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Energies renouvelables : le modèle allemand à bout de souffle

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Le sommet sur le climat, qui a eu lieu la semaine au siège des Nations Unies à New York, ravive le débat sur le changement climatique, et aussi les peurs qui en découlent. « Changer de modèle » de production et de consommation énergétique, voilà le mot d’ordre. Le défi est de savoir comment. A ce titre, l’Allemagne est un bon exemple, puisqu’elle a fait le choix de développer les énergies renouvelables dans son mix énergétique. Dans quelle mesure cette stratégie est-elle payante ?

Par rapport à 1990, l’Allemagne a diminué ses émissions de gaz à effet de serre de 25 %,. C’est bien mieux que la France, qui les a réduites de 10 % sur la même période, alors que la part des énergies renouvelables dans la consommation finale brute est à peu près équivalente.

Mais il serait trop simpliste de mesurer l’efficacité de la politique énergétique par ce seul critère, car une autre tendance, plus inquiétante se dessine. D’une part, l’émergence du photovoltaïque et de l’éolien repose en grande partie sur la volonté de l’Etat allemand de favoriser ces énergies, ce qui a un coût non négligeable pour le consommateur. D’autre part, l’Allemagne est l’un des rares pays à avoir, depuis quelques années, augmenté sa consommation de charbon, dont l’impact sur l’environnement est l’un des plus nocifs parmi les énergies fossiles. Le charbon compte aujourd’hui pour 45 % de la production allemande d’électricité. Et sa consommation de lignite, anthracite et houille, tous des charbons très concentrés en carbone, représente 42, 35 et 54 % respectivement de la consommation intérieure brute de l’Union européenne.

La politique énergétique de l’Allemagne est donc en pleine contradiction, notamment avec les objectifs de baisse des émissions de gaz à effet de serre définis par l’Union européenne. Il y a principalement deux variables qui font pression à la baisse des émissions de gaz à effet de serre. La première est bien évidemment la politique énergétique. La seconde dépend de l’état du marché des énergies fossiles : si les prix sont à la baisse, il y aura moins d’incitations pour les entreprises innovantes à trouver des énergies substituables. L’effet est renforcé quand un nouvel acteur sur le marché fait augmenter les volumes ; c’est le cas notamment des Etats-Unis depuis quelques années avec l’exploitation de nouveaux gisements de gaz et huile de schistes.

Par ailleurs, le modèle allemand s’essouffle. L’un des plus gros chantiers d’éolien en mer (Bard 1) ne sera pas fonctionnel avant des années tant les problèmes techniques sont nombreux. Pour le moment, les autorités font tourner les turbines au fioul pour éviter l’usure causée par l’eau de mer ! Certains investisseurs commencent à jeter l’éponge. Dans un récent sondage de la Chambre de commerce américaine, les entrepreneurs américains trouvent l’Allemagne moins attractive, à cause de ces choix en matière de politique énergétique. C’est le cas aussi de certaines entreprises allemandes, qui préfèrent investir à l’étranger. Tout cela à un coût, notamment en termes d’emplois et de croissance. Alors que l’Allemagne est le moteur économique de l’Europe, elle devra peut-être revoir certains de ses objectifs si elle ne veut pas pénaliser toute l’Europe.

L’augmentation rapide des énergies renouvelables n’a profité ni à l’industrie, ni aux ménages. Dans les deux cas, le coût de l’énergie est bien plus élevé en Allemagne qu’en France, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis. La situation est d’autant plus contrastée avec ces derniers, qui, grâce à l’exploitation des gaz et huile de schistes ont vu les prix de l’énergie diminuer sensiblement pour les ménages et les entreprises. Cela montre d’abord l’importance des choix politiques en matière d’énergie. C’est particulièrement le cas dans le secteur industriel.

Alors que les entreprises américaines sont de plus en plus compétitives, y compris vis-à-vis de leurs concurrents chinois, les entreprises allemandes voient leur facture d’électricité s’accroitre. Cette situation est préoccupante, car l’industrie lourde, comme la chimie, est touchée de plein fouet par la hausse des prix. Et ce ne sont pas seulement les grands groupes qui s’inquiètenet ; les PME se disent de plus en plus préoccupée par le coût de l’énergie, qui pourrait avoir des effets délétères sur leurs exportations.

Ensuite, si les prix des hydrocarbures stagnent à cause du développement des gaz et huile non conventionnels aux Etats-Unis, il sera plus difficile pour l’Allemagne d’avoir un secteur des renouvelables compétitif. Une partie de la réussite allemande reposait sur le fait que le prix des énergies fossiles allait exploser. Si l’exploitation des gaz de schiste repousse cette perspective de 20 ou 30 ans, il sera compliquer de faire un virage à 180 degrés.

