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Marie Curie habite dans le Morbihan

Xavier Jaravel

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Professeur d’économie à la London School of Economics, Xavier Jaravel a déjà reçu plusieurs prix couronnant ses recherches sur la croissance, l’innovation et l’inégalité. Son ouvrage détonne dans le paysage égalitariste de l’université française. Mais il est non-conformiste de manière intelligente et habile.

Dans la lignée des travaux de Philippe Aghion, Xavier Jaravel insiste sur l’importance de l’innovation. Celle-ci « permet aux pays en développement d’échapper à la pauvreté » (p. 7) et d’abonder les finances publiques et la protection sociale !

Il observe qu’à l’échelle des siècles, « l’innovation réduit les inégalités économiques par la prospérité matérielle qu’elle induit » (p. 19). Elle bénéficie également au plus grand nombre sur le court ou moyen terme. Contrairement à la doxa actuelle, si les activités entrepreneuriales créent la richesse des plus aisés, l’innovation accroît la mobilité des situations. Ainsi, favoriser le « marché qui promeut l’entrée de nouveaux acteurs reste la meilleure manière d’empêcher que des rentes de situation se constituent à long terme et que le marché soit figé » (p. 26). Par ailleurs la concentration actuelle des parts de marché mondiales entre les mains de très grandes entreprises « va de pair avec une hausse de la productivité et du pouvoir d’achat pour les consommateurs, ce dont on ne peut que se réjouir » (p. 24).

Il faut d’autant moins avoir peur de l’innovation, écrit-il, que « toutes les études parviennent à la même conclusion, a priori surprenante : les entreprises qui automatisent augmentent leurs effectifs salariés » (p. 28) plus que les secteurs qui le font moins et sans pour autant accentuer les inégalités au sein de ces entreprises. L’innovation est bonne pour l’emploi, y compris au profit des moins qualifiés, et favorise une remise en cause des situations acquises qui peut « laisser présager une baisse des inégalités de revenus » (p. 31). Et si l’impact de l’IA sur les emplois de demain est encore incertain, l’auteur ne voit pas de raison que l’introduction de Chat GPT et autres machines learning ne permettent pas d’augmenter l’emploi et la productivité des métiers de base, donc leur rémunération. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu’il ne faut pas rester attentif à l’usage de ces innovations et à leurs conditions de mise en œuvre. Par exemple dit-il, Amazon a déposé un brevet « pour un bracelet électronique connecté afin de surveiller l’activité de ses salariés dans ses entrepôts ! » (p. 32). Il faut évidemment rappeler à ce géant de la distribution que des salariés ne sont pas des prisonniers.

Certes, observe Xavier Jaravel, les innovations contribuent souvent à satisfaire les besoins ou les envies des plus aisés et peut à ce titre accroître les inégalités. Il ne servirait à rien pour autant de surtaxer les plus riches, ce qui réduirait les incitations financières à l’innovation. Au-delà d’un certain niveau d’imposition, proche des taux pratiqués en France et dans les pays scandinaves, « l’Etat réduit ses rentrées fiscales » (p. 59). D’autres suggestions à la mode comme l’instauration d’un revenu universel, la taxation des robots ou le retour de la planification seraient tout aussi inopérantes les unes que les autres.

Xavier Jaravel considère que la croissance serait beaucoup plus forte, et donc également la prospérité française, si l’éducation y était plus solide et permettait mieux aux jeunes plus défavorisés et aux femmes à haut potentiel – les Marie Curie du Morbihan – d’accéder aux meilleures études et de se tourner vers les carrières de l’innovation à la même fréquence que les hommes de familles favorisées. Les milieux de l’innovation ont trop tendance à se reproduire sans intégrer autant qu’ils le devraient des entrants extérieurs. Il préconise donc de sensibiliser tous les jeunes aux carrières de l’innovation et souligne que les expériences engagées à cet effet ont été concluantes. Mais il est surtout urgent de remonter le niveau de tout l’enseignement dont la baisse notoire en France est sans doute la cause de la chute de notre productivité. Il faut à cet effet augmenter sensiblement la rémunération des enseignants et, plus encore, les former mieux. Il faut revoir aussi « les pratiques pédagogiques, l’organisation du temps de travail, la taille des classes, l’aide aux devoirs, les activités péri et parascolaires, l’organisation des établissements avec peut-être le retour des notes au collège… » (p. 97). On pourrait, dit-il, envisager des cours d’initiation à l’entrepreneuriat au lycée. D’autant, conclut-il, que « mettre le capital humain au cÅ“ur de notre stratégie d’innovation est bel et bien rentable » (p. 100).

Pour engager ces réformes, l’auteur propose un « tournant délibératif » par la multiplication des consultations et conventions citoyennes. Il rêve sans doute un peu, méconnaissant les dérives de tous comités populaires et autres soviets. Il décrit tous les caractères du « ruissellement » au travers de la création de richesse des innovateurs, qui entraîne l’élévation du niveau de vie du plus grand nombre mais préfère parler de rhizome pour souligner le processus diffus, progressif et collectif du progrès général qu’induit l’innovation. Il a raison, même si c’est bien une forme de ruissellement ou plutôt peut-être d’entraînement ! Il a surtout raison parce que ces précautions lui permettent de faire accepter son discours et sa démonstration que sinon certains jetteraient bien volontiers sans doute dans les poubelles de l’ultralibéralisme.

Ce petit livre se lit avec autant de plaisir que de facilité. Il saura convaincre ses lecteurs de bien des vertus libérales.

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