Dans un article du 7 mars 2023, Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités, s’interroge sur le rôle de la « domination masculine » dès l’école primaire. Plus diplômées que les garçons, les filles sont pourtant minoritaires dans les filières les plus sélectives, notamment à cause d’un niveau plus faible en mathématiques. Une inégalité qui persiste dans le monde professionnel. Faut-il en déduire que les femmes sont victimes d’une oppression systémique ?
Alors que les différences de niveau en mathématiques entre filles et garçons sont quasi inexistantes au CP, elles se creusent en primaire, avant d’aboutir à une différence très marquée dans le choix des filières au lycée : 55 % des garçons optent pour deux options scientifiques, contre 36 % des filles en classe de terminale. Parallèlement, la part des femmes âgées de 25 à 34 ans et diplômées de l’enseignement supérieur dépasse de presque 10 points celle des hommes au sein de l’UE (46 % vs. 35 % en 2020, et 37 % vs. 29 % en 2010). Pourtant, elles ne sont que 20,2 % à occuper des postes de direction dans le peloton de tête des entreprises cotées en bourse en 2021. En réalité, ces choix professionnels sont peu surprenants pour les raisons que nous allons voir.
Plus les femmes ont le choix, moins elles se dirigent vers des filières scientifiques
Selon une étude intitulée « The Gender-Equality Paradox in Science, Technology, Engineering, and Mathematics Education » publiée en 2018, dans deux pays sur trois, les femmes réussissent aussi bien, voire mieux que les hommes dans les filières scientifiques ou « STEM » (science, technologie, ingénierie, mathématiques). Ces données se fondent sur les résultats d’un test PISA de 2015 incluant 67 pays dans le monde.
Le paradoxe est le suivant : on observe des disparités dans les choix professionnels des hommes et des femmes selon un écart fort ou faible entre le traitement des deux sexes, mais ces disparités ne sont pas celles auxquelles on s’attend a priori. Le Word Economic Forum calcule un indice global des écarts entre les genres – le Global Gender Gap Index (GGGI) – en comparant, pour les femmes et les hommes, la participation et les opportunités économiques, les niveaux d’éducation, de santé et de survie, et l’émancipation politique. Sur la base de cet indice, on constate que les pays les plus inégalitaires ont une surreprésentation de femmes dans les filières scientifiques (Turquie, Algérie, Émirats arabes unis). À l’inverse, ce sont dans les pays les plus égalitaires comme la Finlande, la Suède ou le Danemark, qu’une écrasante majorité de femmes se dirigent vers des filières socialement plus connotées.
Source: Stoet et Géary, Psychological science (2018), page 587
Des choix qui s’expliquent par le fait que les filières scientifiques sont un filet de sécurité dans les environnements économiques incertains, tandis que des contextes économiques plus favorables donnent aux femmes la liberté de choisir des métiers qui leur plaisent davantage – souvent à temps partiel et/ou moins rémunérateurs. Rien à voir avec des « stéréotypes de genre véhiculés à la fois par les parents et les enseignants » comme l’affirme l’Observatoire. D’autant plus que le niveau de satisfaction globale dans la vie, mesuré notamment par les opportunités économiques, est plus élevé dans les pays égalitaires. Pour améliorer la représentation des femmes dans les filières scientifiques, il faudrait alors restreindre leurs opportunités professionnelles et leurs possibilités de faire des choix.
Pour en finir avec la recherche de l’égalité
Chercher à tout prix l’augmentation du nombre de femmes dans les filières scientifiques ou dans les postes de direction – qui requièrent, par définition, plus de temps et de sacrifices personnels – est une erreur. Premièrement, le mythe de la working woman finit tôt ou tard par se confronter à la réalité : aux États-Unis, 33 % des femmes âgées de 41 à 55 ans ayant « fait une belle carrière » n’ont pas d’enfant, bien qu’une majorité désire en avoir – avec toutes les conséquences que cela implique (procédures médicales longues et complexes, dépenses de dizaines de milliers de dollars, stress psychologique important). Deuxièmement, un tel objectif ne peut être atteint que par une politique de quotas – comme nous l’avons vu dans les classes de spécialités informatiques, les cycles d’ingénieur, ou encore les conseils d’administration – ce qui s’oppose, par définition, à toute idée de mérite personnel.
Pour améliorer la condition des femmes, il est temps d’en finir avec les raisonnements simplistes, les mythes dévastateurs et les objectifs d’ingénierie sociale. Les choix individuels devraient primer sur la lutte contre les inégalités.
3 commentaires
J’ai vérifié ce « working woman » dans l’administration des Finances où j’ai exercé durant 25 ans.
Aux « cours de base », autant de femmes que d’hommes. Pour le grade suivant, 60 hommes et 40 femmes puis 70 messieurs contre 30 dames.
Pour réussir les concours « chef de service », à peine 4 femmes sur 16 candidats.
Et puis les hommes et les femmes n’ont tout simplement pas la même mentalité, les mêmes ambitions, la même idée du bonheur individuel…
Merci à Elodie Messéant. Ce qu’elle écrit, et que j’ai moi aussi vérifié dans de nombreuses situations professionnelles, serait « inaudible » si c’était un homme qui l’avait écrit.