Le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine, entraînant la mise en œuvre de sanctions sur le gaz et le pétrole et, conséquence directe, l’envolée de leurs cours. Peu de temps auparavant, au mois de septembre, trente-deux réacteurs nucléaires français avaient été mis à l’arrêt pour des problèmes de corrosion tandis que nos capacités de production hydroélectrique s’affaiblissaient à cause d’un épisode de sécheresse estivale.
Puisque le nucléaire avait été sacrifié sur l’autel du développement durable et « propre » la décennie précédente, la France, autrefois exportatrice d’électricité, s’est retrouvée à devoir en importer au prix fort, le prix de l’électricité étant couplé à celui du gaz.
Cette situation d’urgence a poussé le Gouvernement à mettre en œuvre une série de mesures pour stabiliser les prix mais en générant un endettement massif au moment où les taux souverains s’orientaient vers les 3%.
Une stabilisation artificielle des prix intervenant dans un secteur déjà surtaxé …
Par un décret du 23 octobre 2021, l’Exécutif avait gelé les tarifs réglementés de vente du gaz (TRVg) pour les clients résidentiels et les petites copropriétés, puis l’a étendu au mois d’avril 2022 aux logements sociaux et à ceux qui sont chauffés collectivement au gaz. Pour l’année en cours, le plafonnement de l’augmentation des prix sera de 15 % (contre 215 % en l’absence de régulation) pour un coût évalué à 6,24 Mds€.
Concernant l’électricité, la fraction d’accise sur l’électricité (ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité) a été ramenée de 25 €/MWh à 1 €/MW/h, permettant une diminution du coût pour le consommateur de l’ordre de 15 à 20 % et engendrant une dépense fiscale de 8 Mds€ en 2022 et 10 Mds€ estimés en 2023.
À l’image du gaz, la hausse des prix de l’électricité a été plafonnée à 4 % en 2022 et à 15 % en 2023, par l’instauration de tarifs réglementés sur la vente d’électricité (TRVe) pour les ménages et les TPE, pour un coût de 12,7 Mds€ (compensé par l’État auprès des fournisseurs d’énergie). D’autres aides comme l’amortisseur d’électricité, le chèque énergie ou carburant, ainsi que l’aide au paiement des factures d’électricité et du gaz, ont également été mises en œuvre, portant le total du coût pour le contribuable à 40,8 Mds€ en 2022.
Concrètement, les aides déployées contribuent à compenser le choc énergétique presque en totalité pour les ménages et partiellement pour les entreprises, ainsi que l’illustre le tableau suivant :
Cette intervention de l’État s’opère alors que le marché européen de l’électricité est très régulé et que l’ensemble des taxes sur l’électricité dépassait 35 % de la facture du consommateur avant la crise (contre 26 % pour le gaz). Elle se composait des taxes détaillées dans le tableau suivant, fourni par la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale :
… alors même que les énergies renouvelables sont une charge pour le contribuable et que la situation d’EDF est critique
D’autres mesures ont contribué à assécher les ressources d’EDF (qui affiche une perte de 17,9 Mds€ pour 2022 et une dette de 64,5 Mds€) alors que l’entreprise, en si mauvaise posture que l’État a dû la renationaliser, a besoin de fonds pour financer le plan de construction de 6 nouveaux EPR et pour la rénovation des centrales existantes. Ainsi, le plafond de l’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique), vendu à 46,20 €/MWh aux fournisseurs alternatifs, c’est-à-dire bien en dessous des prix du marché, a été porté à 120 TWh en 2022 contre 100 TWh habituellement.
L’un des effets collatéraux positifs de l’augmentation du prix de l’électricité est d’atténuer le prix du soutien public aux énergies renouvelables. En effet, l’État (via EDF) conclut des contrats d’obligation d’achat avec les fournisseurs d’électricité d’origine renouvelable, à un prix de référence supérieur à celui du marché, ou au prix du marché mais avec un complément de rémunération. Avec la crise, ceux-ci ont été réduits, permettant aux pouvoirs publics une économie bienvenue de 39 Mds€ (dont 9,9 Mds€ uniquement pour les éoliennes terrestres).
Une fois la crise terminée, il est toutefois probable que ce type de dépense repartira à la hausse, creusant un déficit alimenté par l’ensemble des mesures prises pour lutter contre l’inflation. À ce titre, il est intéressant de remarquer que les pays européens les plus endettés, la France et l’Italie, ont aussi été les plus prodigues. Alors que l’Allemagne et l’Espagne ont mis en œuvre des dispositifs dont le coût est évalué à 1,6 et 1,3 % de leur PIB, les deux pays ont respectivement dépensé l’équivalent de 2,1 et 2,8 % du leur (selon les calculs de la Direction générale du Trésor).
Si, en période de crise, l’amortissement par l’État d’un choc d’une puissance susceptible de déséquilibrer le marché peut se comprendre, il ne saurait, toutefois, être financé par la dette mais par des réserves constituées en prévision d’une telle situation ou, a minima, intervenir dans un contexte de finances publiques saines affichant un taux d’imposition acceptable.
