Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

Journal des Libertes
anglais
Accueil » Faut-il décroître pour survivre ? Un débat biaisé à l’Assemblée nationale

Faut-il décroître pour survivre ? Un débat biaisé à l’Assemblée nationale

par
2 731 vues
Un débat organisé à l’Assemblée nationale a soumis à des personnalités issues de divers horizons la question suivante : « Faut-il décroître pour survivre ? ». Parmi les invités figuraient l’économiste Timothée Parrique, le philosophe Gaspard Koenig, la militante écologiste Camille Étienne et le réalisateur Cyril Dion. Aucun d’entre eux ne s’est opposé frontalement à la décroissance. La discussion s’est principalement articulée autour des modalités ou des variantes du concept plutôt que sur son bien-fondé. Tous se sont accordés sur un point essentiel : une transformation profonde de notre modèle sociétal est inévitable, mais la voie à emprunter est incertaine. Examinons leurs arguments.

La croissance : des coûts supérieurs aux bénéfices ?

Pour Timothée Parrique, la consommation actuelle engendre des coûts sociaux et environnementaux supérieurs aux bénéfices. La décroissance serait donc une réponse logique pour réduire ces coûts et préserver les ressources naturelles. L’économiste ne prend toutefois pas la peine d’étayer son propos et ne donne aucune information sur la méthode employée pour évaluer ces fameux coûts. L’argument paraît d’autant plus fragile que ce sont précisément les pays développés qui sont le plus à même de gérer les « coûts sociaux et environnementaux », comme la pollution, grâce aux évolutions technologiques (traitement des effluents industriels, purificateurs d’air, techniques de dépollution des sols, etc.).C’est notamment pour cette raison que les pays émergents ont besoin de croître pour développer des technologies bas carbone et pour s’affranchir progressivement des énergies fossiles.

La croissance : une notion dépassée ?

Camille Étienne considère que ce qui importe aux Français, ce n’est pas nécessairement de progresser sur le plan économique, mais de pouvoir « croître en bonheur, en éducation et en salaire ». Cela revient à dire, à demi-mot, qu’il vaudrait mieux utiliser des indicateurs alternatifs à la croissance, comme la qualité de vie ou le « bien-être ». Il est évident que la plupart des Français ne se lèvent pas le matin en réfléchissant à des indicateurs en apparence éloignés de leurs préoccupations du quotidien. Pour autant, la croissance est plus qu’un simple outil pour évaluer l’activité économique. Dans l’écrasante majorité des cas, une croissance plus rapide s’accompagne d’une diminution du nombre absolu de personnes vivant dans la pauvreté, d’une baisse de la mortalité infantile et d’un meilleur accès aux soins et à l’éducation. Troquer le PIB ou la croissance contre la qualité de vie ou le « bien-être » est une chimère : ces indicateurs sont subjectifs, propres à chaque individu, et donc difficiles, voire impossibles, à mesurer.

Par ailleurs, les partisans de la décroissance sont-ils conscients que leur modèle de société signifierait la fin, à très bref délai, de notre « modèle social » si cher aux yeux des Français ? Sans création de richesse, l’État français n’aurait jamais pu se montrer aussi redistributif, offrir la gratuité (très illusoire) des soins et verser autant d’aides sociales. Aucun des participants n’est capable de répondre sérieusement à cette question autrement que par moult contorsions intellectuelles ou solutions irréalistes, comme le paiement des impôts en monnaie-temps.

La décroissance peut-elle être volontaire ?

Gaspard Koenig a suggéré que la décroissance pourrait être choisie au travers d’une sobriété volontaire, en triant entre l’essentiel et le superflu, tout en préservant le progrès économique. Il est peu probable que ce soit possible à grande échelle, sauf à imposer aux individus une vision uniforme et contraignante de ce qui est « essentiel » et de ce qui ne l’est pas, de ce qui est « superflu » et de ce qui ne l’est pas. Cette approche serait d’autant plus complexe qu’elle soulèverait des enjeux démocratiques et de libertés individuelles. Qui serait le plus à même de décider ? La majorité ? Au nom de quoi ? La « crise climatique » ? Érigée en objectif commun, la décroissance exigerait sans aucun doute une gestion autoritaire.

Un concept sans base scientifique solide

Les intervenants se sont bien gardés de préciser que la plupart des études sur la décroissance,  toujours plus nombreuses depuis une quinzaine d’années, n’ont aucune base scientifique solide et reposent rarement sur des modèles ou sur des données (moins d’une sur cinq les meilleures années).