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7 commentaires

François Gibert 29 septembre 2014 - 4:43

Le changement climatique "oublié"????
En résume les allemands font mieux que nous mais vont dans le mur
Vive le gaz de chiste qui fait baisser le prix de l'énergie . Que ceci provoque directement une augmentation de gaz a effet de serre est "oublié".
Au fait l'analyse du changement climatique ???

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J.P.Riou 29 septembre 2014 - 8:33

20 milliards d'euros partis en fumée
Bravo pour votre excellent article!
Votre analyse est d'autant plus pertinente que les chiffres de la Commission européenne
( http://ec.europa.eu/energy/publications/doc/statistics/ext_co2_emissions_by_sector.pdf )

indiquent que la réduction des émissions allemandes depuis 1990 (de 1000millions de tonnes en 1990 à 760MtCO2) concernent tous les secteurs SAUF celui de production d'électricité, dans lequel aucune amélioration n'a été obtenue.
Si les plus de 20 milliards d'euros annuels de surcoût des énergies renouvelables pénalisent la compétitivité allemande, ils ne peuvent même pas se prévaloir d'un quelconque résultat mesurable sur les émissions de CO2.
J.P.Riou.

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Jacques de Guenin 29 septembre 2014 - 9:22

Quid de l'abandon du nucléaire?
Je suis surpris que cet article ne dise pas un mot des causes des problèmes énergétiques actuels de l'Allemagne: l'abandon du nucléaire!

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Lucas Léger 29 septembre 2014 - 11:01

Quelques éléments de réponse à vos commentaires
Messieurs,

Merci pour vos commentaires, dont je me permets d'y répondre dans ce message général.

Concernant le changement climatique, il n'a pas été oublié. L'objet de l'article n'est pas de revenir sur le changement climatique, mais sur les conséquences des choix énergétiques de l'Allemagne. D'abord, l'Allemagne ne produit pas de gaz ou huile non conventionnel, mais cette nouvelle production américaine a un impact direct sur la compétitivité allemande, qui a fait le choix de renoncer au nucléaire (comme le rappelle très bien M. de Guenin ci-dessus) et de favoriser les énergies renouvelables. Ensuite, si jusqu'ici, l'Allemagne fait mieux que nous, sa production et consommation de charbon repart à la hausse (à des niveaux même supérieurs d'avant la crise de 2008). Cette situation est préoccupante si l'on est attaché à cette question du changement climatique. Par ailleurs, et c'est avant tout l'objet de l'article, nous souhaitions ici faire ressortir le point de vue de l'économiste, et non celui du climatologue.

Concernant le nucléaire, il est tout à fait vrai que son abandon est l'une des causes des problèmes énergétiques allemands. Il s'agissait de revenir sur les conséquence de ces choix, plutôt que sur les causes. J'espère que vous comprendrez ce parti pris.

Enfin, merci pour ces chiffres très pertinents !

Cordialement,
Lucas Léger

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Astérix 30 septembre 2014 - 1:15

Il faudra bientôt pédaler pour avoir de l'électricité !
Comme l'avait très justement prévu VGE, l'éolien est une absurdité totale.

Croyez-vous que nous allons pouvoir substituer toutes ces énergies nouvelles au nucléaire ?

Il faut être innocent ou socialiste.

Je ne comprendrais jamais l'attitude des Allemands, peuple pragmatique, qui veulent supprimer l'énergie nucléaire…??

A ce jour, ils ont surtout relancé le charbon…???

Quant aux problèmes de pollution, croyez-vous que des Pays comme la Chine, l'Inde, les USA s'en préoccupent ? ce sont pourtant les plus gros pollueurs.

Le monde marche sur la tête.

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Gamike 21 octobre 2014 - 10:11

Autre choix énergétique
Parmi les choix possibles, il existe aussi le thorium, matériau fissile abondant, présentant entre autres avantages celui de brûler sans déchet et d'avoir la capacité de détruire ceux des centrales à l'uranium.
Ou en sont les recherches sur cette filière ? Et recherche-t-on vraiment ? Ou sont les blocages ? techniques ? politiques ?
Merci pour l'éclairage que vous pourriez m’apporter sur cette question.

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MQT 15 novembre 2014 - 12:01

Sens de l'info
Bravo M. LEGER d'avoir recentré le débat sur son but initial: les conséquences de l'abandon du nucléaire et non ses causes (et leur pertinence).
Par ailleurs, quel sera le coût réel du nucléaire quand il faudra inclure le coût du démantèlement ?

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