La pensée libérale et ses promoteurs sont bien vivants et actifs, dans notre hexagone et au-delà . A ceux qui en douteraient, la récente édition de « L’Université d’été d’Aix-en-Provence » en a apporté une preuve éclatante. Grâce aux efforts conjoints de l’IREF et de l’IES-Europe, ce rendez-vous des libéraux qui s’est longtemps appelé « Université d’Été des Nouveaux Économistes » — première édition en 1978 ! — s’est en effet de nouveau tenu dans la cité ensoleillée d’Aix-en-Provence et les locaux accueillants de sa faculté de droit les 20, 21 et 22 juillet dernier. Retour sur ces trois jours.
Première bonne surprise : le nombre de participants. On pense trop souvent que les libéraux de France pourraient tenir dans une cabine téléphonique (une expression qu’il faudra bientôt expliquer aux enfants de la génération smartphone…) C’est faux. Plus de 150 personnes ont suivi les conférences et débats, et cela malgré quatre années sans « Université d’été » — le Covid expliquant en large partie cette pause — et des absences liées à la période estivale.
Deuxième surprise agréable : les jeunes étaient au rendez-vous. C’est certes avec grand plaisir que nous retrouvons des visages bien connus, des habitués de l’Université d’été qui ont consacré toute une vie à l’approfondissement et la diffusion des idées libérales — les Henri Lepage, Jacques Garello, Philippe Nemo, Max Falque, Mario Rizzo, Jean-Philippe Delsol, Steven Davies, Jean-Philippe Feldman, George Selgin, David Schmidtz, Enrico Colombatto et bien d’autres encore. Mais c’est un plaisir tout aussi grand de découvrir des visages nouveaux. Et, pour beaucoup, jeunes.
Au-delà du croisement des générations c’est la diversité des provenances qui surprend. Ici, l’économiste côtoie le philosophe, le juriste, l’historien, le sociologue, le scientifique et l’homme d’affaires. Mais encore, profitant du travail d’IES-Europe qui depuis 1989 parcourt l’Europe pour introduire les jeunes étudiants et jeunes think-tanks à la pensée libérale, le Français peut échanger avec l’Italien, le Polonais, le Roumain, l’Ukrainien, l’Anglais, le Marocain, l’Américain, l’Égyptien, le Tchèque ou le Suisse. On ne peut s’empêcher de penser aux lettres rédigées par Voltaire à son retour d’Angleterre ; lettres dans lesquelles il s’émerveillait de l’ouverture et de la tolérance qu’il avait observées dans un pays imprégné des principes de liberté.
L’ambiance, vous l’aurez compris, était donc autant festive qu’estivale. Elle n’en était pas moins studieuse du fait, entre autres, de la qualité des intervenants qui, tour à tour, ont partagé leurs analyses du thème choisi pour cette nouvelle édition de l’Université d’été. J’ai déjà cité quelques-uns des « anciens » parmi ces intervenants, mais nous avons aussi bénéficié des apports de nombreux chercheurs de plus jeunes générations. Pour me limiter aux Français, nous avons eu la chance d’écouter Pierre Bentata, Nathalie Janson, Yorick de Mombynes, Emmanuel Martin, François Facchini, Nicolas Lecaussin, Renaud Fillieule, Nikolai Wenzel, Elisabeth Krecké, Antoine Gentier, Daniel Dufort et encore Erwan Queinnec.
Quel était le thème central de cette Université d’été ? Il était incontestablement d’actualité : Comment gérer les crises qui frappent nos sociétés et comment si possible les prévenir.
Vaste thème ! On pense évidemment à la crise du Covid, aux crises financières, à la crise des finances publiques, aux crises monétaires, aux questions liées à l’environnement et au réchauffement, à l’énergie, ou encore à des crises culturelles (paternalisme, wokisme, intégration…) ou aux crises que pourrait engendrer le développement de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle. Chacune de ces crises — avérée, potentielle ou fantasmée — a fait l’objet d’une session et de débats amorcés par les orateurs et nourris par les questions des participants.
Il est impossible en quelques lignes de restituer toute la richesse de ces échanges. Fort heureusement, des compte rendus détaillés sont déjà disponibles en ligne et les textes de la plupart des interventions seront publiés dans le prochain numéro du Journal des libertés. Les enregistrements vidéo des débats seront également bientôt sur les sites de l’IREF et d’IES-Europe. De quoi occuper nos soirées automnales et hivernales !
Pour le lecteur impatient voici toutefois trois des nombreux enseignements que j’ai tirés de ces débats. Le premier est que l’on doit savoir reconnaître une situation de crise. Ne pas se voiler la face. Savoir affronter le risque plutôt que de l’ignorer est un trait de l’esprit libéral. Malheureusement, le déni est en train de devenir une spécialité européenne. On essaie de cacher la crise en la glissant sous le tapis . On fait comme si le risque pouvait s’effacer d’un coup d’éponge. C’est ce que l’on a pu voir par exemple avec l’aujourd’hui célèbre « quoi qu’il en coûte ». Agir de la sorte ne résout bien évidemment rien et annonce des crises à venir plus sévères et plus générales.
