À la lecture des préconisations du rapport Delevoye, les principales innovations de la prochaine réforme tournent autour de :
– la généralisation du système par points,
– la promesse d’une suppression à terme des régimes spéciaux,
– la création d’un système universel absorbant sous l’égide d’une Caisse nationale universelle de retraite les 42 régimes distincts recensés auparavant,
– une large unification des taux de cotisation,
– et enfin la mainmise de l’État sur le pilotage et la gestion des 325 milliards annuels d’euros des retraites, ainsi qu’accessoirement sur les quelque 130 milliards et plus d’euros de provisions constituées par certains des régimes absorbés.
Nous reviendrons à loisir au fil des prochaines parutions sur les autres points, mais nous entendons aujourd’hui attirer l’attention de nos lecteurs sur le basculement de leurs retraites sous un monopole d’État, quasiment sans garde-fou. Car, pour de très nombreuses raisons détaillées ci-après, ce « transfert » n’est ni sans risques, ni sans dangers.
01 – LE CHAMP D’INTERVENTION DE L’ÉTAT
On ne voit vraiment pas pourquoi il est indispensable d’étendre encore le champ d’intervention de l’État, alors que l’expérience quotidienne montre que dans les banlieues et ailleurs, il faillit régulièrement dans l’exercice de ses compétences régaliennes qu’il n’arrive plus, pour la plupart, à assumer correctement. On perçoit d’autant moins la nécessité et la pertinence d’une compétence additionnelle que, précisément, l’État ne brille pas davantage dans l’exercice de ses compétences non régaliennes, comme le montrent suffisamment les crises, les grèves et les mouvements de protestation qui fleurissent partout dans le pays pour dénoncer la gestion proprement calamiteuse des personnels et la pénurie croissante des moyens. Donc on peut légitimement craindre que cette nouvelle fonction ait beaucoup de mal à se surajouter aux autres, surtout qu’il n’est pas sûr du tout que la puissance publique dispose en qualité et en nombre des effectifs nécessaires, les retraites du privé exigeant une vision et un doigté que réclame moins le secteur public où le contribuable joue automatiquement et à son corps défendant le rôle de variable d’ajustement.
02 – L’INJUSTE PRÉÉMINENCE DU SECTEUR PUBLIC
Comment expliquer et justifier que ce soit le secteur public qui prenne le contrôle et assure la gestion de l’ensemble des retraites, alors qu’il représente (contractuels compris) environ à peine un cinquième des actifs et un tiers des retraités (mais 22% sans les contractuels) ? Comme si par essence le secteur privé était peuplé d’incapables, d’escrocs ou d’analphabètes? D’autant que sur l’ensemble de ces décennies, l’expérience a montré que les fonctionnaires et plus largement les personnels des services publics n’oubliaient jamais leur propre avantage dans les réformes et ajustements qu’ils proposaient. Notre démocratie sociale fonctionne tout simplement à l’envers, les fonctionnaires et les syndicats – pour la plupart publics ou à prééminence publique- décidant souverainement du sort d’une majorité qui ne leur appartient pas.
03 – UN ÉTAT STRUCTURELLEMENT DÉFICITAIRE ET LOURDEMENT ENDETTÉ
Incapable de la moindre économie dans ses dépenses, l’État multiplie les déficits et creuse avec obstination son endettement (et le nôtre par voie de conséquence) qui flirte insolemment avec les 100% de notre propre PIB. D’ailleurs sa notation financière a glissé au cours de la dernière décennie, même si elle a fini par se stabiliser, sans pourtant que les fondamentaux aggravés encore par un commerce extérieur catastrophique se rétablissent. Et on peut très sérieusement se demander comment cet État incapable depuis plus de 40 ans de stabiliser à l’équilibre un budget annuel de 3 à 400 milliards d’euros, va faire pour piloter, gérer et équilibrer un nouvel ensemble qu’il connaît mal et qui va presque doubler d’un coup les sommes confiées à sa gestion dispendieuse.
04 – UN ÉTAT QUI A TOUJOURS REFUSÉ DE CRÉER UNE CAISSE DE RETRAITE POUR SA PROPRE FONCTION PUBLIQUE
Depuis des décennies, malgré les recommandations pressantes et réitérées de la Cour des comptes, l’État n’a jamais voulu créer la moindre caisse de retraite pour sa propre fonction publique, alors qu’il a contraint tous les autres acteurs à se doter d’une caisse de retraite spécifique. On peut donc être légitimement inquiet qu’en un tournemain et sans plus d’expérience, l’État veuille désormais assumer dans le cadre d’une seule caisse aussi universelle qu’à sa botte (que pèse le conseil d’administration face à une loi de finances ou de financement de la Sécurité sociale?) le contrôle de l’ensemble des retraites, dont la plupart lui échappaient auparavant. Rappelons aussi qu’actuellement, le système public de l’assurance-vieillesse qui sert les pensions de base ne brille pas par ses performances, puisqu’environ 1 dossier de liquidation sur 7 (soit quand même 14%) demeure erroné et que la situation ne s’améliore guère au fils des ans. Il n’est pas inutile de rappeler que l’État peut en outre s’enorgueillir d’une « catastrophe industrielle » en matière de régime social, puisque c’est ainsi que la Cour des comptes a qualifié le désastre du RSI, qui s’est traduit pendant de très longues années par un fiasco coûteux et des poursuites scélérates contre les assurés de la part d’un système qui ne savait précisément plus où il en était dans ce qu’il tentait de présenter comme ses comptes.
