En 1995, le processus de Barcelone avait démarré des négociations en vue de la conclusion d’accords de libre-échange posant les premières pierres d’un projet euro-méditerranéen. Par la suite, l’Union européenne a signé quatre accords d’association avec quatre pays d’Afrique du Nord : la Tunisie en 1998, le Maroc en 2000, l’Égypte en 2004 et l’Algérie en 2005. Ceux-ci prévoient notamment une coopération économique accrue ainsi que la suppression progressive des droits de douanes et des mesures restreignant le commerce entre les deux rives de la méditerranée.
Dans le contexte international chaotique observé depuis, avec notamment la crise financière de 2008, les printemps arabes et la crise de la zone euro en 2015, les échanges avec l’Afrique du Nord se sont bel et bien accélérés à mesure que le libre-échange progressait (à l’exception notable de l’Algérie).
La progression du volume du commerce entraîné par le libre-échange
Dans les douze ans suivant la mise en œuvre des accords, les exportations de biens de l’UE vers l’Afrique du Nord ont augmenté de 2,5 Mds€ en moyenne par an contre + 1,5 Mds€ les six années précédant leur conclusion. Les importations, quant à elles, qui demeurent très liées aux hydrocarbures algériens, se sont globalement ralenties mais, si l’on excepte ces dernières, passent de +0,7 à +0,9 Mds€ annuellement pendant la période.
Les liens commerciaux euro-méditerranéens avaient, qui plus est, su faire preuve de leur résilience. En 2009, lors de la crise financière, dans un contexte de chute de 17% des exportations de l’Union, celles qui étaient à destination de cette région du monde n’ont baissé que de 6,9%. En 2020, les effets de la crise sanitaire et surtout de l’effondrement des échanges pétroliers et gaziers avec l’Algérie ont engendré la situation inverse : les exportations de l’UE diminuent de 13,8% (contre 9,2% avec le reste du monde) à 61,5 Mds€ et les importations de 18,4% (contre 11,4%) à 41,5 Mds€.
Globalement, les accords ont conduit à l’accroissement de l’excédent commercial des pays de l’Union vis-à-vis de leurs partenaires arabo-maghrébins (19,7 Mds€ en 2019), suivant en cela la même évolution que celle de la Chine, comme le montre le graphique suivant :
En plus d’un quart de siècle, des filières industrielles se sont implantées au Maghreb, notamment dans l’aéronautique et l’automobile. De 1% des exportations marocaines et tunisiennes vers l’UE en 2000, le secteur automobile est en hausse, représentant désormais respectivement 17% et 4% (contre 3% dans les deux pays pour l’aéronautique). Les exportations de matériel électrique vers l’Union atteignent, de leur côté, le chiffre de 33% en Tunisie, 25% au Maroc et 8% en Égypte. L’agriculture et l’agro-alimentaire y ont conservé une place prépondérante (20% au Maroc, 12% en Égypte, 8% en Tunisie), tout comme le secteur du textile, qui a toutefois vu sa part divisée par deux (de 48 à 23% en Tunisie, de 36 à 18% au Maroc et de 23 à 11% en Égypte). Le statut de l’Algérie est particulier : 95% de ses exportations concernent les hydrocarbures.
L’Europe, quant à elle, exporte surtout des machines mécaniques et des réacteurs (15% du total), des machines et appareils électriques (10%), des véhicules automobiles finis et des huiles de pétroles (10% chacun).
Des marchés attaqués par la Chine et la Turquie dans un contexte d’atonie du marché intra-maghrébin
Toutefois, la part de l’UE dans le commerce des pays nord-africains est proportionnellement en net déclin. Entre 1992 et 2019, les exportations européennes vers les pays du Maghreb et l’Égypte sont passées de 67 à 53% des exportations de ces derniers pays et les importations de 55 à 39% du total. Tous les pays ont vu leurs échanges diminuer à des degrés divers : en 2019 les pays européens représentaient encore 67% des échanges tunisiens, 51% des échanges marocains, 50% des algériens et 31% des égyptiens.
En effet, la Chine et la Turquie (et dans une moindre mesure l’Inde, la Russie et l’Arabie saoudite qui rassemblent à elles trois 10% du total des échanges) grignotent nos parts de marchés. De 1% en 1992 et 2% en 2000, la part de ces pays dans le commerce avec l’Afrique du Nord est montée à 9% pour la Chine (dont 13% des importations) et 4% pour la Turquie (dont 5% des importations). Cette décrue de l’influence européenne est illustrée par le graphique suivant :
Le développement ultérieur et à long terme du commerce méditerranéen suppose d’organiser des synergies intra-maghrébines aujourd’hui quasi inexistantes. Le commerce intra-régional ne représente, en effet, que 5% des échanges du Mahgreb, contre 16% en Afrique subsaharienne, 19% en Amérique latine, 51% en Asie, 54% en Amérique du Nord et 70% en Europe. Cette atonie s’explique par de conséquentes barrières douanières et non douanières ou encore par un mauvais état des infrastructures reliant les pays de la zone, alors même que le FMI indique une complémentarité économique importante des trois pays maghrébins entre eux.
En somme, il apparaît que le libre échange a favorisé le développement des liens commerciaux entre l’Europe et l’Afrique du Nord alors que son insuffisance au sein des pays de cette zone l’a freiné. Mais si l’Europe y conserve une position privilégiée, elle ne pourra résister à la poussée chinoise et turque sans développer des stratégies de compétitivité/ coûts impossibles à réaliser sans desserrer l’étau fiscal qui étrangle ses entreprises.
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Et on revient toujours à la case « départ » : la fiscalité. Allez en parler à Macron ou Mélenchon. Et pourtant ce sont eux qui sont aux manettes. La seule chose qui prévaut c’est l’assistanat.