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Le Nickel indonésien, une sérieuse menace pour la production néo-calédonienne

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L’Indonésie est un géant minier en devenir, notamment s’agissant de sa filière nickel, largement plus compétitive que celle de la Nouvelle-Calédonie. Largement contrôlée par la Chine, elle met à mal la compétitivité de la transformation du minerai sur le territoire national et une part de la souveraineté de nos approvisionnements stratégiques.

Au mois de juillet 2023, un rapport de l’Inspection générale des finances avait mis en exergue l’état désastreux des finances des trois usines de transformation du nickel en Nouvelle-Calédonie. Comme l’IREF l’avait d’ailleurs relevé au début de l’année, un employé néo-calédonien dans la métallurgie coûte entre 71 000 et 86 500 $ par an contre 15 000 $ pour un Indonésien. Un mois plus tard, l’entreprise Glencore, qui exploitait l’usine de la province Nord, annonçait suspendre l’activité du site et chercher un repreneur : comme réponse du berger à la bergère, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, déclarait, quant à lui, que l’option de la nationalisation n’était pas envisageable (même s’il était prêt à réinjecter 200 M€ pour tenter de sauver les canards boiteux).

Face à cela, le nickel indonésien peut bénéficier de conditions de production avantageuses et du soutien de l’Empire du Milieu qui contrôle, via ses entreprises, une grande partie de sa production. La prépondérance de la Chine sur un ensemble de terres rares constitue déjà un problème de souveraineté qui ne peut pas être réglé par le placement sous assistance respiratoire publique d’une filière tout entière.

Une puissance minière en pleine expansion.

Depuis les années 2000, l’Indonésie a su emprunter le chemin typique d’un pays en voie de développement capitaliste : son PIB a été multiplié par 7 et son PIB par habitant par 5 pour atteindre respectivement 1 400 Mds$ et 5 000$. Le secteur minier contribue à lui seul pour 22 % des exportations et plus de 9 % de la croissance comme le soulignait une étude réalisée par Thibault Michel. Si l’archipel possède 42 % des réserves mondiales de nickel, il est également un important centre d’extraction pour d’autres minéraux comme le cuivre, le cobalt, la bauxite, l’étain, l’or, le charbon ou le manganèse.

Cette complémentarité[1] lui donne donc le droit d’espérer peser sur le marché en plein essor de la construction de batteries. En 2015, le pays n’extrayait que 130 000 tonnes de minerai de nickel de son sous-sol : un chiffre qui s’est envolé depuis pour atteindre 600 000 tonnes en 2018 et 1 800 000 tonnes l’année dernière, soit 50 % de la production mondiale.

Depuis 2014, Jakarta a voulu se prémunir de sa dépendance aux matières premières et localiser la création de valeur sur son sol en interdisant l’exportation de minerai brut.. De nombreuses fonderies ont éclos depuis dans le pays et elles produisent du ferronickel utilisé dans la fabrication d’acier inoxydable ou du sulfate de nickel, à plus haute valeur ajoutée, entrant dans la composition des batteries. Une usine de batteries devrait d’ailleurs entrer en service prochainement et devrait produire 30 millions d’unités par an.

À court terme, l’émergence de ce nouveau géant minier a engendré une baisse de moitié des cours du nickel depuis janvier 2023 mettant sérieusement en difficulté les pays, comme l’Australie et la France, soumis à des standards environnementaux et en termes de droit du travail autrement plus élevés que ceux en vigueur dans l’archipel.

La main de la Chine sur l’exploitation du nickel.

Avec environ 65 % des importations et exportations indonésiennes à destination ou en provenance de l’Empire du Milieu, la Chine est plus qu’un partenaire incontournable du pays. Sur les 19 sites d’extraction du nickel que compte cet archipel de 17 000 îles, douze sont tenus par des compagnies chinoises contre seulement deux pour des entreprises locales et un par le Français Eramet.

La Chine a également mis la main sur de juteux contrats de construction d’infrastructures comme le train express reliant Bandung à Jakarta, la capitale, ou de la centrale hydroélectrique de Kayan Cascade. Au total, elle a investi 50 Mds$ dans le pays entre 2013 et 2022 en en faisant la première destination de ses crédits parmi les pays de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est).

Conséquence majeure, à l’image de nombreuses nations où elle exerce son emprise, comme pour les îles Salomon où de violentes manifestations antichinoises avaient éclaté il y a quelques années, le pays de Confucius devient très impopulaire en Indonésie : 50 % des Indonésiens souhaitaient déjà limiter son influence en 2011, dix ans plus tard, le chiffre est monté à 60 %.

Consciente de son besoin de diversifier ses partenaires, le pays qui fut l’un des fers de lance de la politique du non-alignement pendant la guerre froide a cherché à se rapprocher des États-Unis, l’ex-président Jokowi ayant rencontré Joe Biden en novembre de l’année dernière pour contourner les mesures protectionnistes de l’IRA (Inflation Reduction Act). En face de cette puissance minière émergente, le pacte nickel promu par Bruno Le Maire fait bien pâle figure.


[1] Les batteries de technologie NMC sont composées de lithium, de manganèse et de cobalt, des métaux dont l’Indonésie regorge, excepté le lithium qu’elle peut trouver en Australie.

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