05 – DES DÉFAILLANCES RÉPÉTÉES ET GRAVES
Les défaillances répétées de l’État ne rassurent guère davantage quand on aligne la faillite rocambolesque du Crédit Lyonnais (dont les archives ont fort opportunément brûlé…), le « défaut » d’Areva qui traîne déjà avec elle quelques relents douteux, la cacophonie de l’écotaxe dont tous les portiques nous rappellent l’incroyable improvisation, la privatisation à vil prix des concessions autoroutières, la gestion calamiteuse des hôpitaux, la panique des urgences, le naufrage de notre enseignement public, les trop fréquents déficits de la SNCF dont la dette échoit tout naturellement au contribuable, le dépérissement à vue d’oeil du colosse EDF (on pense alors à l’apologue du sable de Coluche…) englué dans des EPR dont visiblement il ne maîtrise pas davantage la construction en France (Flamanville) qu’à l’étranger (Finlande et Royaume-Uni où les délais flambent) . Qui nous assure donc que l’arrivée de ce gestionnaire hors pair, qui a toujours eu les yeux de Chimène pour son très cher secteur public, ne va pas plomber la gestion et l’avenir de nos retraites?
06 – LE PROJET DE HOLD-UP SUR LES « RÉSERVES »
Même si elle s’en doutait déjà, l’opinion a vite compris que les vues de l’État sur les réserves – qui sont en réalité de simples provisions comptables – des professions libérales, de l’Agirc-Arrco et de quelques autres régimes excédentaires s’apparentaient à une sorte de hold-up pour financer discrètement et en sous-main des transitions supposées difficiles sur les régimes spéciaux. Évidemment le même État ne répondait pas à la question de savoir pourquoi, s’il contraignait des régimes équilibrés et bien gérés à garantir et à représenter par des « réserves » leurs engagements actuels, lui même, qui se trouve responsable de régimes lourdement déficitaires, s’exonèrerait de devoir apporter au Fonds de réserve les quelques milliers de milliards d’euros que représentent les engagements correspondants. En outre dans l’opinion, cette image d’un État prédateur était tout simplement désastreuse, puisqu’elle affectait les 31 millions de ressortissants (cotisants + retraités) de l’ensemble AGIRC-ARRCO et qu’elle faisait planer implicitement un risque de hold-up sur les futures retraites. C’est sans doute l’ensemble de ces dangers juridiques et politiques qu’a effectivement perçu le président de la République en annonçant à Rodez, lors du lancement du second grand débat national, que l’État renoncerait à ce prélèvement, notamment parce qu’il remettait en cause le droit de propriété garanti par la Constitution. Cette dernière n’ayant pas changé sur ce point depuis plusieurs années, on peut sérieusement douter que le haut commissaire à la réforme des retraites ait pu proposer un tel prélèvement, sans avoir obtenu auparavant l’aval de la Présidence et c’est donc bien d’un revirement au sommet qu’il faut parler, même s’il est encore beaucoup trop tôt pour se réjouir de ce recul, dont nul ne sait encore s’il est tactique ou stratégique.
07 – DES TRANSITIONS INCERTAINES
Les longues transitions de 15 ans ménagées par la réforme, qui chevauchent déjà pas moins de quatre législatures à partir de 2025, sont suffisamment inquiétantes pour qu’on n’ouvre pas la porte à leur allongement en nimbant la disparition des régimes spéciaux d’une sorte de brume, dans laquelle la réforme pourrait bien se perdre. D’autant plus qu’il faudrait, parait-il, la faire précéder d’une refonte importante de la grille de la fonction publique pour compenser par des augmentations de salaire préalables les primes que les enseignants et les aides soignants ne touchent pas, ce qui aura inévitablement pour effet de provoquer de nouvelles revendications de tous les corps exclus de cette aubaine. Surtout qu’il existe un moyen très simple de lancer la réforme sans délai: décider que les points qui seront attribués aux rémunérations publiques ne le seront qu’à concurrence du taux effectif de cotisation de 25,31% sur le salaire brut en son entier (le supplément de 2,81% de mutualisation et de solidarité n’apporte aucun point), ce qui prévaut sans aucun problème pour plus des trois quarts des salariés de France.
