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Conférence de presse de Macron: pourquoi l’effet ‘‘whaouh’’ a fait pschitt

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Le roi a enfin parlé. Tout un peuple retenait son souffle, les journalistes sur le qui-vive, en attendant les grandes annonces. Allait-il sauver enfin la France avec des mesures choc ou subirait-il le sort de Bérenger Ier qui, dans la pièce d’Ionesco,Le roi se meurt, se résigne à ne pas comprendre le réel et accepte finalement son sort et son impuissance? Macron ressemble à ce personnage finalement sympathique mais peu fait pour être roi.

Certes il y a eu du suspense, des fuites, des commentaires bien avant, un peu avant, juste avant l’intervention, une mise en scène pour la conférence de presse. On dit que le monarque a un peu rectifié le tir qu’il avait initialement mis au point. A-t-il mieux cartonné? On peut en douter.

On a eu droit d’abord aux mêmes formules creuses tant aimées de tous nos politiques. Il y aura une «mobilisation générale pour le travail» (on en a eu tellement dans le passé…), il faudra un «pacte productif» (ça ne se décrète pas)! Et que veut dire « patriotisme inclusif » ??

Il est nécessaire de «mettre l’humain au cœur du projet» (ce qui est la moindre des choses) et il faut de la profondeur partout: Macron a prononcé 24 fois les mots «profond» et «profondément» . Il a même doté la boîte à outils présidentielle d’un nouvel et curieux outil, le «levier profond», qu’il livre malheureusement sans mode d’emploi. Ses propositions sont-elles «profondes»? Elles nous paraissent plutôt, pour la plupart, incohérentes.
C’est très bien de «supprimer nombre d’organismes inutiles» (lesquels?) mais ce n’est pas ce qui va faire baisser significativement les dépenses publiques. Et pourquoi proposer «en même temps» une «réforme» du CESE, au lieu de le supprimer, avec des membres tirés au sort (sic) et la création d’autres organismes comme une Agence de réflexion sur le climat ou un Conseil de défense écologique, ou encore une Assemblée citoyenne ou de citoyens? Très inquiétantes sont les annonces concernant le «redéploiement des effectifs de fonctionnaires de la capitale vers les préfectures de départements» alors que l’on sait très bien que le nombre de fonctionnaires territoriaux a explosé en France depuis plus de 20 ans. Macron annonce aussi vouloir renoncer à sa très modeste baisse du nombre de fonctionnaires (120 000 en cinq ans) dans un pays qui bat tous les records de dépenses publiques et de bureaucratie: la France a deux fois plus de fonctionnaires que l’Allemagne pour 1 000 habitants!

Sur le plan fiscal, ce n’est pas clair non plus. Le président propose une baisse de 5 Mds d’euros de l’IR. Que comprennent les Français? Cela représente une baisse d’environ 7 % ; mais 54 % des Français ne payent aucun IR et environ 10 % y contribuent à hauteur de 70 % du total. La réforme reviendra à faire porter encore un peu plus le poids de cet impôt sur une minorité alors que la demande principale était de mieux le répartir! En effet, plus d’un tiers des participants du Grand Débat estime que l’impôt sur le revenu devrait être payé par tous et 28,2% qu’il faut simplifier et réformer la fiscalité. On n’en prend pas le chemin.

Craignant d’être encore accusé de favoriser les riches, le président envisage éventuellement de revenir sur la suppression partielle de l’ISF – ce qui n’aurait pas de sens – si l’évaluation objective qui sera faite début 2020 de cette suppression n’est pas satisfaisante. Mais une telle évaluation n’est possible que dans la longue durée. Et qu’un tel revirement puisse être seulement envisagé suffira à raviver les craintes de ceux qui fuient la France pour son instabilité permanente. Les riches seront peut-être un peu plus taxés, mais ce sont surtout les classes moyennes et moyennes plus qui seront une nouvelle fois oubliées. Les retraites inférieures à 2 000 euros (par foyer ou par personne?) seront réindexées sur l’inflation à partir de 2020. C’est bien, mais les autres aussi ont cotisé et ont une créance qui est tout aussi légitime. Ils ont de plus grosses retraites parce qu’ils ont plus contribué!
C’est bien de vouloir des classes réduites à 24 élèves, de la grande maternelle à la CE1, même si les expériences étrangères démontrent que la motivation des enseignants et la liberté scolaire sont des facteurs plus déterminants que le nombre d’élèves. Concernant l’ENA, on est encore plus dans le brouillard. Va-t-il ou non la supprimer? Pas sûr et de toute façon, ce sera remplacé par une autre «formation». Inquiétant. S’en prendre aux «grands corps», c’est courageux mais la seule manière efficace est de supprimer le statut et d’ouvrir au privé l’accès aux grands corps de l’État comme l’ont fait les autres pays.

