Ce 19 avril, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la plate-forme Deliveroo et trois de ses anciens dirigeants pour « travail dissimulé ». Il considère que l’organisation mise en place par la société de 2015 à 2017 constituait « un habillage juridique fictif » pour réduire les cotisations sociales. Pour les juges, ces milliers de coursiers officiellement indépendants étaient en réalité soumis par un « lien de subordination permanent » à la plate-forme et ne constituaient qu’« une variable d’ajustement permettant de disposer d’une flotte adaptée et réactive face au nombre de commandes enregistrées chaque jour ».
Le développement des plateformes de service a pourtant apporté beaucoup à l’économie.
Elles offrent des petits boulots à ceux qui en ont besoin à titre d’appoint, comme les jeunes, étudiants ou non, mais aussi elles permettent de faire revivre des emplois de service simple, nécessitant peu de formation et adaptés aux capacités d’une partie de la population, comme ceux de pompiste autrefois. A défaut cette population reste au chômage. L’effet UBER a été remarquable à cet égard. La plupart des chauffeurs sont des jeunes des banlieues qui ont apprécié et accepté ce travail parce qu’il les met au volant d’une belle voiture et leur donne une liberté personnelle d’organisation. Ils se sont rapidement transformés en chauffeurs de qualité, bien habillés, ponctuels et aimables. Parce qu’ils ont compris que c’était aussi le moyen d’obtenir un pourboire. En définitive, l’ubérisation a rééduqué spontanément et remis au travail des milliers de jeunes à l’abandon sans avoir besoin des milliards de plans sociaux ressemblant à des tonneaux des Danaïdes.
Ces emplois de service créés par les plateformes numériques ne sont pas toujours bien payés, mais ceux qui savent être efficaces ne s’en sortent pas toujours si mal. Ils y trouvent surtout un travail dans lequel, contrairement à ce que prétendent les contestataires, ils évitent l’asservissement du salariat. Ils n’ont pas de chef, mais un client. Ils y disposent d’une certaine flexibilité dans la gestion de leur temps. Ils sont responsables d’eux-mêmes. C’est un moyen de s’épanouir.
Les juges partent du même présupposé que les syndicats idéologues qui ont attaqué DeliverooÂ
Au siècle de la révolution industrielle, Le Play, particulièrement attentif à la protection des travailleurs, considérait déjà que le meilleur mode de rémunération était celui d’une rétribution proportionnelle à la quantité de travail accompli : « L’ouvrier s’élève au rang d’entrepreneur en se chargeant, à prix fait, d’une subdivision du travail de l’atelier ; parfois même il engage des salariés à son propre compte et devient un véritable chef de métier. » Le syndicaliste chrétien Hyacinthe Dubreuil a développé la même philosophie à l’aube du XXème siècle en souhaitant que l’entreprise soit éclatée en ateliers autonomes dont les travailleurs seraient libres d’exécuter au mieux leurs tâches pour autant qu’ils satisferaient aux termes des obligations contractuelles de production qu’ils auraient convenues avec la direction de l’entreprise et les autres ateliers en amont et en aval. « L’autonomie, écrivait-il, c’est la liberté. C’est toute la liberté compatible avec l’existence d’une société organisée, au sein de laquelle on ne peut vivre et travailler qu’en collaboration. »
Certes, il ne faut pas être par trop candides, naïfs, voire utopistes. Il y a bien sûr toujours un rapport de force entre la plateforme et ses prestataires. Peut-être que Deliveroo, dans l’affaire jugée le 19 avril, avait été trop intrusif, trop contraignant à l’égard de ses prestataires. Mais rien n’empêche ceux-ci de se concerter pour obtenir de meilleurs tarifs ou refuser telle ou telle sujétion. Rien ne leur interdit d’aller offrir leurs services à d’autres.
Par ailleurs, il est évident que le salariat convient mieux à certaines personnes et est sans doute mieux adapté à divers métiers. D’ailleurs, la justice a fait la nuance avec d’autres plateformes comme celles de vente de biens (Vinted ou eBay) ou de fournitures de services (Airbnb) qui se contentent de mettre en relation les livreurs de biens ou services et leurs clients. Mais cette analyse est restrictive. Les juges partent du même présupposé que les syndicats idéologues qui ont attaqué Deliveroo : ils considèrent que le contrat de travail doit être la règle et la prestation indépendante l’exception. Ce devrait être l’inverse : le travail indépendant devrait être présumé. Car l’homme n’a pas vocation naturelle à être subordonné, dépendant, mais à maîtriser sa vie. En devenant son propre patron, même de façon fort modeste, il apprend naturellement à être libre plus que servile, à conduire par lui-même l’entièreté de sa vie, à être un Homme.
3 commentaires
Je ne sais pas si on parle du même problème mais Deliveroo, pour moi, ce ne sont pas de belles voitures mais des livreurs à vélo. Indépendamment de leur problème de statut, moi je m’interroge sur ces gens. Qui sont-ils? Vous dites des jeunes de la banlieue. J’ai dû mal à le croire car, en groupe, ils parlent tous des langues africaines et non le français. Je les connais bien ces gars car il y en a pas mal dans mon quartier qui attendent qu’on les appelle. Notamment devant le Starbucks de la rue de Rivoli. Le matin, il y en a une dizaine qui attendent pour aller livrer des petits déjeuners. Qui se fait livrer son petit déjeuner à la maison? Une mère de famille? Un foyer modeste? Un étudiant? Un retraité? Mystère? Se faire livrer son café avec un croissant cela me semble d’une indécence sans nom. Les gens qui attendent pour faire la livraison ne semblent pas être des gars de nos banlieues mais plutôt des migrants. On régulariserait donc des migrants pour que des bobos en télétravail puissent se faire livrer leur petit déjeuner. Nous sommes vraiment une société décadente. Autre quid? La propreté des sacs destinés à transporter de l’alimentation. Vu de l’extérieur, ils sont dégueu. Ca donne envie de se faire livrer. Sans compter que, pendant les temps d’attente, les sacs sont laissés au sol, sur les trottoirs, qui sont d’une grande propreté comme chacun sait. Pisse de chien, et pas que de chien, crachats, fiente de pigeon, caca de chien, et pas que de chien … Ca serait un grand scandale si, comme je le suppose, on régularise des gens pour que d’autres se fassent livrer à domicile leur café! J’aimerais bien qu’une enquête soit faite et qu’on soit informée. D’ailleurs, je vais moi-même m’informer en parlant aux gars ou en me faisant livrer mon petit noir à domicile.
Bien sûr, pour nos seigneurs, le travailleur parfait, c’est le salarié. Et le plus que parfait, c’est le fonctionnaire. Ceux qui ne sont ni l’un ni l’autre sont a priori suspects, une secte de déviants…
Pour paraphraser COLUCHE, je dirais : « Le salariat, c’est l’exploitation de l’homme par l’homme; le fonctionnariat, c’est le contraire ».