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Augmenter la productivité par les nouvelles technologies pour créer de la richesse et de l’emploi

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« Je n’utilise pas les caisses automatiques qui suppriment l’emploi d’une caissière » peut-on entendre dans la file d’attente d’un supermarché. Un type d’argument que l’on entend souvent appliqué à nombre d’innovations technologiques ou de services apportés par des entreprises : Airbnb et les hôteliers, la numérisation pour de nombreux postes administratifs, les robots pour certains ouvriers non spécialisés et plus globalement l’intelligence artificielle (IA) pour beaucoup d’emplois.

La hausse de la productivité s’accompagne d’une évolution de l’emploi

En 2013, un premier rapport de C. Frey et M. Osborne, chercheurs à l’université d’Oxford, avançait que 47% des emplois américains seront remplaçables par des robots intelligents d’ici à une vingtaine d’années [[https://www.oxfordmartin.ox.ac.uk/downloads/academic/The_Future_of_Employment.pdf]] . En 2016, L’OCDE affirmait que « 14% des travailleur de l’OCDE courent un risque élevé que leurs tâches actuelles soient automatisables au cours des 15 prochaines années » [[ http://www.oecd.org/future-of-work/]]. En France, le rapport [[https://www.aiforhumanity.fr/pdfs/9782111457089_Rapport_Villani_accessible.pdf]] du député LREM Cédric Villani en 2018 évoquait que 10% des emplois seraient menacés de disparition et 50% seraient automatisés à plus de 50%. Ces chiffres, fréquemment repris dans les médias, créent une certaine angoisse. Est-elle justifiée ?

Cette inquiétude est loin d’être récente. Elle a historiquement existé dans l’agriculture et dans l’industrie. Dans l’agriculture, l’amélioration des techniques et des outils a progressivement augmenté la productivité et les rendements. Dans le même temps les exploitations s’agrandissaient et le nombre d’employés par hectare diminuait. Les premières tensions arrivent dans l’industrie au début du XIXème siècle. Dans les années 1811-1812, en Angleterre, des artisans (tondeurs et tricoteurs sur métiers à bras) s’opposent aux manufacturiers qui développent l’emploi de machines (métiers à tisser) pour travailler le coton et la laine. C’est le mouvement du luddisme avec des briseurs de machines qui subiront une forte répression par les militaires.

L’évolution de l’emploi par secteur est révélatrice de ces destructions d’emploi. En 1789, 67% des ménages français vivent de l’agriculture [[https://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_1977_num_91_1_3127]]. Ce chiffre n’a depuis cessé de diminuer. Ainsi en 1906, 43,2% de l’emploi total est dans l’agriculture, 28,9% dans l’industrie et le bâtiment et 27,9% dans le tertiaire. En 1970, 13% est dans l’agriculture, 38,6% dans l’industrie et 48,3% dans le tertiaire[[https://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2005-2-page-21.htm]]. En 2017, 2,6% dans l’agriculture 20,5% dans l’industrie et la construction et 76,8% dans le tertiaire[[https://www.insee.fr/fr/statistiques/3676643]]. Qui pourrait aujourd’hui imaginer avoir notre niveau de richesse et de développement si les deux tiers des Français travaillaient pour nous nourrir ou si près de 40% de l’emploi se concentrait uniquement dans l’industrie ?

La destruction créatrice permet la création de richesses

Cette évolution illustre la destruction créatrice théorisée par l’économiste Joseph Schumpeter : la disparition de secteurs d’activité et d’emplois est concomitante à la création de nouvelles activités et de nouveaux emplois. Cette destruction créatrice a une conséquence : l’augmentation de la richesse globale. Refuser la destruction c’est refuser la création. La productivité augmente avec la diminution du besoin en main d’œuvre. La production de richesse peut se représenter en multipliant le nombre de travailleurs par leur productivité à l’heure et le nombre d’heures travaillées. Alors que la part de la population travaillant et le nombre d’heures travaillées ont reculé, le seul moyen d’augmenter la production de richesse est dès lors l’amélioration de la productivité.