Les rares études quantitatives et qualitatives se concentrent sur de petits échantillons sans la moindre représentativité, ce qui empêche de tirer des conclusions sur les impacts systémiques de la décroissance. Nous pouvons citer, par exemple, l’étude « Communauté, biens communs et décroissance à l’écovillage de Dancing Rabbit » qui s’intéresse à l’expérience d’un écovillage d’environ 35 personnes dans le Missouri, aux État-Unis ; l’étude « La production partagée basée sur les biens communs au service de la décroissance ? », qui s’appuie sur 7 entretiens avec les membres d’une association en faveur du développement des éoliennes en milieu rural ; ou encore l’étude « L’expérience des squats ruraux à Collserola, Barcelone » qui suggère qu’il est possible de bien vivre dans une économie à faible intensité… après avoir analysé le fonctionnement de deux squats en Espagne.

Conclusion

Ce débat de plus de deux heures à l’Assemblée nationale a illustré la loi de Brandolini ou le principe d’asymétrie des baratins : il est toujours plus fastidieux de déconstruire des erreurs que d’en diffuser. On peut s’étonner que l’Assemblée nationale ait organisé avec autant de légèreté une discussion sur une idée dont les répercussions seraient potentiellement d’une extrême gravité si elle était mise en œuvre. On peut aussi regretter que le panel des intervenants n’ait pas été plus riche, plus divers, davantage axé sur la réalité économique et sur l’état des connaissances scientifiques. Comment peut-on prétendre contribuer à un débat démocratique sain en ne laissant aucune place au moindre point de vue critique dès le départ ? La seule décroissance souhaitable serait plutôt celle des militants hors sol, des citadins privilégiés et d’une partie de la classe politique qui prétendent dicter à la terre entière comment vivre ou produire.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

19 commentaires

Chris 3 janvier 2025 - 7:04 am

Il est vrai qu’à la place de ce débat de fous dangereux, qui feignent d’organiser des évènements qui nous dépassent en l’état actuel des politiques menées, on aurait préféré sur la décroissance des thèmes comme “Comment la contenir ” (par une politique libérale), ou “Comment s’y adapter” (par une politique libérale).

Répondre
gillet 3 janvier 2025 - 9:37 am

Le “shoman” T.Parrique chercheur économiste né a Versailles auteur de “ralentir ou périr”,demandait systématiquement une carte de crédit comme cadeau de Noël .Il finira par imprimer de faux billets!Il aurait du appeler son bouquin “ralentir et imprimer”

Répondre
mc2 3 janvier 2025 - 10:29 am

Dans un hypothétique univers libéral cette question de la décroissance ne se poserait même pas. J’ai vu de mon vivant la population humaine multipliée par quatre. Or le moteur de cette explosion démographique n’est rien d’autre que le parasitisme: les nouveaux venus n’existeraient pas s’ils n’étaient pas alimentés par la “redistribution” obligatoire (euphémisme pour “pillage”) dont la France est championne du monde. Les pseudo-écolos, notamment ceux qui croient au réchauffememt anthropique, auraient d’autres chats à fouetter.

Répondre
Jojo 3 janvier 2025 - 10:34 am

Pas de soucis à se faire au sujet des partisans de la décroissance. S’il fallait commencer à en appliquer les principes, ses partisans seraient parmi les premiers à hurler contre le changement de leurs habitudes vers la frugalité. Limiter les déplacements, ou les voyages en avion comme le recommande un célèbre écolo, c’est très bien si ça concerne les autres mais c’est un scandale si ça m’empêche de partir en vacances…

Répondre
jacques lemiere 3 janvier 2025 - 11:20 am

décroissance de quoi exactement.. la croissance du PIB n’est pas totu croissance imaginable en economie.

le pib est un indicateur qui n’est pas parfait.

le problème de la décroissance dont ces zozos parlent est d’etre imposée.. c’est en fait son seul vrai défaut, l’interventionnisme économique.

mais dans ceux qui se revendiquent libéraux, on trouve souvent des gens qui posent que l’état doit favoriser la croissance économique..et non se contenter de garantir que l’individu choisisse ..

routes publiques , nucléaires ‘ public” etc… leur interet collectif est souvent réduit à l’impact sur le PIB..
les débats sur le nucléaires sont pour moi assez exemplaire…

pour un liberal le role de l’état se limite à garantir les libertés individuelles…

La majeure partie des poltiques de croissance menées par l’état fut en fait contre productive en partie parce le PIB était le paramètre principal choisi mais l’individu ne craignant pas s’entreprendre car il ne concevait pas qu’une politique de croissance justifie qu’on stoppe sa création de richesse… car cela va dans l’esprit de la politique.

qu’une état mentionne qu’il est prêt à une politique de décroissance est par contre absolument décourageant. Il n’y a même pas besoin qu’elle soit mise en place, l’entreprise est spéculative par nature…

c’est un risque… que l’économie m^me renverse sa logique profonde..similaire au passage au collectivisme.

quand l’etat dit qu’il songe à taxer le carburant…

Répondre
Thomas Brecht 3 janvier 2025 - 11:25 am

Si je comprends bien, ces eminents “philosophes” viennent d’inventer le communisme…
Il est bien evident que la croissance ne doit pas etre l’Alpha et l’Omega d’une societe, mais etant dans un systeme capitaliste, il est difficile de l’eviter.
Clairement un peu de vraie democratie dans le systeme ne ferait pas de mal, une fois que nous seront debarrassses des politiciens professionnels parasites qui nous pourrissent la vie.