La mise en œuvre d’un bouclier énergétique aurait donc mérité d’être plus parcimonieuse et attentive à la bonne santé d’EDF.
Une fois la crise passée, il sera nécessaire de recommander la suppression de la CTA (contribution tarifaire d’acheminement), qui permet de financer les anciens régimes spéciaux de retraite des personnels des entreprises de distribution de l’électricité et du gaz, régimes qui devraient s’éteindre naturellement après le décès de leurs récipiendaires. Dans le même temps, la fraction d’accises sur l’électricité devrait être légalement affectée à l’entretien et au développement du parc nucléaire, le soutien aux énergies renouvelables devrait être diminué, et les fonds fléchés vers le développement de l’énergie atomique.
Un point demeure en suspens : avec l’interdiction votée par le Parlement européen de la vente des véhicules thermiques dès 2035, le rendement de la fraction d’accise sur les produits pétroliers (ex TICPE) devrait se tarir ; on peut alors se demander quelle taxe l’État augmentera pour compenser cette perte. A moins qu’il ne parvienne enfin à réduire ses dépenses …
6 commentaires
Un grand bravo à monsieur Delisle qui parvient dans un exercice d’équilibre sémantique politiquement correct mais au prix de formulations ambigues à dire des choses vraies tout en occultant la vérité et les perversités d’un systême qui défie les lois de la saine gestion d’une façon abracabrantesque .
J’espère que l’IREF fera un prochain jour le point sur l’ensemble de ces dispositions bureaucratiques qui ont abouti
à casser le plus important atout de la France,et placé celleçi en pays soumis aux volontes de BRUXELLES c’est
à dire de l’Allemagne qui a du IMPOSER ses vues pour sauver son industrie en perdition par la faute de s’être mis dans les mains d’un seul partenaire: la Russie !!
Il faudra aussi expliquer pourquoi Bruno Lemaire a décidé de « nationaliser l’EDF après lui avoir imposer de livrer
une bonne part de sa production d’électricité à des « CONCURRENTS » dont la plupart ne produisent pas un seul
KW/H et à le faire à un prix inférieur à son prix de revient pour que ces mêmes « concurrents » le revendent aux petites entreprises françaises ( bouchers artisans etc..) dix fois leur prix d’achat……..
Rappeler également que l’énergie renouvelable produite par les éoliennes a du être rachetée par l’EDF à un prix exorbitant pour donner l’illusion que ce type d’énergie est désormais parfaitement rentable et par conséquent
faire porter à l’EDF ce fardeau puis dire ensuite que le modéle d’EDF est obsolète et en danger et donc nationaliser
cette entreprise qui ainsi pourra être plus « indépendante » selon mr. Lemaire après avoir vidé son PDG qui tentait de gérer correctement l’entreprise dont il avait la responsabilité sociale.
Rappeler également quelle part doit supporter EDF dans le généreux « bouclier tarifaire »sorte de cadeau fait aux citoyens français qui trouvent bien sûr très sympathique ce geste de » l’ETAT protecteur »
Une mise au clair de tout ce ‘tripatouillage » au plus haut sommet de l’ETAT S’IMPOSE
MERCI DE VOTRE ATTENTION
Cher Monsieur,
Vous avez tout a fait raison et je vous invite à regarder les auditions de la commission d’enquête sur les causes de notre perte de souveraineté énergétique, que vous trouverez sur LCP. C’est toutefois un sujet plus vaste, qui mérite de revenir en arrière et qui fera peut être l’objet de plus amples développements de la part de l’auteur dans le futur.
Bien à vous,
Bonjour, quel culot « l’état met en place un bouclier énergétique » ! L’état est pompier pyromane, Macron et les verts et avant eux Hollande et les verts, ont tout fait pour saboter notre excellence nucléaire et désormais ils se gargarisent de nous protéger. Heureusement que le culot et la mauvaise foi ne tuent pas. https://climatetverite.net/2023/03/08/arnaud-montebourg-audition-de-lancien-ministre-du-redressement-productif-1-03-2023/ Merci. Bon Carbone
Sans oublier les taxes dont le produit a servi à financer … l’isolation des garages à 1 € ! Incroyable gaspillage assorti d’escroqueries qui s’y sont greffées. Dans le même temps, la France poursuit sa folle et coûteuse politique d’interdiction des voitures thermiques au détriment de véhicules électriques pas si verts… IMPORTES de surcroît car fabriqués dan des pays qui polluent ans vergogne. UNE HONTE.
Le marché de l’électricité est une énorme duperie, pour favoriser les énergies éolienne et solaire l’Etat a distribué des subventions aux utilisateurs, l’Etat a fait vendre à perte à des fournisseurs soi-disant alternatifs des tw:h et on feint de s’étonner que la pauvre EDF se retrouve déficitaire et avec une dette énorme.
Les Allemands ont cédé aux verts sur le nucléaire et se retrouvent à devoir utiliser des centrales à charbon.
Quant aux contorsions de l’UE on peut se demander qui elles avantagent !
Les joueurs de bonneteau du gouvernement devrait arrêter de nous prendre pour des imbéciles…
Bonjour Alaind, ils devront répondre de cette duperie devant les citoyens contribuables. Merci. Bien à vous