Cette destruction créatrice comporte d’autres avantages. Ce sont les emplois pénibles ou répétitifs qui sont supprimés. Les emplois supprimés progressivement dans l’agriculture puis l’industrie sont les plus difficiles : ouvrier spécialisé (OS) sur une chaîne à la ligne, ouvrier agricole. Des emplois qui sont souvent aujourd’hui non-pourvus. Les secteurs qui vont perdre des emplois aujourd’hui sont ceux qui peineront à recruter dans quelques décennies.

Le réel enjeu est ailleurs : la formation. Les travailleurs doivent être formés aux métiers de demain qui créeront de la richesse. La France est particulièrement mauvaise sur la formation. Celle des jeunes avec une orientation inefficiente et de nombreuses filières d’études aux très faibles débouchées. Celles des adultes avec une formation professionnelle bien en deçà de la moyenne de l’OCDE[[https://www.oecd.org/france/Future-ready-adult-learning-2019-France.pdf]]. Les premiers comme les seconds doivent être orientés vers les métiers d’avenir. Une population qualifiée n’a rien à craindre de la robotisation ou de l’intelligence artificielle. Les pays le plus avancés dans la robotisation et l’intelligence artificielle sont loin d’être ceux qui perdent le plus d’emplois. Contre-intuitivement, ce sont ces pays qui ont les taux de chômage les plus faibles.

Taux de chômage par rapport au taux de robotisation

Taux de chômage par rapport au taux de robotisation

Le développement de la robotisation et de l’intelligence artificielle ne doit pas être perçu comme une menace. Elles ne font que prolonger l’augmentation de la productivité et l’évolution de l’emploi. L’analyse reste malheureusement trop souvent limitée au premier terme de la destruction créatrice, omettant ainsi la création de valeur associée.

Taux de chômage par rapport au taux de robotisation
Taux de chômage par rapport au taux de robotisation

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6 commentaires

Maellys93 19 novembre 2020 - 9:06

Robotisation = atout déterminant pour le "mieux vivre ensemble" en France
Votre étude "savante" étayée par de nombreux renvois à des rapports et théories tout aussi savantes, souffre d'un manque d'eléments concrets compréhensibles par le français moyen en contact des réalités quotidiennes de la vie de tout les jours.
Vous pourriez être au moins plus explicites sur les économies tangibles dont il pourrait bénéficier à terme par la baisse des prélèvements obligatoires.
Un exemple: le finacement des ONG
Comme la robotisation touche principalement les emplois pénibles, répétitifs et sans qualifications, mal payés qui ne trouvent pas de candidats parmi les personnes sans emploi, c'est la fin des ONG pourvoyeuses de main d'oeuvre à bas prix qui prospèrent dans le Business de l'immigration.
D'où les économies en aides et subventions pour ces ONG.
Sans parler de toutes les économies qui seraient liées à la baisse drastique d'une immigration peu qualifiée.
Economie en sécurité du territoire, en baisse des engorgements des tribunaux, en diminution de la surpopulation carcérale.
La robotisation, en définitive, c'est un atout déterminant et un vecteur important pour le "BIEN VIVRE ENSEMBLE" en France.
Voila un slogan marketing à reprendre par les entreprises françaises qui évoluent dans le domaine!!!

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Jean-Michel THUREAU 19 novembre 2020 - 9:16

Si le progrès provoquait du chômage, la dernière période de plein emploi remonterait à l'âge des cavernes
Les seules causes de chômage sont d'origine étatique : hyper-taxation de l'activité productive, hyper-réglementation, immixtions, etc.
Les pays champions de l'étatisme sont également les champions du chômage et de l'exclusion.
Il n'est pas étonnant que les politiciens tentent désespérément de nous faire croire qu'ils sont innocents et que seul le progrès est cause de chômage. C'est à qui courra le plus vite, criera le plus fort lors de la fermeture d'une usine.
Si l'État restait dans son rôle (le régalien), le chômage disparaîtrait comme par enchantement et l'on verrait que pour que de nouvelles usines apparaissent d'autres doivent fermer.

