La hausse des prix n’épargne pas la Grèce. Celle-ci a des origines conjoncturelles mais aussi structurelles comme une fiscalité élevée qui, à son tour, entraîne une importante évasion fiscale. Ne serait-il pas temps d’essayer une autre politique ?
A Athènes et dans les autres grandes villes de Grèce, l’essence sans plomb était sur le point d’atteindre les 2,5 euros par litre au mois de juin. Dans les 227 îles habitées de l’archipel, ce niveau était déjà dépassé depuis longtemps.
La street food n’échappe pas à la hausse. En un an, la pizza est passée de 8€ à 11,50€ (+44%) et le burger de 4€ à 9€ (+125%). Quant au caddie de la ménagère, il valait 109€ en janvier, 133€ en mars et 154€ en juin (pour les mêmes produits et les mêmes quantités), soit une augmentation de 41% en 6 mois. La hausse s’est poursuivie tout l’été et ne semble pas vouloir s’arrêter avec l’automne qui arrive.
Réduction des dépenses publiques, mais aussi… augmentation des impôts
A ces difficultés du quotidien viennent s’ajouter des problèmes structurels qui empoisonnent la vie des Grecs depuis des années, plus précisément depuis la crise de 2008. Rappelons que cette crise trouve son origine dans l’emballement de la dette publique (300 milliards d’euros) qui a fait naître des craintes sur la capacité du pays à la rembourser. L’Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI) viendront au secours de la Grèce à coups de prêts, de fonds de stabilisation, de task force destinée à soutenir la mise en œuvre des réformes, d’abandon de dettes, de recapitalisation des banques, etc.
Tout cet argent – plus de 273 milliards d’euros – en provenance principalement du FMI et de l’UE avait une contrepartie : la réduction des dépenses publiques et l’augmentation des impôts. Ces mesures d’austérité ont entraîné une contraction de l’économie à court terme, de l’ordre de 25 %. Mais l’effet de ces mesures se fait encore sentir aujourd’hui à travers l’augmentation du coût de la vie.
Par exemple, le taux normal de TVA est passé progressivement de 18 % à 24 % entre 2005 et 2016, devenant l’un des taux les plus élevés d’Europe. Parallèlement, la liste des produits et services bénéficiant d’un taux réduit de TVA a été sévèrement réduite. Même les transports aériens et maritimes, pourtant vitaux dans ce pays archipélagique, ont été soumis au taux normal de TVA. Le gouvernement grec a également introduit des droits d’accises sur le café ; il a augmenté la taxation sur le tabac, la passant de 75 % (2008) à 90 % (à partir de 2016) et doublé la taxe sur la bière et autres boissons alcoolisées. Proportionnellement à son niveau de revenu, la Grèce a désormais la taxation sur l’alcool la plus élevée d’Europe.
L’impôt sur les sociétés a été augmenté pour atteindre un taux de 22 %, et les entreprises sont imposées, toute fiscalité confondue, en moyenne, à 29 %, contre une moyenne européenne de 22,5 %.
Une taxe sur les nuitées hôtelières a également été introduite en 2016 qui a pénalisé le secteur du tourisme. Selon une étude de Grant Thornton, cette taxe, qui a rendu le pays moins attractif, a entraîné une diminution des revenus hôteliers de 435 millions d’euros.
Augmentation de l’évasion fiscale de 276 %
Ces hausses d’impôts et de taxes ont automatiquement conduit à une hausse parallèle du marché noir, entraînant une baisse nette des recettes de l’État. Pour être précis, l’évasion fiscale – définie comme l’ensemble des comportements du contribuable visant à réduire le montant des prélèvements dont il doit normalement s’acquitter – a augmenté de 275,94 % entre 1980 et 2018.
Selon un sondage d’opinion réalisé par diaNEOSIS, 41 % des citoyens grecs estiment que « l’évasion fiscale est une défense légitime contre une imposition excessive » et 37 % pensent que les taux d’imposition élevés sont la cause de l’évasion fiscale. Une étude récente met d’ailleurs en évidence une forte corrélation positive entre le niveau d’imposition et l’évasion fiscale, et le niveau d’imposition et l’économie souterraine comme l’illustre le graphique ci-dessous (les niveaux sont exprimés en pourcentage du PIB).
Source : Kefim
Comme se le demande Nikitas Kitsantas dans son étude pour le think tank Kefim, la Grèce, toujours confrontée au défi de la réduction de sa dette nationale, doit-elle se maintenir sur la voie de la fiscalité excessive ? Le gouvernement grec ne pourrait-il pas augmenter ses recettes fiscales en réformant son administration publique et sa bureaucratie, en révisant et simplifiant sa fiscalité ? Si le pays veut attirer les investisseurs, faire revenir les centaines de milliers de cerveaux qui ont quitté le pays, réduire l’évasion fiscale et relancer l’économie, il n’a probablement pas d’autres choix que d’emprunter la voie libérale.
