Louis Antoine de Bougainville homme de la mer, juriste, mathématicien et mousquetaire de Louis XV resta toujours fidèle à son roi aux heures sombres comme aux heures de gloire. Pour ses travaux sur le « calcul intégral », il est admis à la Société Royale de Londres, sans s’empêcher de s’embarquer avec le général Montcalm pour le Canada convoité par les Anglais. Il se bat aux côtés des Iroquois, gagne la bataille de Chouagen, mais s’interpose devant la cruauté des Amérindiens vis-à-vis des Anglais vaincus. On retrouve en ce gentilhomme l’esprit des Lumières où la justice est la première qualité revendiquée par « l’Honnête Homme » sans qu’il s’illusionne du mythe du » bon sauvage ». Quand un vent favorable tourne pour les Anglais et que la France se voit obliger de leur laisser le Québec, Bougainville repense au » Voyage autour du monde » d’ Anson qui vantait les Malouines dont les richesses seraient bien utiles pour renflouer les caisses du Royaume. Après avoir pris, non sans mal, possession de ces terres, il s’incline pourtant devant l’ordre de Louis XV de les concéder aux Espagnols au nom de la bonne entente avec les Bourbons d’Espagne. Bougainville se retourne alors vers les hautes altitudes australes pour fonder la nouvelle Cythère, l’actuelle Tahiti, dont les belles fleurs violettes gardent toujours son nom .
Cette minutieuse biographie de Dominique Le Brun est entrecoupée du courrier authentique de Bougainville et accompagnée d’un précieux témoignage du médecin et naturaliste Philibert Commerçon. Accusé, sans doute à tort, de défaillance militaire lors du combat des Saintes, notre chef d’escadre se retire avant d’être rappelé pour mettre fin à l’insurrection de Brest. La Terreur révolutionnaire le menace, l’emprisonne à Coutances, avant de le libérer pour le nommer membre de l’Ecole Normale supérieure, la Révolution redécouvrant l’importance de la science après avoir éliminé tous les corps savants. Les honneurs lui reviennent enfin. Napoléon le fait comte d’Empire. Au procès du contre-amiral Dumanoir, responsable de la défaite de Trafalgar, il prononce spontanément les mots qu’il aurait voulu entendre lorsque lui-même était jugé. Pas étonnant que Dominique Le Brun, journaliste, écrivain de la Marine, navigateur breton, se soit passionné pour cet aristocrate, dont la vie justifia son désir de mettre « la satisfaction d’être utile au-dessus de l’honneur d’être admiré ».