Le deuxième enseignement, lié au premier, est que la crise est un appel à la prise de décision. Les mots « crise » et « discernement » ont d’ailleurs la même racine. D’une certaine façon, c’est à travers les crises que l’on affirme sa volonté que l’on redéfinit sa motivation, que l’on trace un nouveau cap compatible avec son objectif de long terme. La crise peut être salutaire si l’on sait en identifier les causes et si l’on a le courage d’en tirer les enseignements. Rêver d’un monde sans crises n’est que cela : un rêve ! Mieux vaut apprendre à les affronter avec sérénité.
Ce qui conduit directement au troisième enseignement. Pour bien gérer une crise, et savoir éventuellement la prévenir, il faut une connaissance adéquate. Or cette connaissance ne se limite pas, loin de là , au savoir des experts — un savoir qui est d’ailleurs bien différent de ce que l’on imagine trop souvent. Il faut, pour bien faire face à la crise, pouvoir mettre en œuvre les connaissances « locales » ; il faut un cadre institutionnel qui favorise les initiatives personnelles et collectives ; il faut aussi — c’était notre premier point — admettre que l’on fera inexorablement des erreurs mais que celles-ci nous permettront de construire de meilleures solutions. Une recommandation du prix Nobel Elinor Ostrom m’est revenue souvent à l’esprit au cours de ces débats : Think globally, act locally ! Les solutions à des problèmes « globaux » passeront par des initiatives « locales ».
C’est pourquoi une société respectueuse des libertés individuelles et du principe de subsidiarité, et qui n’a pas vendu son âme au principe de précaution, sera bien mieux équipée pour éviter et pour gérer les crises. Et c’est également pour cette raison que nous sommes repartis confiants de cette Université d’été qui a démontré que, bien loin d’être en crise, le courant libéral est bien vivant et bien fort.
Merci à toutes celles et tous ceux qui ont rendu cela possible.
Nul doute que la prochaine édition de ce rendez-vous estival confirmera cet élan si nécessaire pour l’avenir de tous.
4 commentaires
Bonjour,
Pour remonter le niveaux de tous les pays, il est nécessaire de travailler plus, le marché en lui même n’est pas suffisant pour tout régler.
Pourquoi ?
Tous les pays depuis ou presque on diminué les temps de travail et d’activité alors que les besoins financiers des industries et employés ont augmentés. Je parles des salariés horaires.
Un exemple : La France
Avant Covid, il manquait 25% de PIB, soit 25% d’heures travaillées payées, puisque c’est proportionnel dans presque tout les pays, pour que la France soit sans déficit, soit un manque de 11500 h sur la durée de vie de chaque salarié ou 40h et 65 ans de départ en retraite
40 h ce serait en plus par an. :
60 Mds de salaire
30 Mds de charged
10 Mds de TVA
6 Mds d’impots
Uu Smic qui augmenterait de 250€ par mois
= Sauvetage des caisses : État, Sécu, retraite, Assedic, marge des entreprises +14%, encours banque + 10%
Forte baisse du chômage
Devise : Travailler + pour dépenser mieux = plus cher mais local, moins lowcost
Daniel Moinier
http://www.danielmoinier.fr
Mon 6eme livre:
« Pourquoi la France est en déficit depuis 1975 Analyse-Solutions »
Tous ces gens donnent enfin un peu d’air frais et … d’intelligence. On y parle vrai. Espoir face à la diarrhée médiatique.
Si c’est cela le libéralisme, je suis libéral ! Malheureusement, le libéralisme n’est pas que cela… Quid des solutions ?
Merci pour ce compte-rendu. Je regrette de ne pas avoir pu être présent.
Je signale qu’il existe une doctrine sociale dont le respect permettrait, je crois, d’empêcher la survenance de quelque crise sociale que ce soit : la Doctrine Sociale de l’Église, sur laquelle s’appuie Syndicatho. Cette doctrine présente, à mon avis, quelques avantages par rapport à la doctrine libérale :
– elle pointe du doigt le fait que notre liberté n’est pas seulement menacée par une contrainte extérieure (celle de l’État, notamment), mais aussi par nos chaînes intérieures, nos pulsions instinctives, nos addictions (pouvoir, sexe, argent, honneurs, jeu, drogue, …), nos conditionnements, etc. ;
– elle permet de comprendre c’est notre manque de liberté intérieure qui nous pousse à recourir à la contrainte contre autrui, à chercher à prendre le pouvoir sur lui (c’est par exemple l’addiction au pouvoir qui pousse les dirigeants politiques à utiliser la coercition contre le peuple, et ce sont les conditionnements du peuple qui le conduisent à accepter, voire à réclamer l’usage de la contrainte par les dirigeants) ;
– elle aide à réaliser qu’il est illogique de réclamer la liberté « extérieure » (qui ne dépend pas de nous) sans avoir, d’abord, conquis notre liberté intérieure (qui ne dépend que de nous).
Syndicatho permet à ses adhérents de faire la promotion de la liberté intégrale (intérieure ET extérieure) dans leur environnement professionnel.