Certaines mesures temporaires imposées par quelques institutions culturelles occidentales aux artistes russes qui ne se désolidarisent pas de Poutine et de sa guerre en Ukraine ont permis à la propagande russe de répandre l’idée que l’Occident déteste la culture russe et que son programme de « cancel culture » inclurait également les grands noms russes.
En réalité, ces décisions malheureuses, mais très rares, ont fait oublier les vrais censeurs de la culture russe. Non, l’Occident n’excommunie pas Dostoïevski, Tolstoï, Boulgakov, Pasternak, Tchaïkovski ou tant d’autres génies de la littérature, de la musique ou du cinéma. Ce n’est pas l’Occident qui veut ou a voulu interdire, censurer ou « nettoyer » la culture russe. C’est l’État russe lui-même qui l’a fait dans ses diverses incarnations. Qui a obligé Tourgueniev à s’exiler ? Qui a déporté Dostoïevski en Sibérie ? Qui a emprisonné Tchernychevski ? L’État russe, pas l’Occident. Qui a excommunié Tolstoï ? L’Église orthodoxe russe, soutenue par l’État russe. Qui a persécuté Boulgakov, Akhmatova, Pasternak ? Qui a déporté Soljenitsyne, Chalamov, Grossman et des milliers d’autres intellectuels ? Qui a humilié Chostakovitch ? L’État soviétique, héritier de l’État russe. Qui aujourd’hui arrête, exile, tue, censure quiconque ne parle pas en termes de propagande officielle ? L’État russe, encore une fois, pas l’Occident qui les appréciait, les publiait dans d’énormes éditions, les jouait et récompensait parfois tous ces écrivains, artistes, musiciens et bien d’autres.
En fait, depuis le début du XIXe siècle, une partie importante et la plus précieuse de la culture russe a été dans une guerre presque jamais interrompue avec l’État russe et ses dirigeants – de Nicolas Ier à Staline et Poutine (sauf la période Gorbatchev-Eltsine). Emprisonnement, déportation, assassinat, exil et surtout censure sont les armes de l’État russe, dont la culture politique ne comprend que l’oppression et la persécution comme moyen de gouvernement. Il n’y a jamais eu probablement un autre État dans le monde qui, pendant si longtemps et avec une telle constance, ait été en guerre contre sa propre culture.
3 commentaires
La France finira par rattraper le Russie à l’allure où vont les choses…
Vous avez raison, surtout quand un président de la république prétend qu’il n’y a pas de culture française. Je me demande à quelle école il est allé pour proférer de pareilles inepties…
Tout cela est parfaitement exact, malheureusement.
Quant à Macron, il n’a qu’un vernis de culture et c’est bien la raison pour laquelle sous son double mandat la culture en France continue de chuter de façon vertigineuse. Et quand on pense à la ministre de la culture et à ses propositions, on se retrouve au fond des abysses. Macron n’est pas un chef d’état mais un patron de clan racoleur.
Il est vrai, toutefois, que l’on déstructure volontairement la société française depuis plus de 40 ans, or on ne déstructure pas inpunément une société !!!