours est-il que l’esprit tiers-mondiste était né et allait pervertir presque toutes les institutions internationales. À Java, célèbre pour ses typhons monstrueux, se préparait le typhon de la décolonisation (une bonne chose en soi), mais doublée d’une aide perpétuelle à exiger des ex-colonisateurs ou apparentés, donc du monde occidental exclusivement. Ce fut le début des « aides au développement», soit la redistribution marxiste à l’échelle internationale (État-providence mondial) et la première phase de l’importance politique du facteur racial. Dès lors se profilaient les concepts de processus de réconciliation et d’éventuelles réparations. Non pas à la demande des ex-colonisés, mais du fait des groupes occidentaux marxistes qui inventèrent dans la foulée de Bandung la notion de « culpabilité blanche» que tout Occidental décent allait devoir éprouver et expier. C’est de ce substrat et dans ce contexte que naît La Nouvelle Gauche en 1962.

Obama et la «Transformation en Profondeur de l’Amérique »

C’est avec BHO que le wokisme dont tout le monde parle désormais est devenu ce qui définit désormais la gauche occidentale transnationale. Barack Obama marque une avancée capitale dans l’histoire de la guerre culturelle. Son intérêt ne réside pas en l’homme lui-même, plutôt ennuyeux (dépendant des téléprompteurs pour les discours politiques) et véritablement doué seulement comme harangueur des foules. Là, sa voix rauque, sa passion authentique et sa colère permanente à peine contenue font merveille. C’est un populiste pur qui peut passer pour un intellectuel par le mélange inhabituel de sa formation universitaire et de son expérience « d’organisateur de communauté», trouvaille d’Alynski pour « agitateur social». La volonté des «progressistes» de destruction de l’Amérique et de notre civilisation coïncidait avec ses vœux intimes les plus chers. Infatué de sa personne, narcissiste, voire nombriliste, ramenant tout à lui-même, le slogan «le politique est personnel» semblait avoir été inventé pour BHO. Incapable de se hisser au-dessus de ses obsessions, il n’a jamais montré aucune empathie, sauf pour son cercle de proches. Il méprise l’Amérique profonde, la civilisation judéo-chrétienne et, d’instinct, tous ceux qui sont différents de lui ou qui ne succombent pas au charisme puissant que lui prêtent ses adorateurs. Car s’est établi en Occident un culte pour Obama qui n’a jamais faibli. Son importance tient exclusivement au tour décisif et à la formidable avance qu’il a donnés à son camp dans la guerre culturelle, partout, dans toutes les nations occidentales autant qu’aux États-Unis. Deux jours avant l’élection, grisé par l’Obamania (la folie collective qu’il suscitait, d’une ampleur jamais vue, nationale et internationale) et sûr de l’emporter face au RINO McCain qui avait fait une campagne minable, Obama lança publiquement ces propos: «Nous sommes à deux jours d’une transformation fondamentale de l’Amérique!» Cela confirmait ce qu’il avait confié peu auparavant en petit comité: «Au moment de devenir président, je mets ma haine (pour ce pays) de côté. Tout mon pouvoir sera utilisé à forcer cette nation à des bouleversements fondamentaux ».

Si ce n’était pas là une déclaration de guerre à son pays, qu’était-ce d’autre? Quand on aime son pays, on n’a pas envie de le changer en profondeur. Obama indiquait clairement qu’il était engagé dans la Guerre Culturelle et dans le camp anti-occidental, bien décidé à appliquer les règles radicales d’Alinsky. Les «élites» blanches (WASPs décadents) l’avaient élu par sentiment de culpabilité inculqué par des décennies d’assauts culturels et d’intimidation. La plupart de ses électeurs, de base, «blancs, bruns ou noirs», avaient cru bien faire, ne sachant pas grand-chose et ne voulant de toute façon rien savoir. Obama, c’était le guerrier culturel de gauche par excellence, «celui qu’on attendait» comme il disait de lui-même, au point que certains voyaient en lui un «messie noir» et invoquaient, sans rire, son « aura divine»

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