L’ouvrage est sous-titré : « Techniques de plumaison des contribuables sans trop les faire crier », par référence à Colbert bien sûr. Professeur de droit fiscal à l’université de Rouen, Frédéric Douet analyse la fiscalité avec grand sérieux mais non sans humour.
Son ouvrage décrit les nombreuses techniques des gouvernements, de tous bords, et de l’administration fiscale pour faire accepter toujours plus d’impôt à des contribuables déjà saturés de fiscalité et pour élargir la base imposable sans toujours se soucier de sa réalité. Il y dénonce des pratiques de manipulation fiscale qui relève d’une certaine duplicité que les Français ressentent lorsque 98% d’entre eux estiment que notre système fiscal devrait être réformé.
Le fisc fait ainsi payer de l’impôt sur l’impôt, notamment au titre des nombreuses taxes énergétiques, mais aussi au titre de la CSG, ce que l’auteur appelle le rasoir à deux lames. Mais les contribuables ne se rendent pas compte des impôts qu’ils payent, surtout quand ils sont payés par des tiers, ce qu’a généralisé le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Désormais l’administration exonère de nombreux contribuables de déclarer leurs revenus imposables transmis par des tiers (l’employeur, la banque…) à l’administration. C’est la technique du paravent nous dit Frédéric Douet, qui consiste à « faire disparaître les principaux prélèvements obligatoires de la vue des contribuables ».
L’administration sait aussi percevoir des impôts virtuels sur des plus-values non monétarisées, des bénéfices non distribués, des frais professionnels des particuliers non déductibles ou encore des intérêts supportés par les entreprises dont la déduction est plafonnée.
Parfois, le législateur offre des avantages aux contribuables, mais les conditions d’obtention sont si restrictives qu’il devient presque impossible d’en profiter. C’est le cas du « Compte PME Innovation » institué en 2016 mais qui est « un monument de droit bureaucratique ». Une autre technique revient à limiter progressivement l’avantage consenti jusqu’à le rendre négligeable, comme la déduction de 10% du revenu imposable pour frais professionnels accordée, d’ailleurs indument, aux retraités, qui par définition n’ont pas de frais professionnels, mais dont le montant est limité à 3912€ par foyer.
Les gouvernants aiment aussi enflammer le débat sur des sujets brûlants mais concernant des populations très circonscrites pour mieux cacher les vraies préoccupations fiscales des contribuables. Quand on amuse la presse avec la taxe à 75% de Hollande ou la taxe GAFA franco-française, on ne parle plus des impôts ordinaires qui nous écrasent. C’est la technique du pickpocket qui détourne l’attention pour mieux voler le badaud.
Le législateur trouve aussi le moyen d’augmenter les impôts en ne faisant rien, c’est-à -dire en conservant les seuils et barèmes en dépit de l’inflation. Le taux marginal d’imposition de l’impôt sur la fortune, de 1,5%, n’a pas bougé depuis 1982 alors qu’à l’époque les taux d’intérêt étaient de près de 15%. Le tarif de l’IFI, hérité de l’ISF, n’a pas été réévalué depuis 2013, celui des droits de mutation à titre gratuit depuis 2012. Une technique de lévitation nous dit Frédéric Douet.
Les impôts et taxes sont trop nombreux et trop élevés en France. Ils sont trop complexes également et les procédures de recouvrement le sont plus encore, ce qui est un énième moyen de brouiller les pistes de compréhension des contribuables. Ceux-ci se révoltent régulièrement comme déjà les « croquants » et les « va-nu-pieds » l’ont fait dans le passé. Les Bonnets rouges se sont levés en Bretagne contre l’écotaxe des poids lourds en 2013 en empruntant le nom de ceux qui s’étaient opposés il y a 350 ans dans la même province à la taxe sur le papier timbré mise en place par Louis XIV. Il y eut ces dernières années les « Pigeons », les « Poussins », les Tondus… mais ces cris furent peu entendus. Les politiques poursuivent leur chemin et persistent dans l’erreur. « L’augmentation de la pression fiscale dégrade de plus en plus la situation des classes moyennes sans entraîner, dans le même temps, de véritable amélioration des plus démunis ». Il faudrait, conclut Frédéric Douet à juste titre, que l’Etat se recentre sur ses missions régaliennes et repense les moyens de les financer. Il propose notamment un impôt sur le revenu plus simple et à taux plus raisonnable. Ce serait, dit-il, le moyen de réconcilier les Français avec le consentement à l’impôt. Il n’a pas tort.