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Un SMIC et trois Nobel

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Des prix Nobel d’économie spécialistes du SMIC, incapables de dire si le SMIC crée du chômage ou non… Curieuse approche de ces trois économistes : David Card (UCLA Berkeley), Joshua Angrist (MIT) et Guido Imbens (Stanford). Le comité Nobel les a couronnés principalement pour leurs travaux sur les effets de l’imposition d’un salaire minimum. A première vue, disent-ils, il y a une corrélation statistique entre SMIC et chômage : nul doute que les deux croissent simultanément. Mais, s’empressent-ils de préciser, cette corrélation ne permet pas d’établir un lien de causalité : est-ce le SMIC qui crée le chômage, ou le chômage qui conduit les autorités à créer le SMIC ? L’argumentation en faveur de cette thèse, contraire à ce qui se dit en général dans le monde des économistes, est assez spécieuse : quand il y a trop de chômeurs, la concurrence à l’emploi est plus vive, donc le niveau des salaires tend à s’abaisser, donc les autorités sont obligées d’intervenir et d’imposer un SMIC. Pourquoi cette curieuse argumentation, sachant qu’on fuit le vrai débat qui est celui de l’effet d’une hausse ou d’une baisse du SMIC existant sur l’emploi ? D’autre part l’intervention des autorités sur le marché du travail peut s’en tenir à des niveaux de SMIC très faibles (c’est le cas aux Etats Unis) ou très élevés, proches du salaire médian (c’est le cas en France).

Inflation ET chômage, nous n’aurions pas à choisir !

La perplexité et l’incertitude à propos de la causalité tiennent avant tout à la méthode suivie par les économistes américains, qui ne travaillent que sur des données globales et traitées par des modèles mathématiques et des logiciels très sophistiqués. Depuis Jean Baptiste Say, les économistes auraient dû apprendre que les mathématiques n’ont guère leur place en économie, car la complexité des échanges et des opérations est considérable. L’école autrichienne ajoute que les phénomènes économiques se comprennent mieux quand on prend en considération le comportement des acteurs. L’affaire a bien sûr une dimension politique : les keynésiens et les étatistes sont persuadés que le chômage peut être réduit par l’accroissement de la demande globale, de sorte qu’une hausse des salaires signifie un meilleur pouvoir d’achat et relance la production, donc crée des emplois. Aujourd’hui en France, de la droite à la gauche, c’est à celui qui promet le plus en matière de hausse des salaires. Evidemment le peuple, dûment ignorant de l’économie, ne voit que les ressources nouvelles, mais ne comprend pas qu’à salaire plus élevé les offres d’emploi seront moindres : on ne croit pas au marché du travail. Finalement il y aura « trop d’argent chassant après trop peu de biens », c’est-à-dire l’inflation ET le chômage : Keynes lui-même en avait conscience – mais cela ne le dérangeait pas !

Le SMIC pénalise les plus déshérités

Alors quels sont les liens entre SMIC et chômage ? Le premier est le coût de la main d’œuvre employée. Dans une économie où règne la concurrence, non seulement nationale mais actuellement mondiale, un coût supérieur diminue la compétitivité : les clients iront là où les prix sont le plus bas. Le deuxième est l’exclusion du marché du travail d’une main d’œuvre d’appoint, composée essentiellement de jeunes en quête d’une première expérience ou d’un revenu juste suffisant pour payer leurs études, mais aussi de personnes qui peuvent partager leur temps entre la maison et le travail. Cette « précarité » est estimée contraire à la justice sociale, mais en fait elle pénalise surtout ceux qui sont en bas de l’échelle, et acceptent volontiers un emploi, fût-il mal rémunéré (sans doute les Nobel se sont-ils focalisés sur ce point). Une troisième cause se trouve dans les conditions d’indemnisation du chômage, le montant et la sécurité des assurances sociales. Il est vite fait d’arbitrer entre des allocations substantielles mais cet arbitrage se dégrade avec le temps, et le chômage de longue durée ferme définitivement la porte du marché du travail. Dernier lien, et non le moindre, si le SMIC n’a plus aucun rapport avec la productivité du salarié, l’échelle des salaires se réduit : le travail qualifié coûte comparativement moins cher que le travail non qualifié, de sorte que l’employeur préfèrera embaucher des gens plus qualifiés, expérimentés et fiables. Ce sont donc les personnes le moins formées, le moins productives, qui sont pénalisées, et elles sont d’autant plus en mauvaise posture qu’en tout état de cause elles seront les premières à perdre leur emploi en cas de réduction de la main d’œuvre. Ce sont donc les plus déshérités qui souffrent d’un SMIC.

Bien entendu cette présentation sommaire ne peut brasser tout ce qui peut également expliquer le chômage, et la situation française est particulièrement riche en contresens. D’une part le coût d’un produit ne dépend pas seulement du salaire, mais aussi des impôts et charges qui pèsent sur les entreprises, et nous détenons ici plusieurs records. D’autre part, l’importance d’un secteur public pléthorique où la sécurité de l’emploi est garantie et où les retraites sont avantageuses est un frein à la productivité dans le secteur privé, surtout quand on pense pouvoir gagner plus en travaillant moins. La promotion par le mérite, par l’effort, par l’épargne, n’est plus très recherchée, le « capital humain » se déprécie.

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