Pour faire oublier le débat inabouti sur les retraites, le 15 mai, M. Macron a annoncé deux milliards de baisses d’impôts en faveur des classes moyennes. Il veut aider ceux qui sont « trop riches pour être aidés et pas assez riches pour bien vivre ». C’est une bonne idée, mais il ne les aidera pas durablement en leur donnant de nouvelles aides.
Il a parlé de baisse d’impôt mais les modalités de ce geste coûteux ne sont pas encore arrêtées : « Je ne veux pas ici fermer des portes parce qu’il peut y avoir des choses intelligentes à faire sur une partie des charges que vous payez, des cotisations que vous payez quand vous êtes salarié ». Au cours des six dernières années, il a déjà réduit l’impôt sur le revenu de 4 milliards d’euros en 2019, supprimé les cotisations chômage salariales, la taxe d’habitation, la redevance… Mais les effets sont modestes.
Des effets de seuil
« La fiscalisation des revenus des classes moyennes est trop importante et s’accélère trop vite », a estimé Emmanuel Macron dans une interview donnée à  L’Opinion. Il voudrait lever les effets de seuils qui font que les salariés qui gagnent de 1, 5 à 2,5 SMIC profitent peu d’éventuelles hausses de salaires parce qu’une grande partie en est compensée par la réduction de la prime d’activité ou de certaines allocations, ainsi que par la hausse des charges sociales et des impôts.
En effet, observe Denis Ferrand, directeur général de l’institut Rexecode, dans une note datée de 2022, « Pour un salarié seul dont la rémunération passerait de 1,4 à 1,5 SMIC, seuls 26,8 % de l’augmentation brute obtenue seraient conservés ». Il a calculé, dans le cas des couples dont l’un des membres reprendrait le travail, que « pour le second membre d’un foyer qui serait rémunéré à deux tiers du revenu moyen alors que l’autre membre du foyer est rémunéré à hauteur du revenu moyen, 40 % du revenu additionnel ferait l’objet d’un prélèvement ou d’une moindre prestation sociale ».
L’augmentation du salaire d’un smicard est aussi très pénalisante pour l’employeur compte tenu de la dégressivité des réductions de charges sociales patronales. Passer de 1 à 1,1 SMIC se traduit par 136€ de salaire brut supplémentaire mais par plus de 400 € de coût du travail selon le simulateur de cotisations Urssaf.
La réalité est que plus il y a d’aides publiques, plus la rémunération du travail est faussée et, de ce fait, perturbée. Il s’ensuit que l’augmentation des salaires devient très onéreuse, voire qu’employés et employeurs attendent plus des aides que du salaire. Les incitations au travail en sont significativement amoindries. La mobilité professionnelle se réduit et l’espoir des classes moyennes de grimper dans l’échelle sociale en est affecté, comme l’envie de travailler. C’est sans doute une partie de l’explication de la révolte française contre le report de l’âge de départ à la retraite.
L’élévation des seuils n’aura qu’un effet de déplacement des seuils. Les cliquets négatifs joueront à un autre niveau, mais ils continueront d’opérer négativement.
Revaloriser le travail
Denis Ferrand faisait encore remarquer, lors des Rencontres du CESE – Le Travail dans tous ses états – en ce mois de mai 2023, que le taux marginal effectif moyen de prélèvement est de 56,5% en France. Cela signifie qu’après prise en compte des prélèvements et prestations, un salarié bénéficie en moyenne de 43,5% de la hausse de sa rémunération entendue en termes de coût du travail. Trop de salariés sont au SMIC (15%) et l’écart entre le revenu net minimum et le revenu net médian est trop faible, le plus faible des pays de l’OCDE, réduisant l’incitation à l’offre de travail.
S’y ajoute le fait que le système d’aides sociales est illisible avec 15 prestations de solidarité octroyées en fonction de 15 bases de ressources différentes. Le calcul d’entrée dans l’impôt sur le revenu n’est pas plus lisible avec des décotes, des crédits d’impôt et une foultitude de niches.
Alors que nos charges sociales sont les plus élevées de l’OCDE et peut-être du monde, et que les impôts atteignent des sommets tant pour les employés que pour les employeurs, c’est tout notre système social et fiscal qu’il faut remettre à plat. A cet effet quatre mesures radicales permettraient de rendre de la lisibilité, de responsabiliser les individus, de simplifier le système et d’augmenter le revenu disponible :
- suppression de toutes les niches fiscales et adoption d’un taux unique (15% ?) d’impôt sur le revenu au-delà d’un seuil unique par membre du foyer ;
- disposer d’une base de calcul unique d’allocation d’une aide sociale unique, modulable en fonction de la situation de chacun : rémunération, âge, handicap, nombre d’enfants … ;
- paiement à tous les salariés qui le souhaitent d’un salaire complet (toutes charges comprises) en les laissant s’assurer eux-mêmes pour leur santé, leur retraite, leur chômage… Les salariés seraient obligés de s’assurer mais choisiraient leur contrat, mettraient en concurrence assurances privées et mutuelles, comme ils le font pour leur automobile ou leur logement. Gageons que la concurrence permettrait de réduire sensiblement la charge des assurés et les inciterait à un comportement plus responsable pour alléger leurs primes ;
- en contrepartie, tous les salaires payés devraient donc être augmentés du montant des charges au taux commun, ce qui serait un effort pour les employeurs qui bénéficient aujourd’hui d’exonérations de charges sur les bas salaires. La charge fiscale qui pèse sur les entreprises pourrait être diminuée d’autant à titre de compensation.
