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Avec sa « Nouvelle France », Jean-Luc Mélenchon joue dangereusement avec le communautarisme

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Non, la « Nouvelle France » de Jean-Luc Mélenchon n’a rien à voir avec une quelconque colonie. Ce n’est pas le Pérou non plus… Voilà plusieurs années déjà que le fondateur de La France insoumise utilise cette expression, mais elle a été particulièrement mise en avant ces dernières semaines. Qu’est-ce que cette « Nouvelle France » mélenchonienne ?

Une expression déjà utilisée à maintes reprises

Le 12 juillet, au siège du Parti des travailleurs (ça ne s’invente pas : il y retrouvait ses premières amours trotskistes…), le Lider Maximo a insisté dans un discours fleuve sur la « Nouvelle France ». Cette expression ne saurait surprendre puisque le 9 juin, au soir des résultats des élections européennes, il en avait appelé à une « Nouvelle France », comme il le fera dans son discours de Montpellier le 23 juin à l’occasion de la campagne des élections législatives. Mais on peut remonter plus loin dans le temps puisque, par exemple, son allocution à Epinay-sur-Seine le 17 novembre 2018 contenait les mêmes termes.

La signification de la « Nouvelle France »

Comme on peut l’imaginer, la « Nouvelle France » de l’extrémiste de gauche n’a qu’un très lointain rapport avec la « France Nouvelle » de Lucien-Anatole Prévost-Paradol, ouvrage de 1868 dans lequel le journaliste défendait les principes politiques du libéralisme… Toutefois, il est commun dans l’histoire de la pensée politique d’annoncer la venue de « nouvelles couches » d’électorat qu’il est bon de flatter afin d’obtenir leurs suffrages.

Selon Jean-Luc Mélenchon, la « Nouvelle France » s’oppose à la France « raciste » du Rassemblement National, à celle du « grand remplacement ». C’est la France « métissée », « mélangée », « créolisée » pour reprendre le mot du poète de gauche Edouard Glissant. C’est la France de tous ceux qui, depuis deux ou trois générations, se sont rassemblés dans les « grands ensembles urbains ». Et Jean-Luc Mélenchon de citer pêle-mêle les Bretons et les Maghrébins, les Auvergnats et les Maliens etc., tous ceux dont les parents ont « émigré des autres continents et des autres provinces de France ». Une comparaison hasardeuse puisqu’il est pour le moins rapide de mettre sur le même plan une émigration de nationaux dans un même pays et l’immigration, mais les raccourcis ne lui ont jamais fait peur.

Le meneur des Insoumis a été plus précis dans son discours du 12 juillet. Il a explicitement défini trois catégories : la « Nouvelle France », ce sont les « populations racisées », « féminines » et « de la jeunesse », catégories qui peuvent évidemment se recouper. Elle est « constituée de tous ceux qui veulent vivre ensemble », et non pas de la « France coloniale, sexiste ».

L’objectif de Jean-Luc Mélenchon

L’objectif a été clairement annoncé : il s’agit d’aboutir à « l’hégémonie » et ce, « par genre, manière de vivre, culture », dans la perspective de « la conquête du pouvoir » lors de la prochaine élection présidentielle en 2027.

Jean-Luc Mélenchon doit certainement constater que l’électorat ouvrier vote aujourd’hui massivement pour le Rassemblement National, ce qui constitue une rupture dans l’histoire de la sociologie électorale. Sans abandonner cet électorat, le meneur des Insoumis prend d’autant plus volontiers acte de cette défection de plus en plus massive que le vote ouvrier pèse moins. Il tente donc habilement de déplacer le centre de gravité de la gauche et de l’extrême gauche. Les « prolétaires » font place aux « racisés » des banlieues qui votent déjà « bien », mais qui devraient voter beaucoup plus ; aux femmes, qui ne votent plus majoritairement pour les candidats conservateurs depuis longtemps ; aux jeunes, qui, eux-aussi, ont pu par le passé se prononcer massivement en faveur de l’extrême gauche mais qui devraient plus se mobiliser et moins s’abstenir lors des élections.

On a souvent fait le lien entre la stratégie de Jean-Luc Mélenchon et une longue note de Terra Nova parue en 2011 (Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ?, 82 pages). Le think tank de gauche (mais pas d’extrême gauche) constatait que les ouvriers votaient de moins en moins à gauche pour des raisons culturelles et politiques, au contraire des diplômés, des jeunes, des « minorités et quartiers populaires » et des femmes. Il conseillait donc de se concentrer sur les « forces de demain » avant tout, puis sur les « classes moyennes », éventuellement les « classes populaires » plutôt que sur les « séniors ». Les conseils ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd, même s’ils ne lui étaient originellement pas destinés…

Une stratégie électorale dangereuse

En délicatesse avec le Lider Maximo, François Ruffin a fait part le 10 juillet de son opposition à la stratégie mélenchonienne. Il y a vu une triple difficulté, démographique, géographique et sociale, qui négligeait les bourgs, les salariés modestes et les vieux. Une telle analyse est lacunaire.

D’abord, le meneur des Insoumis obombre la situation délicate de beaucoup de femmes au sein de ce qu’il appelle, en entérinant un vocabulaire woke tout simplement scandaleux, les « populations racisées ». En ce sens, il est piquant de le voir viser, selon un mantra de la gauche et de l’extrême gauche, « ceux qui veulent vivre ensemble », alors même que l’islamisation de certaines banlieues a constitué une terrible régression pour la condition féminine !

Ensuite, l’idée d’opposer une nouvelle fois des catégories d’électeurs est peu reluisante. Après les luttes implacables entre les gentils ouvriers et les méchants patrons, entre les gentils locataires et les méchants propriétaires, qui bien entendu demeurent au même titre que la lutte entre les riches et les pauvres, voici surtout venu le temps de l’opposition frontale entre les Français de fraiche date et les prétendus « Français de souche » accaparés par le Rassemblement National. Qu’importent les populations « non racisées », les hommes blancs, les vieux, les campagnards ! Vae victis !

L’islamo-gauchiste oppose la haine à la haine, bloc contre bloc. Mais comment diable fera-t-il pour rassembler s’il accède au second tour de la prochaine élection présidentielle ? L’objectif est limpide : il n’aura, croit-il, pas besoin de rassembler. Il cherche à boucher l’écart de voix, quelques centaines de milliers, qui l’a évincé du second tour en 2022, en faisant une campagne communautariste, draguant éhontément les musulmans, afin de juguler l’abstentionnisme des banlieues. Et, le second tour atteint, il entend y retrouver le candidat, ou plutôt la candidate, de l’extrême droite et lui faire barrage.

Il faut espérer que cette misérable stratégie échouera. Il reste peu de temps pour bâtir une offre libérale qui permette d’éviter le choix entre la peste et le choléra, et qui valorise la douce France plutôt qu’une « Nouvelle France » communautariste, haineuse et violente.

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