Considérée comme remède miracle et instrument de relance, la baisse des taux d’intérêt est en réalité nocive à la croissance, et ne débouche que sur l’inflation. Cette découverte de l’économie autrichienne est opportunément rappelée par le jeune économiste Adrien Foulon, chercheur à l’IREF
Si l’unification monétaire intervenue par la mise en place d’un monopole d’émission (confié à la BCE) était une chose aberrante pour beaucoup d’économistes compétents, l’objectif de stabilité des prix a été relativement atteint durant ses premières années d’existence. On pensait que la volonté d’éviter toute expansion de crédit trop importante pouvait durer. Mais c’était sans compter sur les circonstances exceptionnelles (bien que parfaitement prévisibles !) qu’a constitué la crise. La BCE, en réponse à l’inquiétude des marchés, a emboité le pas à la FED : politique de taux bas, proches de 0% de nominal donc négatifs en termes réels. Cette politique devait permettre aux banques de second rang de se servir en liquidités gratuites auprès des banques centrales, et par là-même de créer une inondation de crédit. Certes les non-économistes peuvent intuitivement penser que le crédit bon marché stimule la croissance en accroissant la demande globale (les ménages prennent des crédits pour consommer et les entreprises s’endettent pour investir), mais les économistes compétents quant à eux savent depuis longtemps les dangers de telles manipulations.
Le taux d’intérêt est un prix
Lorsque les banques centrales fixent un taux d’intérêt directeur, elles manipulent le prix du temps par rapport à celui qui aurait prévalu (taux naturel) sur un marché libre. Ce taux aurait correspondu aux réelles préférences temporelles des individus. Le taux d’intérêt est essentiel car il permet l’arbitrage entre la réalisation des biens de consommation et des biens de production. Quand les gens épargnent beaucoup (l’épargne étant définie comme la renonciation à une consommation présente pour une consommation future), l’abondance d’épargne fait mécaniquement baisser le taux d’intérêt, les entrepreneurs sont alors incités à emprunter pour acheter des biens de production permettant de satisfaire cette consommation future. Von Strigl a d’ailleurs bien détaillé l’allongement des cycles de production du fait de l’abondance d’épargne sur le marché. A l’inverse, lorsque l’épargne est faible, le coût de la dette est élevé et les entrepreneurs sont peu incités à emprunter (sauf si la rentabilité économique de leur projet se situe toujours au dessus du coût de financement) et utilisent toutes leurs ressources pour réaliser des biens de consommation destinés à être vendus rapidement. Le taux d’intérêt permet donc de synchroniser la structure de production aux préférences des individus. Le taux d’intérêt est donc un prix qui, comme tout prix, est porteur d’information et d’incitation pour les agents économiques.
La crise américaine est l’exemple parfait de ce que peuvent provoquer des taux d’intérêt bas. Ceux-ci ont autorisé un développement considérable de l’immobilier et de tous les secteurs connexes (construction,…), alors que les conditions naturelles de marché n’indiquaient rien de tel. Sans revenir sur l’analyse détaillée de la crise américaine nous rappelons simplement qu’avec des taux d’intérêt réels de 7% (ce qui semble être le taux naturel sur le long terme) et des banques réellement capitalistes, beaucoup de familles n’auraient pas eu la possibilité de s’endetter et par la même de créer une bulle dont elles sont aujourd’hui victimes. Le mécanisme de création monétaire est au centre le la théorie autrichienne du cycle qui explique les phases de boom et de bust par des manipulations monétaires qui ne pourraient voir le jour sans le nuisible monopôle légal des monnaies émises par les banques centrales (une chose dont on croit qu’on ne pourrait pas se passer mais qui constitue en réalité une création assez récente à l’échelle de l’histoire puisqu’elles se sont toutes créées ou tout du moins développées au XXème siècle).
Les taux d’intérêt constituent un prix comme un autre et toute manipulation de ce prix (par les banques centrales) ne peut qu’altérer le bon fonctionnement du marché. Le boom et l’euphorie générale qu’il génère ne sont que les produits d’une politique d’expansion de crédit, et ne peuvent, en tant que tels, échapper à une phase d’ajustement (la crise).
« On ne peut pas gonfler un pneu crevé »
Mais au-delà de la synchronisation cruciale que jouent les taux d’intérêt, il faut comprendre qu’ils constituent, quand ils sont artificiellement bas (et la fiscalité aggrave encore la situation en taxant les intérêts), une désincitation à l’épargne. En effet, conformément au mécanisme de l’offre et de la demande, une baisse de prix entraine une baisse de l’offre. A mesure que le prix de l’épargne (le taux d’intérêt donc) diminue, les gens sont moins incités à épargner. La renonciation à la consommation présente n’est pas assez rémunérée par rapport aux préférences personnelles des agents.
Les économistes autrichiens tels que Mises et Hayek ont considérablement travaillé sur le rôle essentiel du capital dans l’économie. Leurs travaux, loin de considérer que l’épargne est une « fuite du circuit », concluent que l’épargne est essentielle car elle permet de stimuler l’investissement et la formation de capital, donc la productivité, donc la croissance et la prospérité. En effet, si personne n’avait jamais épargné, nous ne disposerions ni de routes, ni de machines. Quelqu’un qui consomme toute sa production ne peut accumuler les ressources nécessaires à l’amélioration de la productivité. On en revient à ce que disait Böhm Bawerk sur les « détours de production ». Les détours de production qui permettent de produire in fine d’une façon bien plus efficace, sont favorisés par l’épargne. Prenons l’exemple rappelé par Pascal Salin. Robinson habite une île déserte. Celle-ci est dotée de fruits qu’il faut cueillir, de poissons qu’il faut pêcher, et même d’eau coulant d’une petite source. La source est située à quelques kilomètres de la maison de Robinson. Robinson sait que s’il veut améliorer son quotidien, il pourrait couper des branches de bambou et créer une canalisation. Mais pour ce faire, il faudrait qu’il affecte une partie de son temps à ce projet et renonce par conséquent à des satisfactions présentes (réduction du nombre d’heures de repos, réduction des activités de pêche et de cueillette avec les plaisirs gustatifs qui vont avec…) et tout cela pour bénéficier des rendements futurs que lui apportera sa canalisation (gain de temps au quotidien). Il s’agit donc d’épargne au sens où nous l’avons définie plus haut, la renonciation à une consommation présente pour une satisfaction future. Cette amélioration de la production, le recours à ce détour, n’est autorisé que par l’épargne. On voit donc que l’épargne est la condition du progrès économique, et non son ennemi.
Dès lors, réduire artificiellement les taux d’intérêt ne peut que constituer une entrave à la croissance et au développement économique en général.
Hayek disait que recourir à la création monétaire en période de crise revient à brûler ses meubles pour se chauffer. Les politiques monétaires actuellement menées ne font qu’élargir le fossé entre ce qu’exige le marché (un ajustement structurel douloureux à court terme, mais qui rétablit les conditions nécessaires d’une croissance saine) et la situation de fait. Ce fossé ne saurait se creuser à l’infini. Ce que font nos banquiers centraux, c’est de nous préparer une nouvelle crise qui ne sera que plus profonde que celle que nous vivons, avec à la clé l’effondrement complet de la monnaie. Une solution court termiste, conforme au marché politique, qui est intrinsèquement à courte vue. Une rustine en quelque sorte. Mais comme le disait Alfred Sauvy, on ne peut gonfler éternellement un pneu crevé. Les taux d’intérêts bas ne peuvent pas favoriser le développement économique
2 commentaires
l’immoralit
si l’
crise des subprimes US
C’est l’injonction de G.W. Bush d’avoir