Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

Journal des Libertes
anglais
Accueil » La simplification des normes est d’une grande complexité

La simplification des normes est d’une grande complexité

par
1 471 vues
L’IREF défend ardemment la simplification administrative et la réduction du nombre de normes. Mais, nous dit un de nos fidèles lecteurs, tout est désormais d’une grande complexité et le problème ne sera pas résolu d’un coup de baguette magique. Peut-être faut-il alors y aller à la tronçonneuse ?

Dans un article très fouillé de la revue « Réflexions immobilières », Patrick Ponthier, grand spécialiste de l’immobilier-construction et, notamment, de la normalisation dans ce secteur, se demande si nous souffrons de trop de normes ou de trop d’État.

Ne nous trompons pas de norme

Patrick Ponthier rappelle qu’il y a norme et norme. En effet, sous un même mot, on confond souvent la « norme juridique » à laquelle on associe un caractère obligatoire et la « norme technique » à caractère volontaire, développée par consensus entre acteurs privés.

Les normes techniques ne sont pas forcément néfastes dans la mesure où elles résultent d’un processus cherchant à construire, avec les parties prenantes, des règles volontaires applicables à un secteur d’activité. Néanmoins, nous permettons-nous d’ajouter, elles ont parfois pour objectif, plus ou moins avoué, de limiter la concurrence et d’empêcher l’arrivée de nouveaux venus sur le marché. C’est ainsi que les organisations professionnelles sont souvent demandeuses de normes.

Les normes techniques peuvent être rendues obligatoires par la loi, et sont d’ailleurs de plus en plus intégrées dans la réglementation européenne. S’y ajoutent la certification et la labellisation qui, bien souvent, apportent une confusion supplémentaire. Comme l’écrit Patrick Ponthier, « Il y a aujourd’hui, au-delà de ce qui est nécessaire pour répondre aux besoins des usagers de l’immobilier, un tel foisonnement de l’offre de certifications et de labels alléchants finement segmentés et “marketés” que celle-ci est devenue totalement illisible. En attendant, le client final essaie de comprendre et paie cette surcouche de coûts ».

Quant à la norme juridique – législative et réglementaire  –, elle est « foisonnante à l’excès ». Patrick Ponthier en distingue quatre types : la réglementation économique (par exemple, l’instauration d’un salaire minimum) ; la réglementation administrative (par exemple, la nécessité d’obtenir telle ou telle autorisation pour exercer) ; la réglementation sociale (qui peut porter, entre autres, sur la sécurité des lieux de travail) ; et la « réglementation technique qui s’impose aux activités des acteurs de la filière et à leur input délivré sur le marché dans le cadre de l’exercice de leur métier ».

Nous avons déjà eu l’occasion de le mentionner à plusieurs reprises, cette norme juridique n’en finit pas de grossir. C’est ainsi qu’entre 2002 et 2004, le nombre d’articles rassemblés dans le Code du commerce a augmenté de 374% ; dans celui de la consommation, de 344% ; dans le Code du travail, de 226% ; etc. Cette inflation réglementaire a bien évidemment touché les codes propres au secteur de l’immobilier-construction : +692% pour le Code de l’environnement, +72% pour celui de la construction et +28% pour celui de l’urbanisme.

Les injonctions contradictoires

Il faut ajouter que la mise en œuvre des normes juridiques est parfois très lente. « Des décrets d’application et arrêtés peuvent survenir des années après la promulgation d’une loi », écrit Patrick Ponthier. Un exemple : le décret d’application permettant de mettre un terme à la délégation publique de maîtrise d’ouvrage est paru 10 ans après la promulgation de la loi MOP du 12 juillet 1985 (relative à la maîtrise d’ouvrage publique et ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée) !

N’oublions pas non plus qu’une loi peut avoir été mal rédigée, « générant des contestations, des remises en cause a posteriori », ce qui entraîne « des périodes d’incertitude et d’insécurité juridique qui complexifient » encore un peu le plus le sujet.

Patrick Ponthier insiste aussi beaucoup sur les injonctions contradictoires des politiques publiques qui existent quand « des normes juridiques simultanément en vigueur contiennent des obligations ou des incitations opposées dont les unes ne peuvent pas être mises en œuvre sans dégrader l’application des autres ». Ces injonctions, nous dit-il, loin d’être marginales, « réduisent la portée des textes, complexifient leur mise en œuvre et ralentissent voire bloquent les actions attendues ».

De nombreux exemples figurent dans son article. Citons celui de la ouate de cellulose, un isolant biosourcé issu du papier journal recyclé. Ce produit doit non seulement permettre d’isoler des bâtiments, mais il doit aussi contribuer aux objectifs de réduction des gaz à effet de serre tout en se conformant aux réglementations sanitaires et à celles de la sécurité incendie. Pour fabriquer cette ouate, on utilisait des sels de bore, un agent antifongique, ignifuge et antiparasitaire. Une directive européenne, transposée en droit français, les a interdits car ils sont classés neurotoxiques et reprotoxiques au-delà d’une certaine concentration. Certains fabricants les ont alors remplacés par des sels d’ammonium… lesquels, au-delà d’un certain seuil d’humidité, émettent des particules d’ammoniac et provoquent une gêne respiratoire. Ils ont donc été interdits à leur tour et les autorités ont réautorisé l’emploi des sels de bore ! Jusqu’à ce que l’on trouve une autre solution (les sels d’aluminium sont à l’étude).