Toutes les écoles et tous les hôpitaux seraient conservés. C’est sympathique mais sans doute pas très réaliste. Pour ce qui est du RIC, Macron a raison, il pourrait fonctionner utilement sur divers sujets locaux, mais il faudrait alors, pour le moins, que les collectivités locales retrouvent l’autonomie de leurs ressources sans laquelle ces réformes resteront des jeux de récréation. Malheureusement, ça n’apparaît pas à l’ordre du jour. Oui, c’est bien d’accélérer la décentralisation mais comment le faire correctement après avoir supprimé la taxe d’habitation, donc les ressources des collectivités locales? Celles-ci ont besoin d’autonomie financière.

Une autre mesure encore vise à pérenniser la prime annuelle que les entreprises ont pu verser cette année, jusqu’à 1000€ par salarié sans impôt ni charges sociales. Une niche supplémentaire en quelque sorte, comme si on en manquait!

Concernant les retraites, nous l’avons déjà dit et écrit: c’est une réforme qui étatise encore plus le système. Le regroupement de tous les régimes condamnera le privé à payer pour les autres, surtout pour les fonctionnaires qui partent beaucoup plus tôt, n’ont pas de caisse de retraite et dont les pensions ne sont pas provisionnées. Dans ces conditions, comment pouvoir «gérer» son départ à la retraite comme le suggère Macron?
Manque de courage et ambiguïté aussi au sujet du temps de travail. Quelles décisions concrètes? Aucune. Le président s’en remet au gouvernement et aux partenaires sociaux. Mais alors pourquoi a-t-il parlé? Pourquoi ce spectacle? Il n’annonce rien d’autre que des «sessions, des conférences, des débats (encore!), des rencontres…». Autant siffloter.

La partie la plus pauvre du discours est encore celle qui concerne les dépenses publiques. 75% des participants au Grand Débat souhaitent les voir réduites, notamment pour baisser le déficit public, mais le sujet n’est mentionné qu’en passant et sans précisions. L’opinion des Français paraît beaucoup plus libérale que certains le croyaient. Ils veulent que les pouvoirs publics desserrent leur étau. Une large majorité (58%) refuse les impôts comportementaux comme la fiscalité écologique. Les «gens» sont las d’être assistés. Ils veulent pouvoir vivre décemment de leur travail. 52% des réponses demandent la révision des conditions d’attribution de certaines aides pour éviter les dérives et 24% souhaitent l’augmentation du temps de travail.

Mais Macron leur offre plus d’État et plus d’interventionnisme. Il n’est pas socialiste mais il est bien étatiste. Comme le personnage d’Ionesco, Macron le roi se prête à des cérémonies absurdes qui le mènent vers une fin inéluctable. Sans vraies réformes, la fin du règne est proche…
(Article publié sur le site du Figaro le 26 avril)

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1 commenter

Astérix 6 mai 2019 - 9:31

Le mensonge permanent et le crétinisme !
En écrasant les français d'impôts, de taxes, de normes, et en refusant de baisser massivement les dépenses publiques, M. Macron a créé, depuis son élection, la plus grande entreprise de démolition de la maison France !
Je prends date, il est impossible de gérer un Pays avec 58 % de dépenses publiques sans l'emmener droit dans le mur et à la faillite !
Nous finirons comme l'ex URSS mais les français ne voient pas la catastrophe arriver à 300 à l'heure !?
Puisse le ciel les éclairer ?
Quand vont-ils arrêter d'élire des incapables comme M. Macron, les membres du gouvernement, les députés LAREM ???

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