Certes, c’est plus facile à dire qu’à faire et c’est souvent dans le détail que se trouve le diable. Mais sans cet effort, la France restera à la traîne des pays développés, écrasée sous l’énorme poids de ses prélèvements obligatoires.
13 commentaires
Taux d’imposition unique, allocation inconditionnelle (hormis la situation du bénéficiaire), salaire complet, suppression des niches et subventions : voilà tous les ingrédients de ce que certains désignent par le revenu universel, d’autres l’allocation de subsistance, d’autres encore l’impôt négatif, etc …
Bienvenue au club que l’IREF a fini par enfin rejoindre, et effectivement il n’est pas nécessaire de désigner cet ensemble de réformes par une désignation globale qui ne fait que rompre le consensus autour de leur nécessité.
Non, ça n’a strictement rien à voir avec le revenu universel…Il s’agit d’une allocation sociale unique accordée en fonction des besoins
Si vous le dites … pourriez vous cependant me préciser si ce que vous désignez comme « une allocation sociale unique accordée en fonction des besoins » correspond bien aux réformes proposées ici, ou alors au revenu universel ?
Je le dis en effet : https://fr.irefeurope.org/actions-et-manifestations/liref-dans-les-medias/article/pour-une-allocation-sociale-unique/
Il faut diffuser les constats de Denis FERRAND le plus largement possible .
Chez les étudiants à Science Po à l’ENA . et ça prendra des années
Trop de parasites vivent du faux dialogue social organisé en France par les Jacobins et les successeurs de Robespierre ( J.Luc et consorts). Les débats TV sont toujours idéologiques avec des journalistes incultes en économie et manipulateurs . On ne pas avancer intelligemment dans ce contexte.
Le système est pourri à sa base avec l’impôt sur le revenu progressif. Pourquoi faire des efforts si le fruit de ton travail part en impôts d’autant plus que tu travailles…..au profit de ceux qui travaillent le moins et qui touchent le plus à proportion de ce qu’ils travaillent le moins… Bon, je schématise un peu, mais sur le fond là est le problème. Sur le plan fiscal, comme d’ordinaire qui veut faire l’ange fait la bête.
faire ce que vous préconisez (aide sociale unique) simplifierais grandement et donc réduirait drastiquement le nombre de fonctionnaires chargés de tous les calculs, et gestion du maquis d’aides sociales…bref, aucune chance que cela arrivé, malheureusement…
l’un des paramètres longtemps accolés aux classes moyenne, c’est l’accès à la propriété….Commençons par les aidés en arrêtant de taper sur l’immobilier et la propriété: IFI, droits de succession,taxes foncières…tous ces impôts sur le capital immobilier doivent être supprimés
Bien d’accord, mais au contraire, la suppression Macron de la taxe d’habitation conduit automatiquement à une hausse dramatique des impôts fonciers pour tous les propriétaires, ce que cet abruti de Pisani-Ferry n’a même pas compris qui recommande d’en rajouter une couche.
1,5 fois le smic vous appelez ça classe moyenne ?
En fait non seulement les classes moyennes et les cadres ont été méthodiquement laminés mais également les ouvriers qualifiés et hautement qualifiés.
Pauvre pays pauvre classe politique et bienvenue dans le moyen âge avec l’emballage renaissance !
Bien à vous
Il faudra faire une vaste opération de simplification fiscale et sociale, plus de 220 impôts et taxes, 400 niches fiscales qui ne servent à rien, la Cour des comptes ayant été incapable de leur trouver un effet.
La flat tax à 20% sur tous les revenus avec sans doute une franchise de 15 000 €. 20% c’est le coût moyen de l’Etat dans l’OCDE, hors système social, qu’on pourrait sortir du giron de l’Etat (en fait -mal- géré par Bercy).
Essentielliste
Oui maître Delsol a parfaitement raison dans ses propositions de reforme en profondeur mettant fin à l’enchevêtrement de mesures dont plus personne n’est capable d’en comprendre les résultats et qui en définitive brisent toute initiative et volonté de progrès économique et social tout en accroissant les charges improductives
tant pour le salarié que l’employeur.
Les gouvernements successifs, persuadés d’apporter leur pierre qu’ils pensent précieuse viennent ajouter une couche supplémentaire y compris en introduisant de nouvelles exonérations au système précédemment considéré
comme un must de la pensée économique par leur prédécesseur … Bref … inflation des dépenses publiques et inefficacité totale
Tout ça est connu et analysé en permanence, mais la question essentielle n’est jamais abordée, à savoir:
Ou vont tous ces milliards de prélèvements sociaux ???
Avons nous connaissance précise des organismes bénéficiaires réels en terme clair et sans langue de bois ?
OUI bien sûr les caisses de sécurité sociale oui mais :
combien pour la santé
combien pour la retraite des caisses du privé ?
combien pour le chômage et combien pour les allocations familiales
combien pour les syndicats. ?
combien pour la dite « formation » et au sein de ce poste les bénéffciaires effectifs
combien pour les « autres » ?
La Cour des Comptes nous fournit-elle ce type d’information précise sans faire des amalgames occultant les questions qui fâchent ?
En résumé ne doit -on pas commencer par demander des comptes à l’Etat,c’est à dire dans une présentation qui n’occulta pas les vrais problématiques de la France ??
Merci de votre retour
Pour aider les classes moyennes et plus généralement les français, il faut surtout baisser massivement les impôts, taxes, taxes sur les taxes et les prélèvements excessifs, afin d’obtenir des revenus nets décents !
Mais les français ne veulent pas comprendre ! ils crèveront donc à petit feu !??