Ces injonctions contradictoires se retrouvent à tous les niveaux, même à celui de notre Constitution, écrit Patrick Ponthier. Le principe de précaution, constitutionnalisé comme chacun le sait, ne porte-t-il pas en lui une injonction contradictoire qui réside dans la recherche du risque zéro ?

La faiblesse des évaluations

Patrick Ponthier souligne aussi combien l’évaluation de l’application des normes volontaires comme des normes juridiques obligatoires est défaillante en France, notamment parce que, la plupart du temps, elle ne cherche pas à mesurer leurs conséquences financières sur les entreprises.

Pour conclure, l’auteur rappelle quelques lois (qui, cette fois, n’ont rien à voir avec l’inflation normative), comme celle de Parkinson sur l’accroissement sans fin de la bureaucratie et des bureaucrates ou celle de Goodhart qui dit que « lorsqu’une mesure devient un objectif, elle cesse d’être une bonne mesure ». Il mentionne aussi le fait que la multiplicité des structures publiques ou parapubliques renforce la complexité normative, en particulier lorsqu’elles déploient tout un système d’autorisations administratives et des programmes d’actions publiques.

L’article de Patrick Ponthier peut démoraliser le lecteur. Il dépeint un écheveau de normes tous azimuts qui ne cesse de grossir jusqu’à devenir quasi indémêlable. Il serait pourtant essentiel de s’y atteler, mais sans doute cela restera-t-il impossible tant que serons dirigés par des hommes politiques qui ont la particularité, en France, d’être sans idées et issus, pour la plupart, de la fonction publique.

Faut-il que nous élisions, à l’instar des Argentins, un président aux vraies convictions libérales pour réduire l’hydre administrative ? Nous savons que Javier Milei aimait brandir une tronçonneuse lors de ses meetings électoraux. Un outil apparemment efficace, si l’on regarde les réformes déjà menées en Argentine.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

5 commentaires

Wapler 6 décembre 2024 - 9:28 am

Nous débattons de ce qu’il faut faire

Nous allons avoir des exemples récents de comment on peut le faire (Milei et sa tronçonneuse ; DOGE et l’utilisation de lecture automatique et « IA » pour faire ressortir ce qui est redondant, contradictoire, obsolète et l’éliminer)

Mais il manque le plus important : la volonté de le faire !

Dans le personnel politique actuel, presque personne

Du côté des électeurs, il faudrait sortir enquêtes d’opinion et sondages récurrents pour le cerner

Répondre
Laurent46 6 décembre 2024 - 10:19 am

Au regard du même problème dans toutes les structures locales et de celles de l’UE, une tronçonneuse ne suffira plus pour éliminer toute cette grosse masse d’irresponsables et d’incompétents que les grandes écoles administratives ont fabriquées. Et au regard du niveau scolaire en Mathématiques, chimie physique, orthographe, etc et leur magnifique apprentissage sur l’art et la manière de piller la société et vu le nombre qui sort de ces écoles toutes les années le fond du trou n’est pas encore atteint. Il est URGENT de fermer toutes ces écoles qui ne fabriquent que des cons à la chaîne seule grosse entreprise qui reste encore en France et maintenu par la République

Répondre
Jean-Aymar de Sékonla 6 décembre 2024 - 10:43 am

Rien de tel qu’un grand coup de tronçonneuse a la Milei ! On supprime tout ce qui est posterieur à 1990… on ne vivait pas si mal a cette époque!

Répondre
Georges SPRINGER 6 décembre 2024 - 11:23 am

n’est normal que la normalité ! C’est é norme …

Répondre
eripsoe 6 décembre 2024 - 2:49 pm

De plus les normes n’affranchissent pas des malfaçons. Une entreprise aura son label 9001, si elle remplit bien la paperasserie que les travaux soient bien faits ou mal faits. Le but était d’avoir un minimum de garanti sur le service proposé mais ce n’est pas le cas.
En revanche, les normes permettent de faire une guerre économique. La Finlande ne peut plus vendre ses pèches car l’eau est pollué au NOx. En revanche, la Norvège peut vendre son saumon d’élevage car la concentration de médicament dans l’eau n’est pas contrôlée suivant la même norme.
On arrive à des aberrations. Un poisson sauvage péché avec un bateau accrédité Bio, est bio alors que ce même poisson péché artisanalement n’aura pas le label. Dans mon assiette j’aurai la même chose mais l’un des pécheurs a payé pour être bio et pas l’autre.

Répondre