08 – DES PRÉVISIONS ERRONÉES ET SOUS INFLUENCE
Depuis longtemps la prévision n’est pas le fort de cet État, qui se fait régulièrement railler sur les écarts significatifs qui séparent ses anticipations budgétaires ou autres de la réalité (cf. notre article publié en novembre 2017 dans ces colonnes: Une spécialité bien française : le faux en budget public !)? Il faut d’ailleurs convenir que sur ce point et pour les retraites il ne se trouve pas vraiment épaulé par le Conseil d’orientation des retraites, dont les esquisses épousent un peu trop étroitement les courbes sinusoïdales des cycles électoraux : les équilibres ont le bon goût de se rétablir à la veille des échéances électorales majeures, mais ils ont une fâcheuse tendance à se détériorer immédiatement après. À ce point qu’il faut regretter que le pays n’institue toujours pas pour son président et pour ses députés l’annualité des mandats ! On peut déjà craindre quelque peu pour la prochaine prévision à 2025 qui devra fonder les mesures à prendre pour rétablir l’équilibre au 31 décembre 2024 lors du passage du régime actuel à la réforme. Le, pire est cependant sans doute à venir car un régime de retraite ne se pilote pas indéfiniment à la corne de brume et il faudra bien un jour que l’institution se dote de prévisionnistes sérieux et surtout qu’on leur laisse l’indépendance nécessaire pour qu’ils puissent faire correctement leur travail.
09 – DES CONFLITS D’INTÉRÊTS EN PAGAILLE
C’est le moment de d’évoquer ici les conflits d’intérêts qui gangrènent toute notre vie publique et auxquelles naturellement les retraites n’échappent pas. De quoi s’agit-il ? De trois choses embarrassantes :
– d’abord, bien qu’il soit fortement minoritaire, le secteur public dicte sa loi à l’ensemble des retraites, alors que le secteur privé très majoritaire n’exerce réciproquement aucun contrôle sur les rémunérations et les retraites publiques. Or toute l’histoire récente le montre, cette prégnance du secteur public n’est pas désintéressée et celui-ci s’arrange régulièrement pour arracher ou préserver longtemps des avantages que les autres n’ont pas. Ainsi il a fallu plus de dix ans pour amener les cotisations salariales des fonctionnaires quasi à hauteur de celles des salariés du secteur privé. Les règles de la réversion dans le secteur public échappent encore à la condition de ressources qui prive de nombreuses veuves du secteur privé de toute réversion sur la pension de base de leur défunt mari. Donc le fait que ce soit le secteur public qui ait la main sur la législation des retraites n’est pas neutre et l’on se trouve ainsi rendu au premier conflit d’intérêts, puisqu’il en tire visiblement avantage, alors même que l’État envisage de prendre à sa charge – un comble ! – les cotisations salariales sur les primes de ses fonctionnaires prochainement incorporées au salaire cotisable, de manière à maintenir inchangé le montant net des payes.
– le second conflit d’intérêts est plus subtil : il vient de ce qu’en France, les fonctionnaires ont le droit de se porter candidats aux élections nationales -présidentielle, législatives et sénatoriales- en profitant en outre de conditions de disponibilité et de retour inconnues dans le secteur privé. Si bien qu’on se trouve fort logiquement avec une forte représentation de fonctionnaires dans tous les lieux de pouvoir de la République : présidence, gouvernement, cabinets ministériels, Assemblée nationale et Sénat. Or bien qu’ils demeurent statutairement les serviteurs de l’État par leur élection, ils en deviennent en réalité les maîtres, puisqu’eux-mêmes vont peser sur les décisions relatives à leurs propres rémunérations et à leurs futures retraites. Ce risque et cette anomalie n’ont d’ailleurs pas échappé à beaucoup de nos voisins qui ont purement et simplement interdit, sauf démission préalable, aux fonctionnaires de se présenter aux élections précitées ou d’exercer un mandat politique.
– pour faire bonne mesure, remontons aux organes supérieurs. Le Conseil d’État saisi pour avis de tous les projets importants détourne-t-il pudiquement les yeux de tout texte pouvant avoir une incidence quelconque sur la carrière et les rémunérations de ses membres ? La Cour des comptes sait-elle qu’en statuant et en rapportant sur des grilles ou des chiffres de rémunérations et de pensions qui concernent ses propres membres, elle se trouve dans une situation d’incompatibilité qui imposerait à un commissaire aux comptes privé de décliner la mission ? Comment ces deux corps peuvent-ils en outre nourrir si abondamment les structures du pouvoir, alors qu’une stricte indépendance et une absolue neutralité politique devraient être la clef de voûte de leur déontologie ?
