Le président du Centre national du cinéma (CNC), Dominique Boutonnat, a remercié chaleureusement celle qui avait craché dans sa soupe lors de ce 76ème festival de Cannes en critiquant le système français d’aide au cinéma :
@Festival_Cannes : « Ce palmarès consacre la force unique au monde du système de soutien au cinéma du CNC. Bravo à Justine Triet pour la #PalmedOr décernée à « Anatomie d’une chute » aidé à l’Avance sur recettes. »
Serait-il masochiste ? Non, mais il vit de la même soupe ! Et les mendiants n’aiment pas la main qui les nourrit.
Le cinéma est biberonné à l’argent public Â
Le CNC se défend volontiers d’abreuver le cinéma français avec l’argent du contribuable. Le cinéma n’est pas financé par l’impôt, soutenait un journaliste, Olivier Bénis, sur France Inter le 28 mai 2023, mais par des taxes spécifiques. En effet le CNC est essentiellement financé par la taxe spéciale additionnelle de  10,72 % du prix de la place de cinéma, la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes de télévision, et enfin la taxe sur les services vidéo physiques ou en ligne (5,15 % prélevés sur les revenus liés à la vente de DVD, Blu-Ray, les services de VOD ou d’abonnement). Mais l’argent que payent les sociétés est bien répercuté sur les consommateurs qui payent leurs places de cinéma ou leurs services télé/vidéos plus cher. Et ces taxes collectées par l’autorité publique sont reversées directement au CNC via son fonds de soutien. Ces trois taxes ont rapporté 671,6 M€ en 2022.
Avec cet argent le CNC se vante d’inonder le cinéma français auquel, dit-il, 92 aides sont proposées pour un total en 2022 de 738,5 M€, dont : cinéma 291,0 M€ (39,4 %), audiovisuel 265,1 M€ (35,9 %), des dispositif transversaux 124,2 M€ (16,8 %) et des soutiens exceptionnels pour 58,3 M€ (7,9 %).
Et le CNC n’est qu’une petite partie de la dépense publique en faveur de la culture qui, outre les crédits des agences comme le CNC et ceux du ministère de la Culture (3,2Md€), est estimée par l’OCDE en 2021 à 4,4Md€ supplémentaires provenant des ministères de l’Education, de l’Enseignement supérieur, de l’Economie, de l’industrie et l’innovation, de l’Europe, de l’Agriculture…  Sans compter le coût pour l’Assurance chômage, plus de 1,3 Md€, des intermittents qui ont été 120 000 à avoir été indemnisés en 2020 à raison de 1350€ en moyenne par mois.
Une culture d’Etat
Selon l’OCDE la France est l’un des pays dont la dépense publique pour l’art et la culture est la plus importante par habitant. Dans le tableau ci-dessous, elle n’est que la 6ème la plus dépensière en pourcentage de ses dépenses publiques. Mais comme ces dépenses sont beaucoup plus élevées que la moyenne de l’OCDE, la France est vraiment l’une des plus dépensières en valeur absolue :
  Figure 1. Part des dépenses publiques en faveur des services culturels en 2019
Pourtant, les Français sont, des membre de l’OCDE, ceux qui dépensent le moins pour la culture puisque l’Etat dépense pour eux :
Figure 2. Part des dépenses des foyers affectées aux services de culture et loisirs et évolution 2011/2019
Les Français n’ont donc plus le choix de leur culture. La France subventionne la culture en prélevant des taxes supplémentaires sur cette même culture. Plutôt que d’alléger les charges fiscales et sociales qui pèsent sur elle, les ministères préfèrent taxer et subventionner pour garder le contrôle, pour que toute politique passe par eux.
Au passage ils peuvent mêler l’idéologie à l’argent qu’ils distribuent sous condition de politique de genre ou de classe. Le CNC se vante d’avoir permis en 2020 de « produire des données genrées pour disposer d’une connaissance fine du secteur et mieux comprendre les enjeux ». Depuis 2019, il octroie un « bonus parité » de 15% aux équipes artistiques paritaires « c’est-à -dire qui comptent au moins autant de femmes que d’hommes dans leurs principaux postes d’encadrement ». Est-ce pour faire oublier la mise en examen du président sus-nommé du CNC pour agression sexuelle sur son filleul ?
