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« 100 jours pour que la France réussisse »

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4 pages sur 298 pages : c’est tout ce qui est consacré à la réforme des retraites dans le dernier ouvrage de Jacques Attali : 100 jours pour que la France réussisse. Et des propositions qui montrent que l’auteur n’a rien compris aux problèmes des retraites en France.

Le titre attractif du dernier ouvrage de Jacques Attali suscite inévitablement la curiosité. 298 pages, 25 chapitres, un important aréopage rédactionnel, l’annonce que tout peut changer dès 2017, voilà qui incite à pousser la porte et à rechercher quelles sont donc les propositions concernant le domaine des retraites que nous labourons inlassablement depuis un certain temps. Rappelons d’abord pour fixer les ordres de grandeur que les prestations vieillesse, c’est un peu plus de 300 milliards d’euros sur quelque 1 200 milliards de dépenses publiques, un peu plus de 16 millions de pensionnés sur une population totale de 66 millions de Français, soit environ un quart des dépenses publiques en faveur d’un quart de la population du pays, les retraites absorbant 13,6% du produit intérieur brut national.

I – propositions

Une légère déception d’entrée: guère plus de 4 pages pour le chapitre 19 traitant des retraites, plus 3 lignes esseulées page 286. L’auteur propose d’abord la transposition en France de l’expérience suédoise des comptes notionnels pour passer de la répartition pure à une retraite par points, ouvrant ainsi la voie à l’unification des régimes et des caisses, dont on peut attendre une économie de gestion de l’ordre de 2,5 à 3 milliards d’euros. Autre gisement d’économies, le rehaussement de 62 à 63 ans de l’âge légal de départ à la retraite, parallèlement à la majoration de 42 à 43 ans de la durée d’activité, avec en contrepartie un assouplissement des conditions de départ moyennant l’ajustement actuariel de la pension. L’auteur prône encore l’intégration de la pénibilité dans la valeur des points et la mise en place d’un compte individuel de retraite recensant tout au long de la carrière les droits acquis indépendamment de leur origine. Une petite vingtaine de lignes suffisent à recommander l’alignement des régimes spéciaux sur le droit commun avec une référence commune aux 25 meilleures années de salaires, ainsi que la création d’une caisse dédiée aux retraites publiques. L’ouvrage propose encore l’introduction d’une dose de capitalisation (de 10 à 25% quand même), mais sans dire comment son financement s’articulera avec les besoins incompressibles de la répartition.

II – Lacunes

Honnêtement, on attendait plus et on attendait mieux. Notamment rien n’est dit du coût exorbitant des retraites publiques: en 2014, les dépenses de personnel de l’État mobilisent (Source: PLF 2016) quelque 42 milliards d’euros de cotisations patronales mâtinées de subvention d’équilibre en face d’une masse salariale brute de 69 milliards, soit un ratio de chargement employeur de 61%, plus de 3 fois les taux en vigueur dans le privé! Rien non plus sur les raisons pour lesquelles le secteur public continue à échapper aux réformes douloureuses qui frappent les retraites privées, alors que son équilibre purement artificiel doit tout à une importante ponction budgétaire financée par le contribuable. Et quand l’auteur préconise 10 milliards d’économies sur les retraites, il ne prévoit aucun rééquilibrage en faveur des retraites privées, largement infiltrées il est vrai par des administrateurs publics. Les pensions de réversion n’existent pas dans l’ouvrage, ce qui évite de s’interroger à leur propos sur la distorsion public/privé. L’indexation des pensions ne préoccupe guère plus notre auteur, puisque l’État garantit les pensions publiques. Enfin personne n’a remarqué le divorce patent entre l’invocation obsessionnelle de la solidarité intergénérationnelle qui fonde la répartition et l’absence criante de toute solidarité intra-générationnelle notamment entre le secteur public bénéficiant de la garantie de l’emploi et le secteur privé exposé au risque de chômage. Enfin l’ouvrage passe sous silence l’absence de démocratie qui préside à la composition d’organismes tels que le Conseil d’Orientation des Retraites, le Comité de Suivi des Retraites ou le Conseil Économique Social et Environnemental, qui réussissent tous trois le tour de force de ne compter en leur sein aucun retraité « ès qualités ».

Conclusion

Bref un catalogue qui déçoit quelque peu. Il manque du souffle à ce programme, qui ne semble pas avoir pris toute la mesure de l’importance cardinale des retraites. On retrouve une approche typiquement publique, fort discrète sur ses propres abus et privilèges, largement réfractaire à tout partage de démocratie sociale et qui considère enfin que le secteur privé est taillable et corvéable à merci. Visiblement les fonctionnaires et autres bénéficiaires de régimes spéciaux n’ont pas grand chose à craindre de ces 100 jours pour que la France réussisse, alors pourtant que le nécessaire rééquilibrage des ressources du pays entre son secteur privé et son secteur public constitue sans nul doute l’un des principaux défis auquel la Nation se trouvera inévitablement confrontée dès les toutes prochaines années.

Thierry BENNE
Docteur en droit – INTEC – Diplômé d’expertise-comptable

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