Manifestement et même si la question commence – à peine – à faire débat dans notre pays, nous n’avons pas moins d’un siècle de retard en matière de conflit d’intérêts publics par rapport à nos pairs anglo-saxons et scandinaves. Il serait temps d’y prendre garde et peut-être aussi de réagir, car nous n’avons rien à gagner à ce que cette épineuse question vienne un jour ou l’autre polluer les débats essentiels auxquels nos retraites donneront inévitablement lieu.
10 – AUCUN CONTRÔLE DES COMPTES PRÉVU POUR LA FUTURE CNUR
Venons-en au contrôle de nos retraites, c’est-à-dire au contrôle de la fameuse Caisse nationale universelle de retraites (CNUR), dont on ne peut imaginer qu’en brassant quelque 325 milliards de dépenses et autant de recettes, elle puisse échapper à toute démarche de contrôle et de certification de ses comptes. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, le sujet relève visiblement du secret-défense puisque les préconisations Delevoye n’en soufflent mot, alors qu’il faut pourtant organiser et installer rien de moins que le plus grand commissariat aux comptes de France et que la future CNUR ne sera pas un établissement public comme les autres. Les appels à candidatures devront être particulièrement sélectifs. Certainement pas la Cour des comptes à la fois pour les raisons que l’on vient de fournir et aussi parce que dans ses rapports passés elle a souvent pris parti contre les retraités, dont les intérêts sont pourtant d’autant plus directement en jeu dans la régularité des comptes qu’ils sont exclus comme des malpropres du monde officiel des retraites. Certainement pas, non plus, l’Inspection des Finances qui n’a de toute manière pas les effectifs suffisants et qui s’est déjà prononcée à plusieurs reprises en faveur d’une réduction drastique de la masse des retraites, au profit d’une politique plus généreuse envers les jeunes. Pas, non plus, un seul cabinet d’audit quelle que soit son importance, qui serait alors à soumis à toutes les pressions. Mais plutôt un commissariat collégial comportant aussi des signatures étrangères, pour éviter une sensibilité excessive à nos gallicismes comptables, ainsi que des pressions trop faciles à centrer et à exercer sur des entités purement nationales. Car et surtout, il ne faut pas qu’il y ait entre la Caisse nationale et ses auditeurs la moindre possibilité de connivence, ni de fonctions ni de statuts, cette maladie endémique de notre République qui fausse complètement tous les rapports et réduit trop souvent la rue Cambon au rôle décevant de simple (mais cher!) chroniqueur des désordres récurrents de nos collectivités publiques. Le collège de commissaires aux comptes rendrait directement ses conclusions au Parlement.
11 – L’EXCLUSION INDIGNE DES RETRAITÉS
Une question embarrassante : pourquoi donc les retraités sont-ils chassés par la réforme des quelques postes d’administrateurs qu’ils avaient difficilement réussi à grappiller au fil des ans dans certaines caisses de retraite, notamment libérales ? Sont-ce des débiles profonds, des repris de justice, des malpropres, des fraudeurs de grand chemin, des porteurs de maladies honteuses ou contagieuses – allons, aggravons leur cas : des populistes ? Quelle est donc la raison officielle de leur exclusion ? Nous craignons fort de savoir par avance la réponse à ce négationnisme social, en doutant pourtant que quiconque ait le courage de nous la fournir, tant il est clair que les cotisants et leurs syndicats se trouvent fort aise de pouvoir librement décider entre eux et tout seuls des retraites qui concernent les autres. Très curieusement, les retraités sont bons pour payer, ils sont bons pour animer les associations et participer à la vie communale, mais ils ne sont pas bons pour siéger, ni pour défendre leurs droits, en tout cas pas au sein de la future CNRU, dont les deux qualificatifs de « nationale » et « d’universelle » interpellent, lorsqu’on sait qu’il s’agit d’exclure pas moins de 17 millions de retraités. Valéry, qui s’y connaissait, prétendait déjà que » la politique, c’est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde« . Mais rassurez-vous on ne va pas pourtant jusqu’à leur retirer leurs cartes d’électeurs, puisque, malgré toutes les avanies que leur réserve le pouvoir et contre toute attente, ils semblent s’obstiner à voter pour lui. Il reste que cette question de l’indispensable représentation des retraités devient chaque jour plus prégnante, proprement intolérable. On se demande de quel traité, de quelle disposition constitutionnelle, de quelle loi, l’État tire le pouvoir de les parquer hors les murs et de fracturer ainsi indignement l’unité nationale. Comme si l’exclusion en fonction de l’âge et du statut social n’était pas aussi grave que toutes celles que la loi réprime dans d’autres domaines et que la justice poursuit sans relâche. Le tout sous le regard passivement complice des plus hautes institutions de la République (Conseil constitutionnel, Conseil d’État, Défenseur des droits etc.), pour qui visiblement les retraités ont acquis une telle transparence, qu’elles ne les voient plus et qu’elles ont même oublié qu’ils existaient encore.