Répondre
Virgile 3 janvier 2025 - 1:36 pm

Ces expériences socialistes ont été tentées il y a fort longtemps, au XIXe siècle avec les phalanstères de Fournier et autres gourous socialistes. Ce furent des échecs lamentables comme toutes les tentatives socialistes! L’ignorance et la bêtise des militants écolo-communistes expliquent la résurgence de ces délires!

Répondre
BERNARD HENOU 3 janvier 2025 - 12:31 pm

Le premier acte de décroissance c’est d’arrêter d’acheter des produits chinois, cela aurait l’avantage de réduire nos importations donc d’améliorer notre balance commerciale et de gagner en indépendance

Répondre
Nicolas Lecaussin 4 janvier 2025 - 12:04 pm

Et le pouvoir d’achat va chuter d’un coup…

Répondre
Nicolas Carras 6 janvier 2025 - 12:30 pm

Il y a un point important que tous ces gens qui veulent brûler le capitalisme et pas les forêts (on dirait une pancarte écrite par un gamin de 6 ans), ne semblent pas avoir pris en compte : de l’importance primordiale de la décroissance de la connerie.

A++ et bonne années 2025

Répondre
Michel GAUTRON 3 janvier 2025 - 12:32 pm

Je suis bien d’accord pour dire que ces “phraseurs”, porteurs de théories fumeuses sur le sujet ne s’appliqueraient pas eux-mêmes leurs concepts vaseux au risque d’y perdre en confort. Leur petit confort de bourgeois nantis…

Répondre
Baiwir 3 janvier 2025 - 12:36 pm

Cette logique circulaire me pompe l’air. A-t-on seulement conscience que tous ces problèmes gisent en dormance dans la seule question qui vaille : Pourquoi les gens s’obstinent-ils à faire autant d’enfants ?
Même les animaux ne tombent pas dans ce gouffre de perdition , d’anéantissement surréaliste, ne serait-ce que par le bais du taux de sucre dans le sang ou le jeu complexe d’hormones. L’humain, lui, a évolué, il pense et oublie de se penser pensant.

Répondre
Virgile 3 janvier 2025 - 1:26 pm

C’est surtout à une décroissance intellectuelle que nous assistons en Occident !

Répondre
Jean-Aymar de Sékonla 3 janvier 2025 - 2:20 pm

Tout cela est sous tendu par un désir irrépressible de totalitarisme. Cette approche visant à restreindre la créativité de l’homme est inhumaine.

Répondre
Oncpicsou 3 janvier 2025 - 2:23 pm

Vive la décroissance… de la fonction publique!!!

Répondre
LEPORCHER 3 janvier 2025 - 7:06 pm

« croître en bonheur, en éducation et en salaire » est le voeu des Français selon Camille Etienne. Il ne s’agit que de son opinion personnelle que partagent seulement enfants gâtés de son âge des beaux quartiers de Paris, Lyon, Bordeaux, Grenoble, Nantes et Rennes. Où est sa préoccupation d’améliorer le sort des 13 millions de pauvres de France?

Répondre
Hubert 4 janvier 2025 - 3:39 pm

On peut largement remercier les gourous, verts (?), chantres et lobbyistes de la décroissance (sauf pour leurs finances et leurs affidés bien sur) qui prêchent sur les réseaux sociaux … mais les a-t-on vu devant les portes de Volkswagen, de Michelin ou d’autres entreprises, pour saluer les pertes d’emplois et les chômeurs dont leurs lobbys accroît le nombre.

Répondre
eric17 4 janvier 2025 - 5:57 pm

Je vais faire dans la simplicité en reprenant un titre du plus célèbre chanteur : Cheveux longs et idées courtes
Ou bien pour faire dans le genre plus gras de JM Bigard : Une protestation d’adolescente prépubère .
Comme-ci l’assemblée nationale n’avait pas autre chose de plus intelligent que d’écouter des individus pareils …

Répondre
AlainD 5 janvier 2025 - 1:01 am

Ces intervenants étaient venus non pas débattre (car il n’y avait aucun contradicteur) mais faire un show, peut être pour amuser la galerie à l’approche des fêtes, une sorte de bêtisier comme ceux que la télévision diffuse…

Répondre