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Dominique Pérignon 19 novembre 2020 - 11:55

La révolte contre les machines…
Les références anglo-saxonnes ne doivent pas nous faire oublier la *Révolte des Canuts* de Lyon contre le métier à tisser de Jacquard… (1830) qui a davantage marqué les mémoires françaises que le luddisme…

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theano 19 novembre 2020 - 9:17

Caisses automatiques
Eh bien moi, je les plébiscite les caisses automatiques. Elles sont 1000 fois plus aimables que les caissières, du moins dans mon quartier du centre de Paris.

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Tijoux Patrice 23 novembre 2020 - 10:00

Les caisses automatiques qui suppriment l'humanité
L'argument cité en exergue, confortant l'idée que la supression des caissiers ou caissières de nos magasins pour les remplacer par des automates serait une destruction créatrice permet(tant) la création de richesses est faux.
Contrairement à la France qui remplace progressivement les caisses à visage humain, les Etats-unis continuent à employer dans leurs magasins des personnes qui, grâce à cette possibilité qui leur est proposée, vivent dignement et socialement. L'amabilité, la courtoisie font alors toujours partie de la vie. Ces personnes, qui facturent les produits achetés, mais aussi les emballent et pour certains accompagnent à leur voiture les clients afin de déposer dans leur coffre les produits achetés n'y voient jamais une corvée humiliante (No Tip !).
Ces personnes, âgées ou en situation de handicap (physique ou mental) par ce moyen, retrouvent avec ce travail le retour à une autonomie financière et sociale.

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Marc 30 novembre 2020 - 11:54

Oui ! Mais …
S'il va de soit que je préfère creuser une tranchée dans la roche à l'aide d'un engin de chantier plutôt qu'à la pioche, transporter des marchandises à l'aide d'un véhicule plutôt qu'à dos d'homme et que les terrassiers ont quitté leurs pioches pour conduire un engin tout comme les porteurs ont appris à conduire un camion. Ce qui au passage à donné du boulot aux maréchaux ferrants qui ont lâché leurs ferrages de sabot pour ouvrir des garages de mécanique. Etc.

Que ce soit par goût ou par nécessité, avec soulagement ou la contrainte, tout ce gros monde c'est recyclé tout simplement pour avoir un métier qui existe encore, un meilleur salaire, de meilleures conditions de travail.

Bonnes choses que cela.

Mais…

Que faire lorsque un métier naît et meurt en 5 ans ?
Que faire lorsqu'on n'est pas ou plus capable de suivre la course ?
Est ce qu'il s'agit d'ouvrir une caisse automatique en plus des existantes pour "traiter" plus de clients plus rapidement ou pour supprimer une ou plusieurs des caisses existantes ?

S'il va de soit qu'il va falloir des "nouveaux métiers" pour vendre, transporter, installer, entretenir, éventuellement recycler cette caisse automatique, ces "nouveaux métiers" ne sont pas directement accessibles aux "anciens". Pour ces derniers il va falloir se recycler. Parfois moins de 5 ans après avoir appris un métier déjà obsolète. Métier qui en son temps avait déjà mis à mal ceux des "petits commerçants de proximité des centres villes historiques".
Ajoutons à ça que le financement des reconversions, des pertes d'emplois, de la Santé, du "Grand Tout" en fait repose sur les cotisations des travailleurs et qu'un robot ne cotise pas ; qu'il faut des revenus pour être utilisateur du robot de caisse…

Produire plus à l'aide machines pour que le même nombre puisse gagner et consommer plus est une idée séduisante, bien que la Nature ne soit pas de cet avis. Vouloir la capacité à produire plus sans prendre en compte la nécessité d'avoir un débouché pour les choses produites est une idée bien curieuse.

Bref, votre équation Robot=Emploi rejette beaucoup trop de variables pour être acceptée-soulignée-encadrée.

À quand l'automatisation du recyclage des métiers ?

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