12 – UNE PAROLE D’ÉTAT QUI DÉVISSE
On n’aura pas la cruauté d’énumérer toutes les fois où depuis la réforme Balladur de 1993 (qui oubliait opportunément les fonctionnaires …pour tenter de récupérer leurs voix lors de la présidentielle de 1995), l’État a fait miroiter aux cotisants et aux retraités que les sacrifices qu’il exigeait d’eux étaient bien les derniers, car la réforme à venir, qui résoudrait une fois pour toutes tous les maux, était -promis, juré ! – définitive. Les retraités – ceux qui le sont déjà, comme ceux qui le deviendront- doivent également se rappeler que, lorsqu’il était candidat, le président de la République, avait à moult reprises et notamment en février et mars 2017 solennellement assuré sur les médias qu’il garantirait le pouvoir d’achat des retraités jusqu’en 2025, qu’il s’interdisait d’ici là toute économie sur leurs dos, laissant même entendre qu’il était le seul de tous les candidats à pouvoir sérieusement tenir cet engagement. Las, dans notre pays les promesses n’engagent jamais que ceux qui les croient : il fut effectivement le premier… à désindexer brutalement, dès le 26 août 2018 et sans la moindre explication, les retraites de base pour 2019 et à poursuivre leur sinistre rabotage sur 2020. Quand on ment aussi cyniquement au sommet de l’État, les Français peuvent légitimement se demander ce que vaudront leurs retraites, lorsqu’elles seront suspendues aux humeurs des uns et des autres, en épousant au fil des ans les flux et les reflux électoraux comme un bouchon ballotté de toutes parts au gré des courants contraires. On n’ose pas songer à une garantie constitutionnelle du pouvoir d’achat des retraites, mais pourtant on se prend à se dire qu’avec les incessantes alternances, avec aussi le personnel politique que nous avons, prêt à tous les reniements et à tous les coups fourrés, elle s’inscrirait opportunément dans la droite ligne du principe de précaution, pour éviter que l’État ne voie dans les pensions une fort commode tirelire pour financer tous ses errements. Car les récents épisodes, qui ont vu des dizaines de milliers de soignants hospitaliers et des policiers en masse rappeler à l’État qu’il leur doit toujours depuis plusieurs années des millions et des millions d’heures supplémentaires, sont de nature à faire froid dans le dos, en sachant que ce qui arrive aujourd’hui aux heures supplémentaires des uns pourrait fort bien arriver demain aux pensions des autres. Notamment lorsque le pouvoir aura besoin de combler toutes les largesses qu’il consent à des tas de gens qui n’ont jamais payé la moindre cotisation en France. Or pour toutes ces raisons et aussi parce qu’on sait depuis la crise 2008 qu’aucune entité n’est jamais trop grande pour pouvoir résister au « défault », puisque la Grèce et l’Argentine ont toutes deux failli et que l’Italie d’aujourd’hui inquiète, les Français feraient bien d’être circonspects. Et d’y regarder à deux fois avant de quitter un système certes imparfait, mais qui comporte des garanties autonomes à plusieurs étages, avant de se précipiter les yeux fermés pour mettre tous leurs œufs dans un même panier, dont tout le monde sait aujourd’hui qu’il est largement percé et quelque peu chahuté.
CONCLUSION
Maintenant, vous avez toutes les cartes en mains pour approfondir votre réflexion personnelle et pour faire part le cas échéant à vos parlementaires préférés, ou au Président lui-même (si toutefois, vous avez la chance de le rencontrer lors du nouveau Grand Débat qu’il lance sur les retraites) de l’étrange appréhension qui brusquement vous saisit. En effet avec l’âge, on devient un peu plus vulnérable que les autres et aussi, l’expérience aidant, un peu plus … méfiant. Et pour peu qu’on mesure soigneusement l’ampleur et le nombre des risques encourus au regard d’avantages qui sont tout sauf évidents, l’engagement n’est guère aisé de déposer entièrement le fruit d’une vie de travail, ainsi que tout son avenir, entre les mains de l’État et pas n’importe quel État: l’État français. Un État boulimique, mal géré, lourdement endetté, largement incapable de s’amender (47 fonctionnaires de moins en 2020!) et qui s’est, vis-à-vis des retraités et tout dernièrement encore, plus souvent fallacieusement dédit de ses promesses qu’il ne les a scrupuleusement respectées. Terminons pourtant sur un sourire en rapportant cette remarque de pur bon sens de François Mitterrand, qui ne fait pourtant pas partie de nos références préférées, mais qu’aucun de nos contradicteurs (en marche ou pas) n’osera probablement récuser: » L’État est nécessaire, mais à chaque fois qu’on peut s’en passer, moi je préfère » (28 avril. 1985). Hélas, tout le monde sait qu’en politique, la lucidité n’oblige pas et qu’on a toujours des tas d’apprentis sorciers prêts, après le scandale du RSI, à renouveler indéfiniment les mêmes erreurs pour s’assurer qu’elles produisent bien toujours les mêmes désastres !