5 commentaires
Tout ce que vous décrivez est l’application, imposée aux autorités grecques par la troïka, de la politique économique déterminée par les « experts » de l’union européenne. A l’origine du surendettement de la Grèce, on trouve l’adhésion à l’euro exagérément surévalué et l’obligation faite aux gouvernements et aux ménages grecs d’emprunter massivement aux taux bas permis par l’euro pour compenser l’effondrement de la production, notamment industrielle, et permettre aux Grecs d’acheter des Mercedes et des Audi, ce dont ont profité les Allemands. En 2007, la Commission européenne parlait du « miracle grec », sans voir qu’il était fondé sur la dette !
L’idéal des jeunes Grecs a toujours été de devenir entrepreneur, tel que je l’ai constaté depuis 1972 que je fréquente et étudie la Grèce (je parle grec). Puis, progressivement, depuis 20 ans, ils ont choisi soit d’émigrer, soit de devenir fonctionnaire. Normal, l’économie était en train de s’emboliser.
Le résultat est l’effondrement du pays sur tous les plans, confirmé par le recensement de 2021, dont les donnees viennent d’être publiées : baisse de la population de 3,5% en dix ans.
La solution aurait été de solder la majeure partie de la dette par une prise en charge par la BCE. Ça nous aurait coûté environ 250/280 milliards en compensation des surprofits réalisés par les industries et les banques allemande, italienne, française et autres. Puis, la Grèce aurait dû retrouver la drachme pour redevenir compétitive. Les eurocrates ont préféré la déflation interne, donc la misère pour les Grecs et la bureaucratisation de l’économie.
Mais il n’y a rien à faire, les Grecs comme les français ne comprennent pas comment fonctionne une économie !?. Si l’on veut avoir un revenu correct, sans baisse de pouvoir d’achat, IL FAUT TOUT PRIVATISER sauf les fonctions régaliennes des états.
Fermer les administrations publiques, simplifier à outrance la fiscalité. L’on n’a pas besoin de millions de fonctionnaires si l’on décide que le contribuable devra simplement régler un pourcentage de ses revenus !
C’est pourtant simple, mais regardez en France, l’on complique volontairement la fiscalité ??
Une aberration !
Et après les contribuables disent qu’ils paient trop d’impôts et de taxes ?????
La connerie est sans limite !!
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J’étais en Grèce cet été et confirme cette analyse. Beaucoup de commerçants vous proposent de payer en cash hors TVA et même à un prix négocié, du moment que ce n’est pas par carte de banque. C’est en fait de la légitime défense. D’où l’idée européenne et saugrenue de supprimer le cash, ce qui ne fera qu’aggraver les choses. Si cela se produit, on fera comme en URSS où il était impossible d’acheter quoi que ce soit d’intéressant ou d’important avec le rouble vu les pénuries en tout. On pratiquait donc le troc. Le travail au noir se paiera donc en nature avec bouteilles d’alcool, tabacs, objets en tout genre qui peuvent s’échanger, etc. L’état n’aura jamais tout à fait le dernier mot, même pas dans un système totalitaire où tout est étroitement surveillé. L’article présente une excellente analyse en (re)posant les vraies questions: La Grèce doit-elle se maintenir sur la voie de la fiscalité excessive ? Le gouvernement grec (de droite – une droite parmi les plus bêtes du monde comme en France) ne pourrait-il pas augmenter ses recettes fiscales en réformant son administration publique et sa bureaucratie, en révisant et simplifiant sa fiscalité ? Je viens d’un pays pénible ultrafiscalisé (euphémisme) mais vu la situation en Grèce, même si le pays est magnifique, j’ai remercié le Ciel de ne pas y être né. L’article évoque la fuite des cerveaux. Exactement, la Grèce n’offre aucun avenir sérieux pour ceux qui ont besoin de nourir leurs capacités intellectuelles. Ca fait mal de le dire car c’est triste à voir.
La très vieille maxime « l’impôt tue l’impôt » qui est déjà bien réelle en Grèce se profile doucement en France. C’est bien pour ça que le gouvernement veut obsessionnellement supprimer le cash. Tous les pays qui ont subi le « on rase gratis » sont condamnés à brève échéance et le 1er du troupeau sera vraisemblablement la France. Surtout si on garde nos « mickeys de kermesse » aux manettes. Les Grecs réagiront, ils l’ont toujours fait, lentement certes, mais ils réagiront. Et puis n’oublions pas que l’UE bolchevisée a bien manœuvré pour les « couler ». C’est bien en regardant ce qu’on a fait à la Grèce qu’on peut se rendre compte qu’il n’y a aucune fraternité entre les adhérents de l’UE. Les Anglais s’en sont rendus compte et n’ont pas manqué de le dire et le redire. Malheureusement les médias et les politiques se sont bien gardés de nous en informer.