Une culture médiocre
Pourrie d’argent public, la culture française n’a plus besoin d’un public, mais seulement de bonnes connexions avec les élus et les fonctionnaires qui délivrent des aides nationales ou locales. Se crée ainsi une culture déconnectée, administrée, uniformisée par le conformisme déjanté qui traverse cet entre-soi. La culture n’est plus créatrice mais dévastatrice, provocatrice par complaisance autant que pour offrir de l’extravagance à défaut de savoir proposer de la beauté.
Certes, le cinéma français est bien classé dans le monde pour sa production et sa fréquentation, entre 5ème et 7ème selon les années, parce que les Français sont parmi les plus grands amateurs de cinéma du monde. Mais la France est pourtant loin derrière l’Inde, le Nigeria, les Etats-Unis, la Chine et le Japon qui sont plus économes de leur argent public à l’égard de leur industrie cinématographique.
Le Royaume Uni, qui produit un nombre de films proche de celui de la France, a l’un des plus bas taux de financement public des arts et de la culture de l’OCDE. Il s’est réduit ces dernières années pour représenter 33% des ressources en 2017/18, contre 47% en 2009/10 tandis que le financement en ressources propres (ventes de produits et tickets d’entrée) est passé pendant la même période de 38 à 52%, complété par des financements privés de 15%.
La Corée du Sud, qui elle aussi a une production cinématographique proche de celle de la France, a pour sa part constitué un fonds public/privé –le Motae Fund – pour accompagner les nouveaux projets culturels, avec une part d’argent public de 50 à 60% du financement requis. Pendant la période 2006/2016, le Motae Fund n’a levé « que » 1,6Md€, ce qui n’a pas empêché l’industrie cinématographique de connaître une croissance de 890% et l’industrie de la musique, de 1 585%, de 1999 à 2018 .
La culture française serait sans doute plus vivante et de meilleure qualité si elle était moins riche d’argent public. Au mieux il serait préférable de la taxer moins et de l’aider moins, et de taxer moins les Français pour qu’ils puissent plus aisément accéder aux spectacles et côtoyer les arts et les artistes de leur choix.
Mais le gouvernement et ses agences culturelles percluses d’égalitarisme infondé et de wokisme à la mode manient l’exception culturelle française de la même façon que d’autres, auxquels ils le reprochent, veulent instituer la préférence nationale de l’emploi et de l’industrie. Dans les deux cas la discrimination est patente, aux frais des bons artistes, des bons entrepreneurs, des contribuables et des consommateurs.
6 commentaires
Cette dépendance sous conditions s’appelle la soumission, existe-t-il encore devrais cinéastes artistiques indépendants dans ce petit entre-soi qui vit à nos dépens ?
Bonjour
Autant je suis pour une participation financière aux organismes permettant aux citoyens de pratiquer une activité culturelle: musique, danse, arts plastiques,
gérées au niveau des municipalités,
Autant j’ai trouvé indécent la remarque faite par Justine Triet à Cannes: Déjà elle était Hors Sujet et comme l’avait fait remarquer la ministre de la culture lors des « Molières », l’Etat Français a fait beaucoup, surtout pendant la Covid.
PhB
Je suis très peu consommateur de ciné depuis quelques années? Film engagés dans une voie qui ne me convient pas. Aussi je regarde la TV et les films dit anciens. JML
Le CNC, aux ordres, finance BHL et sa propagande narcissique. Tout est dit.
Oui….il existe cependant une parade (certes fragile car la pieuvre étatique s’y prendra autrement pour verser sa sportule à ces alliés idéologiques): vous boycottez les salles de cinéma, vous ne regardez pas la télé et pour le reste vous piratez…J’éprouve toujours un immense plaisir de faire les poches des bénéficiaires des droits d’auteur. Bon c’est vrai que cela a aussi ses limites: comme le cinéma français, aujourd’hui , à de rares exceptions , c’est de la m….vous n’allez pas vous punir en piratant les oeuvres de Marion Cotillard ou de Masiero!
Le scandale dans presque toutes les mairies de France qui entretiennent des troupes en résidence proches de la nullité . Du chomage déguisé pour une soit disante culture qui n’attire que quelques spectateurs .