10 commentaires
Superbe article!
Article magistral donc. Nous, (les retraités du privé), ainsi que tous les salariés du privé n'avons pas droit au chapitre…Alors il faut que nous réagissions, façon Martinez(?), pour bloquer toutes ces dérives. Et ma question est: comment nous y prendre? Refus de payer nos impôts? refus de consommer sur une période donnée: essence,electricité, énergies? transports publics?, blocages ciblés pour ne pas perturber ceux qui travaillent…Qu'en pensez vous?
@ Tchards: LES RETRAITÉS DOIVENT EXIGER À COR ET À CRI LEUR REPRÉSENTATION DANS LES INSTITUTIONS DE LA RÉPUBLIQUE!
Vous vous doutez bien que l'IREF ne peut pas vous conseiller le refus de l'impôt et que le boycott est un arme difficile à manier, vu qu'il faut faire bloc et pendant longtemps pour qu'elle soit efficace. Ce qui ne veut pas dire que les retraités, à condition qu'ils se bougent un peu, soient complètement démunis vis-à-vis de ceux qui ne les reconnaissent que pour les taxer abusivement ou rogner indignement leurs pensions.
Combien de retraités savent donc qu'alors qu'ils représentent la finalité de tout système de retraite, le pouvoir les chasse comme des parias, des débiles profonds, des escrocs ou des incapables de toutes les institutions publiques compétentes en matière de retraites: Conseil
Économique, Social et Environnemental / Conseil d'Orientation des Retraites / Comité de Suivi des Retraites / Haut-Commissariat à la Réforme des Retraites / tout comme la prochaine Caisse Nationale de Retraite Universelle (si mal nommée puisqu'elle exclut 17 millions de retraités!). Aucun de ces organismes ne compte le moindre retraité ès qualités dans parmi ses membres ou ses administrateurs et la présence des retraités dans nombre de caisses de retraite n'est guère mieux assurée. Et c'est à mon avis contre cette injustice mal connue, contre cette discrimination intolérable, contre ce négationnisme social abject que tous les retraités doivent s'informer, se réunir et exiger d'être dignement représentés, tout comme auprès des Caisses de Retraite dont certaines d'admettent aucun retraité parmi leurs administrateurs, en allant jusqu'à obliger à démissionner ceux qui précisément deviennent retraités au cours de leur mandat.
Remarquez aussi que cette revendication fondamentale est soigneusement occultée dans les allées du pouvoir, dans les médias, dans les débats et les concertations de toutes sortes en vue de la réforme des retraite. Les actifs préfèrent et de loin garder tout seuls le contrôle d'un système qui règle le sort de leurs ainés, sans réaliser qu'eux-mêmes une fois parvenus à la retraite vont retrouver cumulées toutes les misères qu'ils ont faites à leurs parents et qu'instruits par leur exemple, leurs enfants ne se priveront sans doute pas pour en rajouter encore. Allez donc voir votre député, votre sénateur pour le saisir de cette profonde injustice que, sans doute, il ne connaît même pas et à laquelle il n'a probablement jamais fait attention. N'hésitez pas non plus à vous rendre aux débats officiels pour secouer leur torpeur en posant la question qui fâche et demandez donc au politique de service de vous expliquer la raison pour laquelle cet ostracisme officiel s'acharne sur les retraités (revenez- ensuite vite me le dire…).Groupez vos associations de retraités pour qu'elles se fédèrent et sachez que le député Jean Lassalle (non inscrit) a pris l'initiative d'un mouvement qui vise à redonner aux retraités leur dignité , toute leur dignité sociale.Mais même si vous renoncez à l'une quelconque de ces démarches, faites savoir partout autour de vous que pour la République, dès votre départ en retraite, vous avez perdu toute capacité de représentation sociale, le pouvoir ne se souvenant plus de vous que pour vous ponctionner et de temps à autre, selon ses humeurs, vous traiter de nantis, de privilégiés et de rentiers égoïstes, tout en profitant de votre désintéressement pour animer les associations et faciliter le fonctionnement de la vie municipale des plus petites communes..
Bon courage. Cordialement: Th.B
attention à la démagogie
Il est certain que l'argent des retraites, mis de côté au cour de leur vie de travail, appartient aux retraités et il faut ajouter aux points soulevés que, si l'Etat met la main dessus, on doit craindre:
– qu'il devienne l'otage de promesses démagogiques, lors des élections;
– que la notion d'équilibre, avec responsabilité paritaire, vole en éclat
Ceci étant, le principe d'un régime de retraite de base égal pour tous ne dois pas être rejeté.
@ Deconinck: À PROPOS DES RÉSERVES CONSTITUÉES PAR CERTAINS RÉGIMES
Cela faisait déjà un certain temps que le Haut-Commissaire à la Réforme des Retraites lorgnait sur ces réserves (plus de 130 milliards d'euros qui sont en réalité des provisions dotées par les Caisses les mieux gérées pour faire face à des charges probables mais futures), mais il ne savait pas comment se les approprier sans avoir l'air de procéder à un hold-up mal perçu par l'opinion (il faut savoir que les réserves de l'AGIC-ARRCO concernent pas moins de 30 millions de Français, cotisants comme retraités).
Alors au bout de plus d'une année de réflexion, il a cru trouver la faille dans l'opposition adverse: prétendre que cette captation n'avait pour seul but que de garantir les engagements correspondant aux pensions restant à verser jusqu'à leur décès aux retraités actuels. Superbe idée en effet, mais qui en vertu du principe d'égalité supposerait que l'État lui-même donne l'exemple en versant par exemple au Fonds de Réserve Universel les quelques 2 200 milliards d'euros couvrant ses propres pensions (pour mémoire l'actuel RAFP peine à réunir une petite trentaine de milliards…), sans compter les sommes colossales pour combler les gouffres des régimes les plus voraces tels que la SNCF, la RATP, les industriels des énergies gazières et électriques etc. Inutile de vous dire que cette objection a de quoi en faire réfléchir plus d'un et c'est sans doute pour cette raison que le Président Macron a annoncé qu'il renonçait à prélever ces réserves. Mais il n'a pas dû parler assez fort puisque pas plus tard que lors du Grand dossier sur LCI, le 9 octobre dernier , le Haut Commissaire rétablissait devant un auditoire ébahi la ponction de ces fameuses réserves. Voici où nous en sommes et admettez que sans vouloir vous contredire ce n'est pas de plus en plus clair.
Cordialement: Th.B
De plus en plus clair.
Excellente analyse, mes félicitations. L'Etat est notre ennemi, c'est de plus en plus évident. Il n'a, et il n'aura aucun scrupule, à nous paralyser encore plus avec des règlements liberticides et à nous appauvrir en nous faisant les poches. Les retraités, ces bouches inutiles, sont en première ligne. Il paraît qu'un député Belge aurait proposé une loi préconisant de ne plus soigner personne à partir de 85 ans. L'Etat est de plus, comme vous le dites, incapable et incompétent pour gérer un tel système universel, il l'a prouvé des dizaines de fois. Comme il aura la main sur la valeur du point on peut craindre le pire. On dirait que tout le monde commence à comprendre le piège : même les fonctionnaires (pas les hauts fonctionnaires) commencent à transpirer. Il faut réfléchir à des moyens d'action. Tout le monde dans la rue ce n'est déjà pas mal, et ça commence d'ailleurs. En tant qu'ancien médecin libéral j'ajouterai, en outre, que l'Etat a trouvé là le moyen de détruire les professions libérales qu'il déteste. Sa main mise sur les retraites des libéraux signifie leur mort à plus ou moins long terme. Quand j'ai ouvert mon cabinet, il y a longtemps, je croyais faire un métier honorable et j'ai découvert avec stupeur que les pouvoirs publics nous haïssaient : nous étions déjà des fraudeurs, des nantis, des profiteurs, les responsables du trou de la sécurité sociale et j'en passe. C'est toujours d'actualité. Mais bientôt, grâce à eux, il n'y aura plus de médecins, seulement des "officiers de santé" aux ordres.
@ PICOT
Pour avoir moi-même. durant plus de 30 ans exercé seul à titre personnel une profession libérale, je partage entièrement votre avis sur le comportement indigne de l'État vis-à-vis des professions libérales et sur leurs difficultés quotidiennes pour exercer au mieux le métier qu'elles ont choisi en dépit du surcroit régulier de tâches administratives dont les assaillent des fonctionnaires qui, eux, de leur côté attendent impatiemment qu'on fasse à leur place l'essentiel du travail (cf. impôt à la source etc).
Il est vrai que la valeur du point risque de devenir une variable d'ajustement budgétaire, tout comme le sont devenues nos pensions pour un pouvoir qui a renié ses promesses de campagne vis-à-vis des retraités et qui ne manque pas une occasion de les ponctionner en opposant les plus pauvres à tous les autres, dont ceux qui sans être dans le besoin ne jouissent absolument pas de l'aisance qu'on leur prête.
Il s'agit en plus d'une rupture non seulement d'égalité, mais de système puisque les retraites sortent ainsi du domaine. social pour rentrer sournoisement dans le domaine fiscal où la souveraineté de l'État peut commettre librement les abus les plus iniques. Mais apparemment, cela ne chagrine ni le Défenseur des droits, ni le Conseil constitutionnel dont les membres, il est vrai, penchent presque exclusivement du côté du secteur public, comme si le mal pouvait devenir médecin!
Cordialement: Th.B
Article à paraiytre
Pourquoi il faut réformer d’urgence les retraites !
Devant la cacophonie de notre gouvernement qui en vient à proposer une application de la réforme en… 2067 et encore en édulcorant l’engagement de M. Macron 1€ cotisé = un nombre de point équivalent pour tous les Français
Malheureusement pour eux il y a les chiffres et rien que les chiffres !
Une information parue ans « Les Echos » nous donne le la répartition des montants versées par an pour la retraite des Français et le chiffre est astronomique puisqu’il s’agit de pas moins de 320 Mds €.
L’INSEE lui nous donne le chiffre, cout de gestion compris, de 345 Mds € (15% du PIB record mondial absolu) ce qui nous permet d’en déduire que le cout de redistribution s’élève lui à 25 Mds€ (8% du budget) inimaginable à l’heure de l’informatique.
Maintenant analysons, selon la même étude des « Echos » la répartition, en 2018, des prestations par catégories de Français :
Retraités du privés (dont font partie les indépendants) :
16 000 000 retraités se partagent 223 Mds € soit une moyenne de 13 937 € par an.
Retraités de la fonction publique totale (Etat, Territoires et Hospitalier) :
2 900 000 retraités se partagent 76,1 Mds € soit une moyenne de 26 241 € par an.
Retraités des régimes spéciaux d’Etat (SNCF, RATP, Banque de France..) :
500 000 retraités se partagent 15,4 Mds € soit une moyenne de 30 800 € par an
Les 5,5 Mds € manquants sont pour les cas spéciaux dont font partie les retraités étrangers rentrés au Pays.
Vous comprenez maintenant pourquoi les fonctionnaires s’agrippent à leur système et se mettent immédiatement en grève dès que l’on parle de réformes !
Si les fonctionnaires étaient au même niveau que le privé on ferait une économie de 42,8 Mds € par an, c’est d’ailleurs à peu près la même somme (40 Mds €) que l’Etat, c’est-à-dire vous les petits Français, donne annuellement aux caisses de retraite des fonctionnaires !
Trouvez-vous que nos fonctionnaires soient si extraordinaires pour toucher, en moyenne, deux à deux fois et demi la vôtre ? Tout en sachant que c’est vous qui, par votre travail, les financez !
Et que l’on arrête de vous faites croire que c’est à cause de leur « bas « salaire, la moyenne pour un fonctionnaire est de 2505 € / mensuel alors que dans le privé c’est…2442 € ceci sans intégrer la durée effective de travail qui est plus faible chez les fonctionnaires.
Etant donné qu’en plus le nombre de retraités par rapport au nombre d’actifs va augmenter dans les années qui viennent, chaque année perdue est une bombe financière, mais ce n’est pas grave, ce sont nos petits-enfants et arrières petits enfants qui paieront, c’est dire qu’ils naîtront tous avec un gilet jaune dans la main et on ne pourra pas leur reprocher !
Le minimum de surplus de dette qu’on leur léguera est de 47ans x 40 = 1880 Mds d’Euros (cette somme sera en réalité plus proche de 3000 Mds €) qui se rajoutera au 2300 actuel !
Le « réchauffement climatique » sera, si les conséquences annoncées sont avérées, un « épiphénomène » par rapport à la bombe des retraites !
C. GOUDRON
bonne analyse, je suis d'accord
Retraité du privé
Puisqu'il n'y a jamais eu de caisse de retraite du public, dans le cas d'une fusion du public et du privé, ou l'état va t-il prendre l'argent des retraites du public si ce n'est dans la caisse du privé ! Non ?? Ils se sont sucrés pendant des décennies et çà va continuer encore, comme toujours sur le dos du privé. JML
Le risque c'est l'Etat
Depuis 2 ans, j'essaye de comprendre l'arrière plan de cette réforme. J'en ai compris les mêmes choses que vous, mais vous écrivez beaucoup mieux, et restez calmes ! Je partage et ne retire rien de vos thèses, notamment de nationalisation rampante. Le principal est que Macron n'ait même pas d'idée par rapport aux Régimes Spéciaux, et surtout qu'il ne s'en soit pas assuré …Bravo… De mon côté, j'estime que les retraites bénévoles devraient cesser leurs participations aux associations caritatives afin de se faire entendre !!!